Ce jeudi 26 septembre, dernier jour de la campagne électorale, face à face inédit entre M. Kiridi Bangoura, ministre secrétaire général à la présidence de la république et M Ibrahima Kassory Fofana, président GPT sur le plateau et M. Sidiya Touré, président de l’UFR au téléphone. C’était dans la très écoutée émission ‘’ Les Grandes Gueules’’ de la radio Espace Fm. Décryptage !
Grandes Gueules : Quel est le niveau de préparation du scrutin à J-2 ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Je ne sais pas comment M. le Ministre, mon grand frère a été informé ? Mais, leurs délégués aux dernières négociations le savent très bien. Les jours supplémentaires qui ont été pris sont largement suffisants pour réduire les écarts d’impréparation et d’imperfections qui existaient dans le système. Quand on a signé l’accord du 3 juillet, je fais partie des gens qui ont insisté pour qu’on mette en place un Comité technique de suivi, parce que j’avais, comme tout le monde, prévu que les faiblesses institutionnelles accumulées depuis quelques années, depuis la mauvaise application des attributions de la CENI. Et, cela date de 2008 – 2009. Depuis un décret de Dadis qui donne à la CENI, à elle seule, la seule responsabilité des élections, au lieu que la cogestion qui permettait à la CENI de se consacrer à la gestion des résultats et du système de contrôle, et de laisser à l’administration du territoire la responsabilité sur la préparation matérielle, depuis cela, on savait qu’il y aurait des problèmes. Mais, les dernières négociations ont permis de réduire les écarts d’impréparationet les anomalies. Et cela a été opérée de consensus avec les représentants de l’opposition qui étaient dans la salle, à savoir les Premiers ministres Cellou D. Diallo et Sidya Touré. Donc, je crois qu’à la date d’aujourd’hui, avec les réunions quotidiennes et régulières du Comité de coordination opérationnelle qui a été mise en place, sous le Comité technique de suivi, il y a eu un cheking très claire de tous les points de repère, visant à nous amener à des élections, disons, correctement organisées.
GG : Même s’il y a eu mea-culpa. On a entendu la CENI.
N.Y. Kiridi Bangoura : Il n’y a jamais eu de bureau d’un électeur ou de deux électeurs. Mon grand frère est un expert en économie, je crois qu’il me reconnait quelques capacités dans le domaine, dont nous parlons.
GG : Ça, c’est reconnaitre les défaillances du côté de la CENI, M. Kiridi Bangoura ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Est-ce que si la CENI n’allait pas avoir de défaillances, on aurait nous même demandé la mise en place d’un Comité technique de suivi. Ce que je veux dire, c’est les partis politiques qui ont charpenté la CENI comme elle est aujourd’hui. C’est les mêmes leaders qui ont restructuré la CENI et qui ont laissé un certain nombre de tâches sur la tête de la seule CENI qu’elle ne peut réaliser qu’avec la coopération, notamment des partis politiques, mais aussi de l’administration du territoire. C’est les partis politiques qui ont décidé que la CENI fasse tout, toute seule. Donc, les difficultés et les engorgements opérationnels que nous gérons, viennent de cette décision politique et non de la CENI, en tant que telle. Il faut se dire la vérité.
GG : En claire…
N.Y. Kiridi Bangoura : En claire, après ces élections, ce que je souhaite chaque fois, c’est qu’on évalue et qu’on voit comment améliorer notre système électoral. C’est peut être la première leçon, Dieu merci, qui est partagée par l’ensemble des acteurs politiques aujourd’hui. C’est qu’il ne s’agit pas seulement de clamer indépendance, indépendance, il faut donner à chaque entité, les attributions quelle peut réellement gérer et de façon efficace. L’efficacité, comme mon grand frère le sait, est le premier critère d’évaluation de tout système économique, social et politique. Si l’efficacité ne réside pas, le reste, c’est du pipo.
GG : Il faut faire du fil back.
N.Y. Kiridi Bangoura : Du fil back auprès de qui ? Dans ce cas, il n’est pas représenté auprès de la Coordination technique qui se réunie tous les matins à 9 heures, au niveau des Nations unies. Coordination technique, présidée par M. Souna Issaka qui est le 1er Assistant de M. Saïd Djinnit, le représentant spécial du secrétaire des Nations unies. Il y a une réunion tous les matins pour, justement, faire le retour. Et, je crois que, peut-être, ceux qui ont représenté l’opposition n’ont pas informé leurs collègues.
