Il n’y a pas que le guinéen lamda qui sent l’odeur nauséabonde de la galère qui s’abat sur le pays, et qui vit chaque jour par l’obsession de lendemains qui chantent. Les institutions universitaires vivent, sinon le pire, en tout cas pas moins.
Au centre universitaire de Kindia, deux saisons rythment le fonctionnement de l’institution. L’arrivée des subventions de fonctionnement et….leur rareté. Si fait que l’une, la première, est l’occasion d’une telle ambiance de réjouissances qu’on se croirait à une fête de la marre où chacun se jette à l’eau avec la certitude d’en tirer du poisson.
En effet, les subventions financières allouées à l’institution tombent toujours comme la manne aux israéliens dans le désert. Chacun y trouve de son compte, en commençant par le pool financier et les responsables administratifs (directeur général et adjoints) qui se taillent la part du lion. Puis les doyens et chefs de départements, juste derrière dans le classement ; et, en bas de l’échelle, les étudiants dont la majorité devront s’acquitter des dettes débitées vis-à-vis des commerçants, restauratrices, professeurs, photocopieurs et logeurs.
Tout est souvent prévu à l’avance, compté et au franc près, découpé avant le jour. Et quand elles tombent, comme une giboulée, l’atmosphère redevient subitement sereine. Et chacun dans sa tanière croque à pleine dent sa part du gibier, en attendant la saison prochaine. Ce tableau est celui de la bonne saison. Mais il existe un envers du décor.
La longue période de disette qui s’écoule entre deux subventions est souvent comme un prologue de l’enfer. Pour preuve, depuis le mois de Mars, date de la dernière subvention, tout semble dans l’impasse ; et tous, professeurs et administrateurs en premier, sont dans une affliction et une galère indicibles. Les étudiants de leur côté, ont dû laisser des procurations à la place de l’argent que certains d’entre eux ont emprunté pour pouvoir rejoindre leurs familles respectives.
D’autres, bien évidemment sont encore en attente de la manne. Le centre perçoit trois milliards de francs tous les trois mois, ce qui n’est pas rien. Mais entre trois et parfois quatre mois, c’est souvent cela la croix à porter ; et épier les moindres bruits de l’arrivée des fonds, et les percevoir, et les moudre au bout de quelques jours. Et le cycle reprend…infernal.
Denis GAMY, correspondant de mosaiqueguinee.com à Kindia