Du Contexte des élections législatives et référendum de mars 2020
Le dimanche 22 mars 2020, les Guinéens se rendent aux urnes pour des élections législatives attendues depuis 2018. Elles sont couplées au référendum conformement à la decision prise par les autorités du pays.
La période préelectorale a été marquée par la polarisation des tensions autour du débat relatif au changement de la constitution. Il en est resulté une série de manifestations sur les voies et places publiques qui se sont soldées par des morts, des blessés, des arrestations et des destructions de biens publics et privés.
Le retrait momentané du processus électoral par les commissaires de la CENI issus de l’opposition, la non participation de ceratins partis politiques de l’opposition non des moindres, les divergences à propos du fichier électoral, le couplage critiqué des élections législatives et le référendum, les differents reports ont contribué, entre autre, à enliser la crise préélectorale.
Face à cette situation, des efforts de médiation sont entrepris, notamment par les religieux, les osc, les coordinations régionales, la communauté régionale et internationale pour une sortie de crise heureuse. Mais, au regard de la position tranchée des deux bords, aucune solution ne semble être trouvée pour le moment.
C’est donc dans ce contexte que le double scrutin legislatif et référendaire aura lieu le dimanche, 22 mars 2020.
A la veille de ces élections, la situation peut se résumer comme suit :
Au titre des préparatifs,
La revision du fichier electoral a produit une liste comportant 7 764 130 electeurs, un découpage de plus de 19 000 bureaux de vote et vingt cinq (25) commission électorale d’ambassades independante (CEAMI).Toutefois, suite à la mission d’audit du fichier électoral par la CEDEAO, 2 438 992 électeurs inscrits sans pieces justicatives ont été retirés du fichier. Aussi, pour des raisons de crise sanitaire COVID-19, le vote ne pourra pas se tenir dans ces 25 CEAMI.
L’on note aussi la création de l’unité speciale de securisation des elections (USSEL)
Au titre des candidatures,
Sur 37 partis politiques ayant deposé des dossiers de candidature, 29 ont été retenus et participent aux élections.
Au titre de la campagne électorale,
Debutée le 16 janvier 2020, la campagne électorale n’a globalement pas connu de violence majeure. Cependant, des actes de vandalisme ont été enregistrés dans certaines localités, et ambassades comme en Sierra Léonne, en Grande Bretagne…dans le cadre de la contestation du changement de la constitution et du fichier électoral.*
- De la contribution de WANEP
Au regard du contexte et des enjeux des élections de 2020 en Guinée, le Réseau Ouest Africain pour l’édification de la Paix en Guinée (WANEP-Guinée) a publié, en novembre 2019, un document d’analyse (Polcy brief) intitulé « Guinée 2020 : les signes de processus électoraux à risques » qui révèle une convergence de risques électoraux pour la paix et la cohésion sociale en Guinée.
Pour apporter sa contribution à la tenue libre et pacifique des-dites élections, le réseau WANEP-Guinée fort de son engagement citoyen a initié le projet ‘’Suivi, Analyse et Atténuation de la Violence Électorale-EMAM’’ avec l’appui et l’accompagnement technique de partenaires de mise en œuvre (La communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest – CEDEAO- et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel – UNOWAS).
Le projet EMAM à travers ses deux volets à savoir ‘’l’Alerte et la Réponse’’ a enregistré, à ce jour, des réalisations et résultats sur le terrain :
- le déploiement de 20 moniteurs dans les zones à risque de violence électorale conformément à une cartographie de zones à risques et des indicateurs de suivi de la violence électorale validés les 12 et 13 septembre 2019 ;
- la mise en place, en octobre 2019, d’un Groupe National de Réponse Electoral (GNRE) qui a conduit des recontres de plaidoyers auprès des coordinations regionales, des partis politiques, la CEDEAO et le Ministère de la Securité.
- une formation au profit de 10 ONG sur la Gestion des Conflits Electoraux en Afrique de l’Ouest,
- le financement de trois mini-projets de réponses rapides mis en œuvre au profit des jeunes de l’axe bambeto-cosa, des communicants des partis politique et des journalistes pour un total de 10 173 €
- le déploiement de 80 observateurs accrédités pour observer le scrutin dans les zones identifiées comme à risque de violences électorales et contribuer à la prévention / atténuation desdites violences;
La présente Cellule de Veille Electorale s’inscrit dans la logique du renforcement de nos contributions pour un processus électoral avec le moins possible de violence. Lancée ce 21 mars 2020, elle travaillera jusqu’au 23 mars 2020 en étroite collaboration avec les 80 observateurs déployés dans les 8 régions pour continuer l’alerte et contribuer à la réponse aux côtés des parties prenantes pour l’atténuation de la violence électorale. Elle est constituée de quatre (4) chambres distinctes et complémentaires à savoir :
- La chambre technique composée de 8 collecteurs de données,
- La chambre d’analyse animée par 5 analystes de profils variés,
- La chambre politique animée par 3 personnalitées,
- La chambre de communication qui assure la visibilité sur les médias sociaux pour limiter les regroupements et éviter la propagation du Covid-19.