Kassory Fofana : Non, non. J’ai une ou deux questions (rires).
N.Y. Kiridi Bangoura : Je ne suis pas là pour que M. le Ministre me pose des questions (rires).
GG : Acceptez l’interactivité, pour une fois dans notre pays, dialogue, c’est important…
N.Y. Kiridi Bangoura : J’accepte le débat contradictoire. Je suis à la veille d’une victoire électorale. Quand les règles du jeu doivent bouger, on les négocie. J’aurai aimé qu’on me demande si j’accepte qu’il me pose des questions. Et, en bon démocrate majoritaire, j’aurai accepté.
Kassory Fofana : Est-ce que vous acceptez que je vous pose des questions, cher frère ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Pour la préservation de la liberté d’expression et pour l’animation de la contradiction, oui.
Kassory Fofana : Merci. Comme vous dites qu’il y a le retour de l’information. Quel est le niveau de distribution des cartes électorales aujourd’hui, à l’échelle nationale ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Selon les chiffres des observateurs de l’Union européenne, nous sommes autour de 73%. Je ne donne même pas les chiffres de la CENI.
Kassory Fofana : C’est bon, c’est bon !
N.Y. Kiridi Bangoura : Non, quand même, il ne peut pas poser des questions et donner les réponses.
Kassory Fofana : Elle est répondue, ma question …
C’est moi qui décide jusque quand j’ai répondue. Je n’ai pas finie de répondre. Ça, c’est le point de vue des observateurs de l’UE, dont on connait l’indépendance et la sévérité. La vérité, c’est que les partis politiques ne se sont pas donné les moyens pour être représenté par les observateurs dans les 2 milles centres de distribution des cartes d’électeur. Donc, les partis politiques, dans la plupart du temps, n’ont aucune capacité de suivi. Nous nous sommes donnés les moyens de nous organiser ; des moyens humains, parce qu’il n’y a pas que les moyens de l’argent. Il y a surtout les moyens humains. Nous sommes un parti qui s’est structuré en plus de 4 milles Comités de base sur le territoire national. Il n’y a que 2 milles points de distribution des cartes d’électeur. On s’est arrangé à être représenté là-bas. Nos militants qui le font, font une activité gratuite et citoyenne. Ils ne sont pas payés. Ils le font parce qu’ils sont militants, parce qu’ils sont convaincus,…
GG : Ils sont payés, M. le Ministre. On le sait très bien,…
N.Y. Kiridi Bangoura : Payés par qui ?
GG : Payés par le pouvoir en place.
N.Y. Kiridi Bangoura : Ce n’est pas vrai. Le pouvoir en place ne participe pas à l’élection. C’est le RPG-Arc-en-ciel qui a présenté une liste de candidats et des candidats à l’uninominal.
GG : Le RPG-Arc-en-ciel, c’est quoi ? Ce n’est pas le pouvoir en place, M. le Ministre ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Il faut quand même savoir garder raison. Si la ville est parée de JAUNE, c’est parce que nos supporters, dans leur enthousiasme et par leurs propres moyens, ont décidé…
GG : Non, pas du tout, je ne vous le permettrais pas M. le Ministre.
KB : Est-ce que les jeunes qui s’engagent à Conakry ; les grands entrepreneurs qui ont décidé de financer la campagne de Kaloum, c’est notre argent ?
GG : Sous pression, bien évidemment. Quand on prend KPC, ses intérêts sont menacés. C’est l’argent du RPG-Arc-en-ciel.
N.Y. Kiridi Bangoura : Il faut respecter ce jeune homme pour deux raisons : il a crée des emplois dans ce pays. Il a eu le courage, sur la base d’un programme, de s’engager pour soutenir un candidat à Kaloum, Lévia Bangoura, qui est de la même génération que lui. J’aimerais que beaucoup de Guinéens prennent l’habitude de dépenser leur propre sou pour leurs convictions, comme les leaders le font d’ailleurs. Maintenant, pourquoi ce que les leaders font avec leur propre argent, il serait interdit à un citoyen guinéen, comme KPC, de faire la même chose pour ses convictions ? Il ne faut pas dégrader chaque fois, l’engagement et l’élévation de notre pays. Ce n’est pas normal. Mais, comme c’est mon tour, j’ai donné une petite liberté à mon grand frère pour qu’il me pose une question. Maintenant, débattons…
Kassory Fofana : Je peux faire le commentaire que m’inspire la réponse donnée à ma question ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Est-ce que j’ai commenté ce qu’il a dit. Je n’ai pas eu le droit de commentaire, sinon vous me laissez commenter…
Kassory Fofana : Tu arrêtes d’être démocrate là ! Laisse-moi, au moins tirer la conclusion…
N.Y. Kiridi Bangoura : Non. Vous et moi, nous avons été enseignants dans une certaine vie. Vous ne pouvez pas tirer les conclusions d’une leçon qui n’est pas la vôtre. Le seul professeur ici, c’est le peuple.
