Zone minière par excellence, la région administrative de Boké compte plus d’une dizaine de multinationales. C’est aussi l’une des régions où des manifestations sont récurrentes pour réclamer plus d’emplois et des services sociaux de base comme l’accès à l’eau et à l’électricité.
Le code minier favorise le bien-être des populations locales et les entrepreneurs nationaux à travers le respect de la responsabilité sociale et du principe de contenu local, qui incombe aux sociétés minières.
Quel est l’état des lieux quant au respect de ces deux principes sur lesquels insistent souvent l’actuel ministre en charge des Mines et le Chef de l’Etat ? Dans un entretien accordé à un reporter de Mosaiqueguinee.com qui revient d’une série de reportages dans la zone, le Gouverneur de la région administrative de Boké n’a pas répondu qu’à cette seule interrogation. Le général de brigade Siba Lolhamou a aussi accepté d’aborder d’autres questions liées à la gouvernance minière dans sa région.
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Mosaiqueguinee.com : le chef de l’Etat était récemment en visite dans votre région, il s’est rendu sur le site de Bel Air Minning. A cette occasion, il a insisté sur le respect du contenu local. Vous qui coordonnez les activités dans la région, diriez-vous que le contenu local est respecté par les sociétés minières installées dans la zone de Boké ?
Siba Lolhamou : une bonne question, mais je ne dirais pas oui, je ne dirais pas non. Le contenu local est une expression qui dérive de notre code minier. Certaines dispositions de ce code, qui a été revu favorablement, parlent de ce contenu local qui veut dire que certaines activités des sociétés minières doivent être laissées aux populations locales, aux nationaux pour que tout le monde en tire bénéfice. Lorsque nous nous sommes retrouvés après son atterrissage (le PRG Ndlr), il a été question de projeter les actions menées par Bel Air Minning, autrement dit Alufer, depuis son implantation.
C’est au cours de cette projection que le président de la République a réagi en demandant aux uns et aux autres le respect scrupuleux de nos textes. Si les autorités respectent la réglementation en la matière, les partenaires qu’ils sont, doivent aussi respecter cette réglementation. Le concept de contenu local doit être une réalité au niveau de toutes les sociétés. Cela veut dire quoi ? Une société minière qui vient s’installer dans le but d’extraire la bauxite, puisqu’il s’agit de cela, le transport de cette bauxite ne doit pas être effectué par la même société pendant qu’il y a des sociétés de transport guinéennes qui soient à l’écart.
Mosaiqueguinee.com : ces sociétés brandissent souvent l’argument d’une non adaptation entre la demande et l’offre locale, les compétences locales ne seraient pas à la hauteur de ce que ces multinationales demandent souvent. Comprenez-vous cet argument ?
C’est une sorte de fuite en avant quelques fois, pour essayer de contourner la loi. Il n’y a pas qu’une seule société locale. Il y en a plusieurs. Et d’ailleurs, lorsque vous donnez un contrat à une société, c’est en application d’un cahier de charge. Si ce cahier de charge n’est pas respecté, il est bien évident que vous pouvez donner à une autre société. Ce n’est pas donc un argument fiable, il ne tient pas. Le contenu local, comme l’a dit M. le président de la République, doit être rigoureusement respecté. Si nos partenaires veulent que notre partenariat soit fiable, fondé et rigoureusement bénéfique pour les uns et pour les autres, ils doivent également respecter leur part d’engagement, notamment le contenu local, si cher à M. le ministre des Mines et de la Géologie et au chef de l’Etat.
Mosaiqueguinee.com : M. le Gouverneur, l’autre aspect, c’est le respect de l’environnement. Ces sociétés dégradent beaucoup l’environnement. Vous avez eu à gérer ici des tensions liées à la poussière qui se dégage et qui constitue une réelle question de santé publique. Est-ce qu’il y a une amélioration de nos jours ?
