Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce dimanche à la crise postélectorale, qui risque de s’enliser, à l’allure où vont les choses. Ce qui pourrait selon lui, porter un sérieux coup à notre démocratie. Cette chronique est servie tous les dimanches sur City FM, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».
Talibé Barry : Mamadou Dian Baldé, la chronique du jour vous la titrez « la Démocratie à rude épreuve ». Puisque au lendemain du 04 février, date des élections communales dernières, une crise post-électorale s’est installée, et aujourd’hui on parle d’un fameux réexamen des résultats. Et pour vous, rien à dire, « la démocratie est à rude épreuve »
Mamadou Dian Baldé : Oui Talibé, la tempête électorale est loin de s’estomper, ce, bien que les résultats définitifs du scrutin du 04 février ont été publiés par la CENI. Et comme on vient de le voir, les commissaires de l’institution électorale qui ont plié les gaules, n’ont pas eu le temps de savourer la satisfaction du devoir accompli. L’injonction faite par le chef de l’État à la CENI, de prêter une oreille attentive aux griefs de certains acteurs du processus électoral, est venue en effet, polluer l’ambiance qui prévalait au sein de l’institution.
C’est ainsi que Me Salif Kébé et son équipe sans rechigner, ont décidé de remettre l’ouvrage sur le métier. Tout en précisant que la CENI ne pourra en aucune manière modifier les résultats. Le travail de vérification des PV litigieux que la CENI s’est engagée à faire, en dehors de tout cadre légal, obéit à cette « tyrannie du consensus », devenue en quelque sorte la plaie de notre démocratie. C’est presque devenu un rituel, qu’à chaque fois que le pouvoir est dos au mur, qu’il s’empresse, à son corps défendant, d’ouvrir la voie à des compromis, en vue d’apaiser les querelles, dans la cité. Comme c’est le cas en ce moment, avec la menace que fait planer l’opposition de reprendre la rue, si jamais ses griefs n’étaient pas pris en compte.
Cellou Dalein Diallo et ses pairs ayant en effet, émis de sérieuses réserves quant à la véracité des résultats proclamés par la CENI.
Dans une tribune publiée sur la toile, le juriste Mamady 3 Kaba, président de l’observatoire citoyen de défense des droits de la république, indique clairement qu’une « démarche inclusive de vérification par la CENI, malgré la proclamation des résultats définitifs, peut aboutir à une correction des dits résultats. Tout en faisant mention toutefois, qu’une telle demande ne rentre pas dans le contentieux électoral, car au terme de l’article 114 du code électoral révisé, le contentieux qui peut naître à l’occasion des élections communales est soumis plutôt au tribunal de première instance du ressort. En tout état de cause, l’État aurait pu nous faire économiser cette crise post-électorale, en évitant une immixtion de l’administration publique dans le processus électoral. Mais hélas, les commis de l’État sont allés jusqu’à prendre carrément le processus en otage, en se substituant de l’Oge, qu’est la CENI, dans le seul dessein de faire gagner le parti au pouvoir. Cela s’est soldé par un scrutin biaisé. Et au final, le pouvoir a été rattrapé par ses turpitudes. Pour se tirer d’affaire, Alpha Condé se défausse sur la CENI, en lui balançant la patate chaude.
Justement vous parlez de l’opposition guinéenne qui insiste pour obtenir un réexamen ou une réévaluation de ces résultats. Et pour vous, l’opposition joue à souhait à « la logique du bouc émissaire », prenant pour responsables la CENI et les CACV?
C’est un bien triste constat, de s’apercevoir que les élections locales dont la tenue était censée décrisper l’atmosphère politique, n’auront servi finalement qu’à jeter de l’huile sur le feu. Avec la contestation des résultats du vote par Cellou Dalein Diallo et certains leaders de partis politiques, y compris des candidats indépendants, on assiste à une nouvelle épreuve de force entre le pouvoir et l’opposition. Dans la ligne de mire des contestataires se retrouvent les Commissions administratives de centralisation des résultats (CACV), et la CENI. C’est surtout certains présidents des CACV, des magistrats assermentés, qui sont accusés d’avoir vendu leur âme pour un plat de lentilles avec une complicité active ou passive de la CENI. Chose que l’opposition se dit prête à démontrer.
Le RPG-arc-en-ciel ne partage pas cet avis, bien que se disant lui aussi victime de fraude électorale. Pour Lansana Komara, l’un des apparatchiks du parti, ‘’la procédure de modification des résultats exigée par l’opposition serait contraire à la loi. Et que son parti n’est pas prêt à violer la loi, avec la CENI.’’
Pour calmer les esprits, l’institution électorale qui est sur le fil du rasoir, promet de revoir les procès-verbaux litigieux. Comme lors des précédentes crises, le pouvoir et l’opposition finiront certainement par se tenir par la barbichette.
Nous passons à une crise qu’entretienne le Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG), à travers son opiniâtre secrétaire général Aboubacar Soumah. Pour parler de cette crise syndicale qui grippe la machine de l’école guinéenne, vous nous parlez de cette crise en estimant que Alpha Condé est aujourd’hui pris dans sa propre contradiction ?
Perçue au départ comme une simple tempête dans un verre d’eau, la grève déclenchée par le SLECG a fini par plonger tout le système éducatif dans la paralysie. Et au fil du temps, on s’est aperçu que la politique de l’autruche pratiquée par le gouvernement, dans la gestion de cette crise qui mine le secteur de l’éducation était contre-productive.
Le chef de l’État qui avait qualifié cette grève de « sauvage », allant jusqu’à menacer de fermeture tout médium, qui donnerait la parole à Aboubacar Soumah, a fini par lâcher du lest. C’est ainsi qu’il a reçu le leader syndical à son palais, mardi. Même s’il n’a pas réussi à épater la Galerie au cours de cette rencontre, qui était appelée de tous les vœux de nombreux guinéens, préoccupés par le sort de l’école guinéenne.
Dans ce combat de David et Goliath, les enseignants qui vivent pour la plupart dans la crotte, sont en train de prendre le dessus. C’est comme si la peur avait changé de camp.
Les membres du comité ad hoc mis en place par le gouvernement, dans le cadre des pourparlers, entamés avec les syndicalistes, sont sur la brèche. Mais les négociations s’enlisent, vu la détermination du SLECG, à ne point céder sur le point relatif au paiement des 40% de leurs émoluments avec effet rétroactif.
La balle est donc dans le camp du pouvoir. Et comme l’a dit Pierre Mendes France « on ne peut pas tout faire à la fois, gouverner c’est choisir, si difficiles que puissent être les choix. »
Mamadou Dian Baldé