Kassory Fofana : Vous avez donné une information que je voudrais commenter.
N.Y. Kiridi Bangoura : Comment vous pouvez commenter une information que vous venez d’avoir, sans vérification ?
Kassory Fofana : S’il vous plait ! Parce que je vous fais confiance. Vous avez dis qu’on a à ce jour 73% de distribution des cartes d’électeur. Et, c’est des donnés qui sortent du Bureau de surveillance des Nations unies, donc c’est crédible et je n’ai pas de raison de douter de vous sur ces questions là, tu es expert en élection. Le commentaire que je voudrais dire là-dessus et que je laisse à chacun d’apprécier. On est à 48 heures de l’évènement, on nous dit théoriquement que le taux de distribution des cartes est à 73%, c’est-à-dire qu’il y a encore 1/3 des cartes qui ne sont pas distribuées.
N.Y. Kiridi Bangoura : Je peux donner les standards internationaux ? En moyenne, en Afrique aujourd’hui,le taux moyen de distribution des cartes d’électeur est autour de 62%. Ce n’est même pas le taux de participation. Encore une fois, il reste deux jours. Et, la plus part du temps, les jeunes gentlemens que vous êtes ici, ce sont organisés pour qu’à partir de demain, ils se déplacent pour prendre leurs cartes d’électeur, parce que pendant la semaine, vous avez estimé que vous allez perdre du temps à le faire. On connait qu’il y une anthropologie du comportement électoral. On sait comment les électeurs se comportent en moyenne. Le peuple de Guinée, est un peuple qui vote massivement, en règle générale. Voilà pourquoi on a atteint ce taux. En Europe, c’est pire. Le taux de participation aux élections excède difficilement les 50%. Et, ce taux est extrêmement correct, il est au-dessus des standards et seuils internationaux admis pour une bonne élection.
GG : Allez-y M. Kassory Fofana.
Kassory Fofana : Mon frère ne me laisse pas le temps de parler. Je voudrais simplement, à partir de cette information, laisser à l’appréciation des Guinéens que les cartes sont distribuées au 2/3 à 48 heures des élections.
N.Y. Kiridi Bangoura : Je veux laisser à l’appréciation des Guinéens, qu’en moyenne ce taux a été difficilement atteint. Et, je félicite les électeurs de Guinée de s’être massivement mobilisé pour retirer leurs cartes d’électeur. Et, je leur dis qu’il reste encore 48 heures, jusqu’au matin du vote, selon le code électoral…
GG : Qu’est-ce qui vous rassure M. Kiridi Bangoura ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Ce qui me rassure, comme je vous dis, nous sommes un parti national, territorialement implanté, nous avons plus de 4 milles points de vérification de l’information sur nos militants, sur les citoyens, sur les votants de ce pays. Et, le point qu’on fait hier au Comité technique électoral du parti, entre zéro heure et 2 heures du matin, nous a rassurés parce que nous avons un système de communication et d’information qui nous permet aujourd’hui de savoir que là où il y avait des difficultés… Je vous donne un exemple, à Kankama, dans Dabola, on avait des électeurs qui étaient à 25km de leurs lieux de vote. Les évaluations in situte de réparation, c’est moi qui l’ai proposé au Comité technique. Ils l’ont fait, aujourd’hui les électeurs sont à une distance raisonnable du Bureau de vote.
GG : A Nzérékoré, ce n’est pas le cas. Il y a encore des électeurs qui sont à 20km de leurs lieux de vote.