Je peux vous dire, Monsieur, qu’il y a une légère amélioration dans ce sens. Aujourdhui, vous pouvez prendre la route qui mène à Katougouma ou à Kaboe, vous constaterez que ces routes sont en train d’être pavées. Une très bonne partie est en train d’être pavée par la société minière de Boké (Smb) qui est en train de faire de gros efforts dans ce sens.
En plus de ce travail de pavage des routes, celles dont le pavage n’a pas commencé, sont régulièrement arrosées.
Mosaiqueguinee.com : le Chef de l’Etat a pris l’initiative de faire de Boké une zone économique spéciale, j’aimerais avoir votre réaction, vous qui êtes le premier porte-parole de cette population ?
Boké est la première zone économique par un décret du Chef de l’Etat. Cela suppose que les sociétés viennent s’installer, que nous, autorités, puissions nous lever pour que ce décret soit respecté rigoureusement.
Mosaiqueguinee.com : que diriez-vous à cette jeunesse de Boké de plus en plus impatiente, qui demande aussi de l’emploi à ces sociétés minières ?
L’année dernière, Boké a été le théâtre de plusieurs manifestations, la paix sociale a été mise en mal, c’est vrai. La jeunesse impatiente, je ne le dirais pas comme ça. Parfois, lorsqu’il y a revendication, si vous voyez au fond, vous trouvez qu’il y a une raison. Mais ce que je peux dire à cette jeunesse, c’est d’accepter d’abord de se former. Parce que les multinationales qui viennent s’installer, mettent leurs millions de dollars en jeu. Elles veulent, en retour, tirer les bénéfices. Alors, elles sont aussi soumises à des contraintes de recrutement d’une main d’oeuvre d’une certaine compétence.
Alors, si la jeunesse n’a pas cette compétence, ce sont d’autres jeunes qui viendront travailler à leur place. C’est ce qui arrive malheureusement chez nous ici. La jeunesse n’a pas été préparée à l’avance. Ce boom minier qui s’est installé à Boké s’est fait à l’insu de toute précaution qu’il fallait prendre pour que la jeunesse soit suffisamment préparée à l’avance, soit formée à l’avance pour être employée au niveau de ces sociétés.
Si vous prenez les centres de formation professionnelle, la plupart des apprenants viennent d’autres régions. Alors, quand ces gens sortent, avec leurs diplômes, avec leurs expériences, les sociétés sont obligées de les prendre. Et après on va dire que ce sont les étrangers qu’on prend et on laisse les autochtones.
Mosaiqueguinee.com : il se dit souvent que ce sont des ressortissants qui tirent les ficelles de ces manifestations. Des ressortissants qui ont parfois des intérêts en jeu dans la zone.
C’est vrai que lorsqu’il y a des crises de ce genre, on parle de ressortissants. Mais moi, je ne peux pas dans ma position ici pointer du doigt certaines personnes. Ma mission est de faire en sorte que le désordre ne s’installe même pas. C’est donc d’abord une mission de prévention, tant que je peux. C’est à défaut que le trouble peut s’installer, comme ça été le cas l’année passée.
Mosaiqueguinee.com : auriez-vous un message à l’endroit de la population de la région ?
Qu’on soit fils ressortissant à Conakry ou résidant à Boké ici, que tout le monde comprenne que lorsqu’on met en mal la paix sociale et que les sociétés ne soient pas en mesure de travailler, elles risquent de quitter nos localités, ça été le cas de Zogota, où les jeunes sont laissés à eux-mêmes aujourd’hui…
Qu’on soit installé à Conakry là-bas et qu’on se dise natif de Boké en tirant les ficelles, il faut faire attention. Parce que lorsque va arriver le moment où les sociétés vont plier bagages, et que la précarité va s’instaurer dans la cité, vous serez dans le confort à Conakry mais c’est un pêcher que vous aurez commis vis-à-vis de la jeunesse, de la population de votre localité
Interview réalisée par Thierno Amadou M’Bonet Camara