- Nos motifs de satisfaction et de craintes, les défis et recommandations,
Au nombre des motifs de satifaction, nous citons :
- Le report des élections prédécemment prévues pour le 16 février, puis le 1er mars qui a permis de réduire quelques’un des gaps d’impréparation pour la recherche de concensus ;
- Le deploiement des observateurs locaux par les osc locales et la coordination de la mission internationale des observateurs de la société civile africaine (COMISCA).
Au nombre des motifs de crainte, nous citons :
- La conduite, au forcep, du processus avec des signes d’impréparations pouvant générer d’énormes dysfonctionnements et irrégularités sur le terrain,
- Les risques de cafouillages dans ces opérations de vote faisant intervenir trois différentes urnes à gérer simultanément sans des sensibilisations conséquentes,
- Le risque élevé de violence électorale dans certaines zones et régions du pays,
- L’annulation des missions d’observation de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest-CEDEAO, de l’UA et de la coalition citoyenne pour des élections et la gouvernance ( COCEG.)
- La rupture de communication et du dialogue entre l’exécutif et les partis de l’opposition au sujet du processus,
- Les positions, suffisamment cristallisées, des différentes parties prenantes avec des appels publics à faire usage de la violence pour empêcher le vote ou faire valoir son droit de voter,
- Le retrait de l’OIF, partenaire clé d’accompagnement technique de la Commission Electorale Nationale Independante,
- Les séquelles et conséquences des différentes manifestations violentes et les risques de rebondissement dans certaines localités,
- Les capacités de gestion des résultats des trois (3) différentes urnes dans les délais requis,
- La requisition de l’armée (militaires) pour assurer la securisation d’un scrutin à fort risques de violence,
- La crise sanitaire liée au Covid-19.
Au nombre des défis à relever pour ces élections, le WANEP note :
- La conduite du processus électoral dans la sécurité et le respect des droits humains sur toute l’étendue du territoire national,
- La garantie du respect des principes électoraux dont la transparence, la sincérité et l’inclusivité pour justifier la validité des élections.
- L’application strictes des mesures et pratiques de lutte/prévention du Covid-19 durant les scrutins afin d’éviter une augementation des cas de contaminations au lendemain des élections,
Au regard des craintes et défis évoqués, le WANEP-Guinée recommande :
Au gouvernement
- D’œuvrer à la création d’un climat fovorable à la bonne tenue des consultations électorales.
A la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI),
- De se doter d’un mécanisme de réponses rapides pour apporter des solutions aux cas de dysfonctements et irrégularités qui seront notés sur le terrain dès l’ouverture des bureaux,
- D’agir avec impartialité et dans le respect des lois électorales,
- De faire mettre en place, dans les bureaux de vote, des dispositifs de lavage des mains et des distances de prévention.
Aux partis politiques
- De priligier le dialogue et le recours aux voies legales pour le reglement des differends,
- D’appeler les militants à la non violence.
Aux candidats,
- D’observer les dispositions du code de bonne conduite des partis politiques.
Aux forces de défense et de sécurité,
- De maintenir l’ordre dans le cadre légal et le strict respect des droits de l’homme ;
- Agir de façon professionnelle sur le terrain et respecter l’utilisation exclusive des armes conventionnelles lors des opérations de maintien d’ordre.
Aux institution de protection et de promotion des droits humains,
- Continuer à interpeller les differentes parties prenantes au procesus au strict respect des droits humains.
A la presse nationale et internationale de:
- Respecter l’éthique et la déontologie du métier de journalisme ;
- S’abstenir de diffuser, durant le scrutin, toute information qui pourrait exacerber la crise en refusant de relayer les propos qui incitent à la violence.
Aux leaders religieux et traditionnelles :
- Continuer à prêcher, malgré tout, la paix et la concorde sociale.
Aux acteurs de la société civile,
- Poursuivre leur rôle de veille, d’alerte et de propositions des solutions concrètes.
La mission d’observation de WANEP rendra publique sa déclaration préliminaire, le 23 mars 2020 puis un rapport général à l’issue du processus électoral.
Fait à Conakry, le 21 mars 2020
La cellule de veille électorale