Le contact de l’Afrique avec l’extérieur a transformé, déformé et détruit totalement la culture africaine authentique pour laisser place à une culture hybride qualifiée de chauve-souris. La culture à laquelle est liée fortement et étroitement l’avenir de l’Afrique est affectée et fait face à moult problèmes aujourd’hui.
Ne pouvant s’en sortir sans une véritable autonomie vis-à-vis de l’extérieur, la culture africaine négocie pour son indépendance parce qu’elle se voit avalée, noyée par les nouvelles valeurs importées.
Devant le déferlement de la culture occidentale, l’homme africain se déculturalise. Cette transformation lui fait perdre son âme et ses origines.
Ainsi, les efforts du modernisme et de la mondialisation se présentent chez l’Africain sous forme de complexes et divisent le continent en deux : d’une part l’Afrique des minorités représentée par un groupe de conservateurs qui se réclament gardiens de la tradition africaine.
D’autre part, se hisse un groupe de modernistes véreux optant pour le changement radical de la culture africaine. Ce groupe est constitué des intellectuels africains aliénés par l’occidentalisation dans les façons de voir, d’être, de faire et de penser le monde.
Ces pensées qui sont si souvent incompatibles avec les réalités africaines. Et là, se joue la crise d’une identité indéfinie.
Cette aliénation est tellement aiguë aujourd’hui qu’il suffit de jeter un regard critique sur nos États et gouvernements en place, sur le comportement de nos prétendues élites intellectuelles et guides du peuple pour s’en rendre compte.
Tout reste calqué sur le modèle occidental au point de croire avec Jahn JANHEINZ que « l’Europe fournirait le modèle, l’Afrique une bonne copie ; l’une serait spirituellement dispensatrice, l’autre simple partie prenante. ».
Malheureusement, cette copie ne résout pas les problèmes liés à l’univers africain.
Nos chances d’épanouissement et de réalisation doivent être extraites de notre culture car les problèmes auxquels nous faisons face résultent presque tous de notre milieu vital. C’est sans doute cette aberration qui a amené René DUMONT à lancer un cri d’alarme l’Afrique noire est mal partie ; oeuvre dans laquelle il pense que : « copier l’Europe actuelle plus développée, et précisément dans un domaine où elle paraît rarement exemplaire et se cherche péniblement, serait une erreur. »58(*) Dans ces contextes, planent l’inquiétude et l’incertitude sur le devenir culturel de l’Afrique si l’importance n’est pas accordée à ce problème d’aliénation. Dans le cas contraire comme l’a pensée Félix HOUPHOUET-BOIGNY, « nous serons loin d’être à la veille d’une autonomie culturelle tant que les gouvernements n’attacheront pas à la question l’importance nationale qu’elle mérite. ».
Cette question n’est pas uniquement celle de nos États, mais de tout Africain. Nous nous interrogeons alors si la résolution de ce problème d’aliénation doit passer par l’ethnocentrisme.
Le tournant actuel de l’histoire de notre civilisation est extrêmement ambigu. Si notre passé n’a pas été un échec, c’est parce que, malgré de réelles défaites, nous avons réussi à surmonter quatre siècles d’oppression qui eussent pu sonner notre glas pour toujours. Nous pouvons continuer notre montée, ou, brusquement, nous trouver précipités dans l’abîme. Or le nouveau processus d’aliénation culturelle auquel nous avons à faire face utilise des armes beaucoup plus efficaces et plus subtiles. La colonisation a travaillé pour faire le vide en nous et autour de nous, nous laissant dans un dénuement désespéré. La néo-colonisation, à doses massives, nous inocule le venin de tous les sous-produits de la civilisation de la consommation.
Les mass média, à longueur de journées, bourrent nos yeux et nos oreilles d’images et de messages de dépersonnalisation, d’auto-négation, voire d’auto-destruction. Tout ce que nous lisons, voyons, écoutons, notre habillement, notre nourriture et notre boisson, nos comportements, voire nos pensées et nos options intimes se trouvent peu à peu totalement téléguidés et contrôlés de l’extérieur. Bientôt, nous ne sommes plus que des marionnettes vite usées entre les mains de ceux qui nous manipulent. Le processus d’aliénation a ainsi abouti à l’annihilation.
Les images que nous employons ici ne doivent pas nous cacher la réalité. Le monde de demain cherchera sa survie dans un sursaut à la fois d’espérance et de désespoir.
La population du monde croît de façon incontrôlable, et cela surtout dans ces régions où les puissances de domination ont presque épuisé toutes les ressources et fondé la société sur la compétition et la loi de la jungle. Le partage des biens du monde est désormais l’enjeu d’instincts d’animaux de proie que dissimulent mal les multiples conférences internationales pour un nouvel ordre économique mondial.
Au Proche Orient comme en Afrique du Sud, l’inégalité des races et des conditions sociales et économiques proclame insolemment que la terre appartient au plus fort. Les matières premières sont en voie d’épuisement, et la nourriture se fait de plus en plus rare sur de nombreux points du globe.
Tout cela, nous le savons, est présent à la conscience de l’humanité de notre temps avec d’autant plus d’acuité qu’elle est de plus en plus consciente que son destin est désormais menacé.
Au milieu de ce désarroi, l’Afrique apparaît comme un continent mal peuplé, sous-peuplé, aux immenses richesses à peine entamées : un sous-sol truffé de pétrole, de charbon, de pierres et de métaux précieux en quantités astronomiques ; des sources d’énergie inépuisables avec des fleuves énormes dont le débit accuse les records du monde ; des forets pleines de bois précieux, des savanes pleines de gibier, des rivières et des océans parmi les plus poissonneux du monde. Il ne faut pas se le cacher : l’Afrique constitue désormais un objet de convoitise à l’échelon mondial. Si l’histoire de l’humanité est faite de grandes migrations humaines, les prochaines migrations sont tournées vers l’Afrique. Voilà pourquoi, pour mieux préparer le terrain la néo-colonisation s’emploie-t-elle à faire le vide. Le vide le plus fatal est celui des esprits. Il faut commencer par vider les peuples africains de leur âme. On sait qu’un corps sans âme est un cadavre. Pour compléter le vide sur le continent, il suffira de jeter le cadavre dans la fosse.
Ainsi de l’aliénation on passe à l’aliénation culturelle, puis à l’anéantissement physique et spirituel.
Selon le cinéaste sénégalais Moussa Sène Absa
Nous sommes des mendiants assis sur une mine d’or, car l’Afrique est le plus riche des continents, mais personne ne nous a jamais dit que nous, Africains, nous valions quelque chose (…). Où sont les récits de nos ancêtres ? Qui en parle ? Personne ! On nous dit que la mémoire coûte cher. C’est certes vrai mais ce qui l’est aussi, c’est que si tu ne préserves pas ta mémoire, quelqu’un préservera la sienne et te l’imposera (…). C’est pourquoi nos jeunes s’embarquent par milliers sur des pirogues, sur des bateaux, pour aller mourir en Méditerranée (…). On leur a mis dans la tête, à coup d’images subliminales, que chez eux, c’est l’enfer et que l’Occident, c’est le paradis »
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