N.Y. Kiridi Bangoura : Vous savez comment ça été réglé ? Au moment où je venais ici, j’ai appelé la CEPI (Ndlr : Commission électorale préfectorale indépendante) de Nzérékoré pour savoir quelle est la décision prise. Et, voilà le problème concret qu’ils ont : ils trois entités d’établissement humain, c’est-à-dire trois villages plus ou moins grands qui sont connectés au même Bureau de vote. Ils se sont rendus compte qu’en déplaçant le même Bureau de vote, ils le feront d’une majorité vers une minorité d’électeurs. Donc, ils sont actuellement entrain de tracer une équi-distance entre les trois villages pour qu’ils puissent faire le même effort vers le Bureau de vote. Ils sont entrain de trouver la solution. Et, quand il n’y aura pas de solution de la part de la CENI, nous allons marcher à pied, la veille de l’élection pour voter le matin. Je vous rassure que partout sur le territoire national, à partir de demain 16 heures, nos électeurs qui se trouvent éloignés des Bureaux de vote vont commencer la marche de la victoire. La marche de la Guinée qui avance.
GG : L’autre question que j’ai envie de vous poser M. Kiridi Bangoura, le 29 vous allez vous réveiller avec carrément le contraire. Qu’est-ce que vous aller faire ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Mais quel contraire ?
GG : Le parti GPT n’est pas gagné, M. le Ministre ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Oh, là-là ! Vous savez, mon grand frère est tellement intelligent…
GG : Le GPT fait peur !
N.Y. Kiridi Bangoura : A qui ?
GG : Au RPG-Arc-en-ciel, on le sait très bien. A Forécariah, en Basse côte. On a vue un petit peu la marée humaine…
N.Y. Kiridi Bangoura : Est-ce qu’en Basse côte ?
GG : La Basse côte, ce n’est pas la Guinée, vous allez me dire.
N.Y. Kiridi Bangoura : La Basse côte. Vous savez, on a un problème de géographie en Guinée. Entre la Basse côte et la Guinée maritime, il y a une différence. Il ne faut réduire notre région. La Basse côte, c’est le Littoral, plus 5 km, le reste est plus vaste. Faites attention. GPT et tous les partis concurrents auront leurs résultats après le vote des Guinéens. Nous reviendrons ici pour célébrer la victoire du RPG-Arc-en-ciel.
GG : En Haute Guinée, le pouvoir en place n’a plus de force.
N.Y. Kiridi Bangoura : Encore une fois, la progression de notre implantation en Guinée maritime est une réalité. Nous avons des Comités de base partout. Il n’y a pas un Bureau de vote aujourd’hui en Basse côte autour duquel nous n’avons pas deux ou trois Comités de base. Nous avons fait un travail d’implantation. Il y a six mois, nous avons mobilisé nos électeurs. Il y a trois mois, nous les avons fait travailler sur le programme et les difficultés. Nos candidats sont allés vers les villages, en leur disant voilà ce qui a été fait, voilà ce qui reste à faire, voilà comment on va le faire et voilà quand on va le faire. Avec ça, on gagne la guerre.
GG : M. Bangoura, vous avez dit tout à l’heure qu’après les élections, on devrait revoir notre système électoral. Est-ce qu’il n’est pas nécessaire de le faire avant d’aller aux élections pouréviter les risques que cela peut engendrer ?
N.Y. Kiridi Bangoura : Vous demandez à quelqu’un qui a déjà démarré une course, de s’arrêter et d’attendreles prochains Jeux Olympiques pour finir sa course. La réalité est ce qu’elle est. Je le dis bien, nous n’avons pas généré cette réalité, nous l’avons hérité. Et, corriger comme elle est, c’est la volonté des partis politiques de l’opposition qui ont exigé qu’on fasse un nouveau décret pour fixer les attributions, la composition et le fonctionnement actuels de la CENI. Comme tout cela est déjà, ce que je demande comme sagesse, quelque soit l’amertume de la défaite des uns et quelque soit l’ivresse de la victoire des autres, c’est qu’on ait le courage de se retrouver pour bâtir ensemble un système électoral à la fois efficace et efficient. Parce que notre système électoral coûte trop cher actuellement. Au Sénégal, le coût électeur du système sénégalais est de 1,5 euro. Le coût électeur du système guinéen aujourd’hui est de 9,3 euros. Parce que simplement, on a voulu donner à une administration ad-dhoc, c’est-à-dire à la CENI, des tâches qui, traditionnellement reviennent à une administration classique, dont les fonctionnaires sont déjà payés, rodés et disposés pour ce genre de travail. Il faut contrôler ces fonctionnaires là dans le travail, il faut veiller à ce qu’ils soient équitables. Mais, partout dans le monde, on essaie de bâtir des systèmes électoraux qui obéissent et à l’efficacité, et à l’efficience, et à l’équité et à la transparence. On ne peut pas bâtir un système électoral qui coûte aussi cher et pouvoir faire des élections tranquillement.