Au regard des discours prononcés ce week-end par des acteurs politiques de la majorité et de l’opposition, la prochain marche de l’opposition risque d’être fatidique pour la démocratie guinéenne. En effet, l’opposition voulant battre le pavé, veut exprimer ainsi, selon ses dires, la mauvaise gouvernance du pouvoir Condé.
A l’opposé, la mouvance brandit des menaces contre les fauteurs de troubles. Ils veulent voir l’opposition finir genou à terre, tel ce diable rouge d’Arthur Scargill qui s’était targué de défier la Dame de fer.
Pourtant, dans un Etat démocratique, il y a toujours une opposition qui manifeste ses idées parallèlement au gouvernement. Sa présence est utile pour garantir un échange de points de vue caractérisé par des controverses utiles. Elle a, d’une part, le rôle d’exprimer les intérêts qui ne sont pas pris en compte par le gouvernement et, d’autre part, celui de s’assurer que tous les problèmes pertinents ont été discutés librement et en profondeur.
Marcher est-il un privilège ou un droit ?
Depuis l’avènement du pluralisme politique en Guinée, les partis au pouvoir se sont toujours inscrits dans une logique de répression des marches de l’opposition. Cet état de fait continue de diviser le tissu social et créer ainsi de nombreuses victimes. La III me république n’échappe pas aussi à cette pratique des âges sombres.
Certains acteurs de la majorité considèrent la marche comme un privilège pour l’opposition. Or, le souverain peuple de Guinée a déjà décidé à l’article 10 de sa constitution que « tous les citoyens ont le droit de manifestation et de cortège ».
Montesquieu ne dit-il pas dans son célèbre ouvrage « L’esprit des lois » que : « Lorsque, dans la République, le peuple en corps a la souveraine puissance, c’est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d’une partie du peuple, cela s’appelle une aristocratie ». Le débat est ainsi clos car la Guinée est une démocratie!
La stratégie de la crise
Pour l’opposition dite républicaine, la pression ne doit jamais cesser. Seule une atmosphère d’urgence, le sentiment d’être au bord de la catastrophe peuvent faire plier les gouvernements récalcitrants. L’atmosphère chaotique n’est donc pas un bug, mais une caractéristique de la situation : c’est la condition nécessaire pour que le gouvernement consente à renoncer à lui mépriser.
Ce fait est partagé par bon nombre de cadres sans portefeuille de la majorité. Pour eux, la crise est l’unique moyen pour servir un roi qui voulut être roi et ne sut jamais comment régner.
L’état doit se réinventer en Guinée !
Comment restaurer l’autorité de l’Etat ?
Restaurer l’autorité de l’Etat est fondamentale pour la survie de notre pays. Toutefois, cela ne signifie pas l’usage exclusif de la force. Restaurer l’ordre et l’autorité, c’est faire un savant dosage entre le droit, la force et la psychologie sociale. Cela passe par l’action des représentants de l’Etat commis à cette mission et qui disposent à cet effet des forces de police administrative.
Ainsi, il faut prévoir donc trois mesures pressantes à prendre, qui sont le renforcement des capacités de l’appareil de l’Etat, le renforcement des capacités organisationnelles et opérationnelles de l’administration territoriale et la professionnalisation et la dépolitisation de l’administration territoriale.
Que fait le pouvoir ? Rien. Que propose l’opposition ? Rien.
Six ans après l’élection du président condé à la magistrature suprême de notre pays, aucune action n’a été prise pour restaurer l’autorité de l’Etat. Au contraire, il participe à saper celle-ci à travers la politisation à outrance de l’administration, la violation des dispositions légales, la répression à sang des manifestions de l’opposition.
Cependant, l’opposition devant être la force de propositions et de contrôle de l’action publique est sans alternative. D’ailleurs, son chef de file brille par son absence lors des évènements officiels.
Dans le quotidien du parlement, vu son infériorité face au parti au pouvoir, l’opposition n’a aucune marge de manœuvre pour introduire de véritables projets de lois. L’exemple le plus illustratif est le projet sur la réforme de la CENI introduit et qui a été aussi tôt enterré par la majorité.
Ce despotisme de la majorité, n’est-il pas à l’origine de nos crises ?
Crise sociale et institutionnelle aiguë
Au-delà de la crise politique que la Guinée traverse, les crises sociales et institutionnelles s’accentuent. Le besoin de réconciliation nationale exprimé par les Guinéens traduit un état de malaise profond au sein des populations. Ce malaise résulte d’une part de longues années de mauvaise gouvernance et de violences étatiques, et d’autre part, d’une classe politique dont l’unique programme est l’ethnie.
Le système institutionnel est despotique et peu efficace. De la Cour Constitutionnelle, en passant par l’Institution Nationale Indépendante des droits humains et la Haute Autorité de la Communication, toutes traversent de graves crises. La haute autorité de la justice reste toujours en attente.
Depuis un demi-siècle, les élites prétendent « construire » le pays dans le dos des citoyens, voire contre eux, au prétexte qu’ils seraient incapables, intellectuellement et moralement, d’adhérer à ce projet soi-disant grandiose. Mais les peuples ne sont pas aussi stupides que l’espèrent les politiciens si mal intentionnés. Ils finissent donc par comprendre la vraie intention de ses « politiques », machine de guerre contre les nations, la démocratie et la justice sociale.
N’en déplaise à un grand nombre de politiciens, le peuple est ainsi toujours plus fort que les oligarchies, la liberté l’emporte toujours sur la dictature.
J’ai fait ma part pour sauver la démocratie guinéenne. Toi aussi fais ta part !
BARRY Amadou Tidiane acteur de la société civile.