Depuis l’arrivée au pouvoir d’Alpha Condé, les guinéens ont tout vu, le plus souvent d’extraordinaires.
Des projets, des grands projets, on en parle, on en aussi vu : la construction du barrage kaleta, la construction en cours de Souapiti, les accords de développement astronomiques signés avec les nouveaux partenaires qui sont la Chine et la Russie, les fêtes tournantes de l’indépendance qui ne devraient pas aussi se retrouver à la queue du peloton du bilan que ce pouvoir nous cataloguera au moment venu.
Outre ces projets, les guinéens ont aussi été témoins du laxisme, de l’impunité, bref du non Etat qui se construit dangereusement dans le pays.
Sans ressasser la chienlit qui a marqué les manifestations légitimes de réclamation du courant dans la région de Boké et le manque de l’autorité de l’Etat qui s’est montré excédé par ces manifs en réagissant sous l’effet de cette chienlit, le Président de la République, par cette nouvelle décision prise mardi au sujet de la manifestation de l’opposition, couvre son pouvoir d’avanie en renvoyant l’image d’un Etat à l’agonie qui s’affaisse réellement.
Des juristes diront que le Président a pris la bonne décision, en respectant l’une des dispositions fondamentales de la constitution du pays. Une décision prise sous l’autel du désaveu cinglant à un gouverneur qui lui aussi, se fondant sur la même constitution, qui donne le droit à l’autorité de dissuader les organisateurs avec des arguments bien fondés, a pensé prendre pour sa part la bonne décision.
L’argument entendu pour justifier l’autorisation de la marche n’en vaut qu’à la prunelle des yeux.
L’acte devrait plutôt se fonder sur les dispositions constitutionnelles pour justifier l’humiliation du gouverneur que d’argument…
A rappeler, à ceux qui ont pris la décision, que toutes les morts ou presque enregistrées, l’ont été à l’issue des manifestations autorisées.
Tout comme l’opposition, les guinéens sont presque tous unanimes, que la multiplication des décombres macabres lors des manifestations, n’est nullement la conséquence de l’autorisation ou non des manifestations.
Elle est plutôt la conséquence du manque de responsabilité de l’Etat à dénicher les coupables partout où ils trouvent et les condamner à la hauteur de leur forfaiture.
Au cas échéant, sans être cynique, les décombres macabres s’amplifieront toujours au grand dam de notre prospérité et notre démocratie naissante
L’acte pris par le Président, renvoie l’image d’une gestion avec des dirigeants qui agissent de leur propre chef. Chacun fait et dit ce qu’il veut, suivant son humeur et ses intérêts.
Il n’y a pas de petite autorité, nous rappellent les hommes d’Etat, une bonne décision prise après qu’une mauvaise décision soit prononcée par la même autorité n’a de valeur, en résume Montesquieu : « les décisions utiles affaiblissent les décisions nécessaires ». Et le penseur français de nous apprendre que « les mauvaises manières ne sont dures que la première fois ».
D’autres hauts responsables qui ont subi par le passé, les mêmes déconvenues, n’en sont pas surpris et étonnés de ce fonctionnement balbutiant de l’Etat avec un Président qui se veut d’être la tour de contrôle dans un magma de conseillers aux prétentions inavouées.
Dans tous les cas, le peuple témoignera un jour que jamais dans l’histoire du pays, l’Etat n’a été aussi déliquescent.
ML Cissé