« Nul ne peut se prévaloir d’une instruction ou d’un ordre reçu et n’est tenu d’exécuter cet ordre ou cette instruction lorsqu’il ou elle est MANIFESTEMENT ILLEGAL.E pour justifier des actes de torture, des sévices ou des traitements inhumains et dégradants commis dans l’exercice de ses fonctions ». (Constitution guinéenne, art. 8.2).
Cette disposition consacre un devoir de désobéissance de l’agent lorsque ce dernier considère que l’ordre ou l’instruction reçu.e est manifestement illégal.e. Peut-être, convient-il de relever que le champ du devoir de désobéissance tel qu’organisé par la Constitution guinéenne de 2020 est matériellement très retreint par rapport à celui consacré par la Constitution de 2010.
Car, au titre de l’article 6 alinéa 2 et s. de la Constitution guinéenne du 7 mai 2010, « Nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal. La loi détermine l’ordre manifestement illégal ». Cette prescription dépasse ainsi largement le seul cadre de la protection de l’intégrité physique des personnes.
Ainsi, là où la Constitution de 2010 a le mérite d’étendre le champ du devoir de désobéissance avec une prescription générale, celle de 2020 le circonscrit aux seules atteintes à l’intégrité physiques.
De même, si le concept est éminemment flou, la Constitution du 7 mai 2010 avait le mérite de prévoir une définition légale des situations constitutives d’ORDRE ou d’INSTRUCTION MANIFESTEMENT ILLEGAL.E. Il n’en va pas de même dans la Constitution de 2020. Une telle prévision serait en tout état de cause impertinente étant entendu la restriction de la question aux seules atteintes à l’intégrité physiques.
Il résulte de ces considérations, qu’en réalité, tandis que la Constitution de 2010 consacrait une conception maximaliste du devoir de désobéissance, celle en vigueur retient une approche minimaliste.
A titre de droit comparé,
Ce devoir de désobéissance a été consacré par le Conseil d’Etat français en 1944.
Dans l’arrêt Langneur du 10 novembre 1944, le Conseil d’Etat a mis à la charge du fonctionnaire civil « le devoir de désobéir à l’ordre l’amenant à accomplir des actes qui « présentaient de toute évidence un caractère illégal » alors qu’il « n’a pu ignorer qu’ils compromettaient gravement le fonctionnement du service public » (C.E, 10 novembre 1944, Langneur, Rec. p. 288).
Il est ainsi désormais admis – quoique tout cela soit très ambiguë – que l’agent public « doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 28.1 ; C.E, 27 mai 1949, Arasse, Rec. p. 249 ; CAA Marseille, 18 janvier 2005..).
A titre d’exemple, dans un arrêt de novembre 1997, la Cour administrative d’Appel de Bordeaux a estimé que « l’ordre donné par un maire à un policier municipal de signer un arrêté portant placement d’office dans un établissement psychiatrique, s’il était manifestement illégal – le subordonné n’ayant pas compétence pour ce faire –, n’était pas de nature à compromettre gravement un intérêt public ». (CAA Bordeaux, 3 novembre 1997, Ministre de la Justice, n° 96BX00136).
Jean Paul KOTEMBEDOUNO (KO-TÈM-BÈ-DOU-NO)
Membre du CNT
Rapporteur de la commission Lois, Constitution, Administration générale, Organisation judiciaire