Comme la preuve par neuf des inachèvements et errements d’une gouvernance qui pique du nez, on ne le dira jamais assez, le report pour la deuxième année consécutive des festivités tournantes de l’indépendance de la Guinée, sonne comme l’échec d’une initiative belle à l’origine, mais dévoyée, finalement au goût amer dont il faut faire son deuil. Puisque, à ranger désormais au rebut de tant d’autres, également mises en charpie.
Voici 58 ans que la Guinée est indépendante, 58 ans qu’elle s’est affranchie dit-on du joug de l’impérialisme français, 58 ans qu’elle a accédé, dit-on, à plus qu’une factice de souveraineté nationale, voire internationale. 58 ans pour des nèfles, on peut se le permettre, 58 ans passés à peigner la girafe, 58 ans de complotite, de convulsions militaro-civiles, de chicaneries politiques à n’en pas finir, de politiques économiques mal pensées ayant toutes ou presque fini en eau de boudin. Résultat, un tardillon de pays, repaire des damnés de la terre, comme irrémédiablement condamnés à un destin de galérien, à une vie de bohème, à une vie d’éternels misérables, d’éternels miséreux, d’éternels assistés. Si ce n’était que cela, si ce n’était qu’il était comme écrit que, eux les guinéens, n’avaient pas droit au bonheur, donc devraient être cloués à vivre chichement sans rémission, si ce n’était que cela, on ne s’en plaindrait que trop peu, mais il y a eu plus que le fait d’être condamnés à ce triste sort, du fait de la prédation continue des maigres ressources du pays par les bandits à cols blancs et leurs complices de l’establishment international, oui il y a eu plus que cela, car la vie du guinéen, a été le long de ces 58 ans, un long chemin de croix, faite de boursoufflures et de monstruosités, toutes ignominieuses les unes que les autres : le tristement célèbre camp Boiro, qui rappelle à lui seul toute la déshumanisation qu’a subi le guinéen, dans sa chair et au plan du psy, le pont 08 Novembre, l’incarnation de la pendaison, des exécutions extra-judiciaires, sans oublier l’implacable purge au sein de l’élite intellectuelle, des forces armées, et de la classe politique, l’exil forcé pour plus d’un, la chape de plomb d’une tyrannie absolue, sous l’empire d’une dictature sékoutouréenne aveugle, insensible et imperméable à tout. Ce n’est pas tout, la vie du guinéen, le long de 58 ans de chemin de croix, c’est aussi les crimes de sang et de masse, ce sont les événements de juillet 85, ceux de 2007, ceux du 28 septembre 2009, venus à jamais souiller une date aussi historique que symbolique, j’en passe et des pires. Quid des assassinats politiques, ceux lointains tout comme ceux les plus récents qui ont vu une soixantaine de vies de jeunes, consumées dans de la violence gratuite ? Qui aussi des assassinats lâches de guinéens connus et anonymes, ivresse insécuritaire oblige ? Quid des tueries collectives ? Celles les plus récentes, Zogota, Galapaye, Womey, restées jamais élucidées, tout comme celles lointaines. Face à un tableau aussi sombre, les héros de l’indépendance, Almamy Samory Touré, Alpha Yaya Diallo, Dinah Salif, Zégbéla Togba, et d’autres, s’en retournent dans leurs tombes et pleurent le sort fait à leur peuple. Ont-ils bataillé pour repousser le colon, pour en arriver à ce corridor de misère et d’absurdités ? Non, non ! Par-delà cette longue traversée de désert, ce qui devient de plus en plus navrant et frustrant, c’est le fait, en plus de cette condition humaine de loqueteux, d’être privés voici deux ans de suite, de festivités marquant cette supposée indépendance, arrachée tout de même de haute lutte. Il faudra désormais attendre la semaine des quatre jeudis, pour voir ces festivités s’organiser dans la région de Kankan, puisque c’est d’elle qu’il s’agit. Il faut yoyoter de la touffe pour croire au mois de Décembre prochain, tel qu’annoncé par les autorités locales. La raison à nouveau, l’inachèvement de maudits chantiers qui ont coûté de l’enfer à ceux à qui ils ont été attribués. In fine, que de PME locales, conduites à la culbute, que d’emplois détruits, du fait des errements d’une gouvernance hasardeuse, d’une gouvernance de tâtonnements. A l’origine, certes, une initiative présidentielle qui n’était que trop belle, qui, il faut le reconnaitre, a à son actif quelques acquis, mais une initiative qui a été dévoyée, déglinguée et dont il faut désormais faire son deuil. Puisqu’ayant rejoint l’enfer pavé de bonnes intentions sans lendemain. C’est d’ailleurs ça la marque de fabrique du Magellan guinéen.