Trophée de guerre sorti des décombres de la bataille de Kirina en 1235, le Sossobala, balafon mythique de Soumaoro Kanté, a désormais un nouveau Balatigui. Siriman Kouyaté de la famille Dokala, lignée du 3ème fils de Balla Fassakè qui succède à feu Elhadj Filani Kouyaté décédé le mois de février dernier, a été intronisé ce jeudi 14 juillet dans la sous-préfecture de Niagassola par le sotigui de la localité, en présence du ministre de la culture, du patrimoine historique et de l’artisanat, Alpha Soumah et de son homologue de l’agriculture, Mamoudou Nagnalén Barry.
Magistrat de son état, Siriman Kouyaté est le 27ème gardien de Sossobala dont sa famille Dokala, assure le Balatigui depuis 1930. Il aura la charge de pérenniser dans le temps, l’histoire et la tradition du balafon sacré, qui date de plus de 8 siècles.
« Le Sossobala, balafon mythique du non moins célèbre empereur de Sosso du moyen âge africain, Soumaoro Kanté, et trophée de guerre sorti des décombres de la bataille de Kirina en 1235 a été octroyé officiellement à notre ancêtre Balla Fassakè Kouyaté par l’empereur Soundjata Keita. Il est ainsi conservé par la famille Dokala, lignée du troisième fils de Balla Fassakè depuis plus de six siècles suivant l’ordre de la primogéniture attribuant la gestion du balafon au plus âgé de la branche la plus ancienne. A date, 26 gardiens se sont succédé dans la conservation de cet instrument sacré et la famille Dokala de Niagassola est en est gardienne depuis 1930. Siriman Kouyaté, magistrat de son état et président de la 4ème chambre civile commerciale et sociale de la cour suprême de Guinée, en sera le 27ème par la grâce d’Allah et le tout premier intellectuel à assumer une telle responsabilité, succédant ainsi à El hadj Filani Sékou Kouyaté, décédé le 26 février 2022. A ce titre, il continuera à pérenniser cette tradition multiséculaire malgré son statut d’agent de l’Etat par le respect des vertus qu’incarne un Balatigui, et que ses prédécesseurs ont assumé sans faille »,a expliqué Djémory Kouyaté, premier fils du nouveau Balatigui.
A cause de la place qu’il occupe dans l’histoire du Manding, le Sossobala a été proclamé chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité en 2001 par l’Unesco. Il a été également, par la même occasion, inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel.
Le ministre Alpha Sylla qui dit mesurer toute l’importance de la mission de sauvegarde et transmission du riche patrimoine culturel du Manding aux jeunes générations, a rassuré que le gouvernement ne ménagera aucun effort pour appuyer la mise en valeur de ce balafon.
« Comme la tradition l’exige, la conservation du Sosso Bala et de toutes les traditions immatérielles qui l’entourent, est assurée d’office par le doyen des pères de la famille Dokala. L’intronisation du nouveau Balatigui nous donne l’occasion de rappeler que la reconnaissance internationale de l’espace culturel du Sosso Bala, à travers sa proclamation comme chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité en 2001 par l’UNESCO et son intégration dans la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2008, reste un réel motif de satisfaction et de fierté nationale. A ce titre, je peux donc vous rassurer que le gouvernement ne ménagera aucun effort pour appuyer la mise en valeur de ce balafon multiséculaire qui a appartenu à Soumaoro Kanté et à l’empereur Soundiata Keita, dont vous avez la lourde responsabilité de conservation »,a-t-il lancé.
Source du Sossobala
Niagassola situé à 135km de Siguiri, dérive de la déformation de l’expression Niarassola qui signifie la capitale ou le village des griots. Jouer du balafon dans cette contrée n’est pas un métier, mais plutôt une pratique coutumière transmise de génération en génération. D’ailleurs, pour pérenniser la pratique de cette tradition, la transmission de l’histoire histoire du balafon sacré de génération en génération, la famille Dokala dispose d’une vingtaine de jeunes, filles et garçons, formés et outillés pour cette cause.
Également, ces jeunes gens sont initiés au jeu de balafon mais aussi et surtout à la fabrication de cet instrument de musique. Selon le Général Oumar Kandet de la famille de Soumaoro Kanté, il y a toute une histoire derrière le balafon sacré de Sossobala qui tourne entre Soumaoro Kanté, Balla Fassakè et la sœur du roi du Manding qui a accepté de se sacrifier aux diables pour permettre à son frère d’avoir le Sossobala.
« On ne peut pas parler de Balla Fassakè sans parler de Soumaoro Kanté. À l’occasion des grandes fêtes, c’est l’hymne à Soumaoro Kanté qu’on joue sur le Sossobala avant de commencer toute autre chose. Ensuite, il y a toute une histoire qui entoure le Sossobala. Comme vous l’avez appris certainement, ce sont des diables qui ont donné le Sossobala à Soumaoro Kanté. Mais c’était en échange de sa sœur unique. Pour la petite histoire, Soumaoro avait refusé de donner sa sœur aux diables, mais sa sœur ayant les pouvoirs occultes aussi, a accepté de se sacrifier et d’accepter de s’échanger contre le Sossobala. C’est ainsi que les diables ont donné le Sossobala à Soumaoro Kanté. Et, Soumaoro Kanté aussi, en reconnaissance des liens qu’il y avait entre lui et la famille Kouyaté, a pris le Sossobala et l’a donné à Balla Fassakè. Il y a donc un lien séculaire entre les 3. C’est-à-dire, entre Soumaoro qui a donné le Sossobala aux Kouyaté et, les Kourouma -les Doumbouya- qui sont les descendants de la sœur de Soumaoro. Entre les 3 familles, il y a un lien inséparable », a-t-il expliqué.
Il faut, par ailleurs, préciser que cette cérémonie d’intronisation également marquée par des danses et chants accompagnés de rituel, a également connu la présence d’une forte délégation venue de la république sœur du Mali.
MohamedNana Bangoura de retour de Niagassola