Voici plus de 3 ans que Aliou Bah s’est engagé en politique, mais il n’en reste pas moins économiste dans l’âme.
Il n’aura fallu que quelques jours de grève suite à l’augmentation du prix des produits pétroliers en Guinée, pour que le jeune leader, plaide pour un plan d’urgence pour permettre au gouvernement de reprendre la main.
Il l’a fait savoir dans un entretien qu’il a accordé à notre rédaction hier mercredi après-midi. Lisez !
1-Quel regard économique portez-vous sur le réajustement du prix de carburant, intervenu en Guinée ?
Aliou Bah : C’est une crise de confiance, parce que les arguments que le gouvernement a utilisés pour justifier l’augmentation du prix du carburant à la pompe, il a été démontré que ces arguments ne sont pas fondés et le discours du gouvernement n’a pas été cohérent.
Les acteurs sociaux savent que le gouvernement ne veut pas s’ajuster par la réduction de son train de vie, il veut plutôt continuer d’augmenter les taxes par les quelles il peut espérer mobiliser des recettes et la population va s’appauvrir. Finalement, à force de faire la pression en utilisant les denrées les plus consommées, nous serons face à un risque de disparition de la matière imposable. Le niveau de paupérisation ne prendra que de l’ampleur, et quand c’est comme ça, ce sont des mesures sur le moyen terme, qui seront improductives.
Avez-vous une solution économique en lieu et place de l’augmentation de prix du carburant ?
Il faut mettre les acteurs économiques en confiance, et par rapport à la situation conjoncturelle, nous ne vivons pas une crise qui est liée au prix du baril à l’international, nous avons un problème binaire, de qualité de la gouvernance.
Les mesures les plus urgentes sont directement liées à la lutte contre la corruption, à la réduction du train de vie de l’Etat et à la relance des activités économiques par le fait d’un plan d’urgence que le premier ministre devait présenter pour expliquer aux guinéens, quel sont les poches de budget dans lesquelles il peut faire des coupes de réduction pour qu’on gère plus efficacement ce que nous avons.
Ce n’est pas le fait qu’on soit simplement pauvre, c’est le fait qu’on a une mauvaise qualité des dépenses et le peu que nous avons, nous l’utilisons très mal.
Donc ce plan d’urgence sur les coupes budgétaires qu’il faut faire pour amorcer la réduction du train de vie de l’Etat, notamment les dépenses inutiles, mais aussi les actions majeures en ce qui concerne la lutte contre la corruption, pouvaient être des signaux importants de la part du premier ministre et de son gouvernement pour rassurer les acteurs sociaux.
Existe-t-il un impact économique de cette augmentation du prix du litre, sur l’économie guinéenne, alors que le gouvernement bénéficie de gros investissements des institutions financières ?
Nous n’avons pas d’économie en ce moment, il y a un niveau de pauvreté qui ne fait que gagner en ampleur, nous avons des programmes de survie avec des institutions financières internationales. Sur le plan interne, il n’y a pas d’investissements publics de la part du budget de l’Etat.
Et pour les financements des institutions internationales, ça sert des annonces, il faut considérer ces institutions financières comme des partenaires de développement. Elles ne développent pas un Etat, elles accompagnent l’Etat.
La Banque mondiale et le FMI, ont le rôle de nous accompagner dans un certain nombre de réformes et faire des recommandations selon les programmes dans lesquels nous sommes auprès des bailleurs de fonds, libérer des ressources et les injecter dans l’économie.
Ceux qui investissent sont accompagnés par un système bancaire et les banquiers font une appréciation de la réalité des opportunités d’affaires dans le pays
Donc ça veut dire qu’au préalable, nous devons être un pays attractif, en ce sens où la gouvernance est vertueuse, avec moins de corruption, et que nous ayons des infrastructures de base, une visibilité claire sur l’avenir à travers nos projets de développement et les lois de finance.
Interview réalisée par Saidou Barry