En mars 2015, le plus grand producteur d’aluminium chinois, China Hongqiao Group, signait un accord avec la Guinée pour sécuriser son approvisionnement en bauxite. Si le gouvernement guinéen voit d’un bon œil le pays s’intéresser à ses ressources naturelles, l’appétit chinois pour la bauxite n’a pas que des conséquences économiques positives et peut provoquer de sérieux dégâts environnementaux.
Depuis plusieurs mois, la Chine investit en Guinée dans le secteur des ressources naturelles. Producteur important d’aluminium, l’Empire du Milieu est en quête constante de bauxite, minerai à partir duquel se fabrique le métal. Avec 7,4 milliards de tonnes de bauxite dans son sous-sol, la Guinée dispose à ce jour de 26 % des réserves mondiales. La demande chinoise en bauxite devrait atteindre 51,4 millions de tonnes d’ici à 2019, c’est donc naturellement que les producteurs d’aluminium se tournent aujourd’hui vers le marché guinéen pour maintenir une activité qui va crescendo.
Cet engouement chinois pour la bauxite guinéenne est très bien accueilli par le gouvernement en place qui voit là l’occasion de faire naître de nombreuses opportunités économiques, que ce soit en termes de création d’emplois ou d’exportations. « Nous avons récemment lancé la production d’un projet novateur d’exportation de bauxite avec un consortium Sino Guinéen qui regroupe China Hongqiao Group Limited, Winning, Yantai Port Group et UMS et qui prévoit une approche permettant une croissance rapide de la production et une large implication de partenaires locaux. Ce consortium est le premier nouvel exportateur de bauxite de Guinée depuis 15 ans », expliquait fin novembre 2015 le président Condé aux médias chinois au sujet du consortium formé pour développé l’extraction de bauxite sur le territoire guinéen. 200 millions de dollars vont être investis avec l’objectif d’arriver à sortir 10 millions de tonnes du minerai convoité.
Pour Alpha Condé, il s’agit de diversifier les champs d’action pour profiter au maximum des avantages qu’ont à offrir les relations bilatérales entre les deux pays : « Je souhaite un partenariat stratégique global avec la Chine qui couvrira les mines, l’énergie, les infrastructures, l’agriculture etc. » déclare-t-il. Problème : si la bauxite permet à la Guinée de renforcer sa collaboration avec la Chine et lui laisse entrevoir d’importantes retombées économiques, c’est sans tenir compte des exemples du passé et de la manière dont le pays dirigé par Xi Jinping a précédemment mené ses affaires sur ce terrain à travers le monde.
Pollution, travail au noir : rien n’arrête la Chine
Car avant de se tourner vers la Guinée et d’exploiter les ressources naturelles de l’Afrique pour récupérer la bauxite nécessaire à sa production intensive d’aluminium, la Chine a sollicité les sous-sols de quelques autres pays, avec à chaque fois des conséquences sur l’environnement désastreuses. L’Indonésie a longtemps servi de robinet à bauxite pour la Chine, jusqu’à ce que le pays en interdise l’exportation en janvier 2014. La Malaisie a ainsi pris le relai et fait exploser sa production en un temps record afin de répondre aux besoins en bauxite de la Chine. Cette surproduction s’est faite dans de très mauvaises conditions, qui ont eu pour résultat d’affecter massivement l’environnement et la santé des Malaisiens.
Les entreprises chargées d’extraire la bauxite étaient majoritairement illégales et ne respectaient aucune mesure sanitaire et sécuritaire. Question déchets, leur gestion était inexistante, provoquant la contamination des eaux malaisiennes au mercure ou à l’arsenic. Les camions chargés de transporter la bauxite des mines jusqu’au port étaient suivis par un nuage de poussière toxique, polluant tout sur leur passage.
Pour la Chine, le manque de contrôle et de réglementation dont faisait preuve l’industrie de la bauxite indonésienne n’a jamais représenté un quelconque frein aux rapports que les deux pays pouvaient entretenir sur ce secteur. Il aura fallu attendre que la Malaisie déclare une interdiction d’extraire le minerai de trois mois, motivée par les importants dégâts environnementaux provoqués par la filière locale, pour que la Chine soit contrainte de se passer de la bauxite malaisienne et se tourne vers un autre pays producteur.
L’aide chinoise est éphémère
Ce changement de fournisseur forcé n’a donc jamais été motivé par une éthique et une ligne de conduite à respecter en termes d’environnement et de protection des populations. La Chine veut sa bauxite quel qu’en soit le prix et a appris à fermer les yeux sur les procédures mises en place pour satisfaire sa demande.
Quand l’Afrique ouvre aujourd’hui grand les bras à la Chine dans l’espoir de booster son économie, on peut mettre aisément en doute une implication chinoise sur la durée qui pourrait profiter à la croissance du continent. La Chine a démontré par le passé un certain opportunisme en faisant preuve d’intérêt à l’égard des pays qui lui sont profitables sans forcément s’impliquer davantage dans une quelconque stratégie de croissance menée localement. Quand le président guinéen se félicite des nombreux emplois que la présence chinoise va créer dans son pays, cet enthousiasme est à minorer en rappelant que la Chine a pour habitude de faire appel à des effectifs chinois pour réaliser les travaux dans lesquels elle s’engage à l’étranger.
Sans forcément pointer du doigt les accords commerciaux qui lient aujourd’hui la Chine et la Guinée sur le terrain de la bauxite, le passif chinois en la matière peut inquiéter quant aux conséquences environnementales que cette demande massive pourrait causer sur le sol africain.