Le vote d’une nouvelle loi sur la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) suscite encore de l’indignation au sein de l’opinion publique.Le texte prévoit par exemple que seuls les partis ayant participé aux dernières élections nationales et ayant au moins deux députés peuvent être représentés au niveau de l’institution électorale. Fortement politique, parmi ses 17 membres, 14 seront issus des partis
Les députés Alpha Ibrahima Sila Bah, rejoint dans sa position par ses collègues Onomou Kourouma, Dr Ousmane Kaba et des acteurs de la société, a même qualifiée le texte de torchon.
Ce n’est pas le même point de vue au sein de l’UFDG dont les députés ont voté en faveur de la nouvelle loi. Aliou Condé, Secrétaire Général du principal parti d’opposition, dans une interview qu’il nous a accordée, a défendu le « bien-fondé » de cette nouvelle loi sur la CENI. Le député reconnait tout de même qu’il y a un risque en laissant l’administration gérer la distribution des isoloirs.
Lisez
On vous accuse , vous et le parti au pouvoir, de vouloir caporaliser la CENI, qu’en dites-vous ?
Je pense que c’est un mauvais procès. Quand il y a quelque chose à partager, à distribuer, il faut forcément des critères. Vous savez vous-même qu’il y a au minimum cent partis politiques en République de Guinée. Il y a sept sièges à répartir (entre les partis de l’opposition Ndlr). On fait quoi ? Et quand on parle de parti politique, quel est le critère ? C’est l’implantation du parti. Comment mesure-t-on cette implantation ? C’est le résultat que le parti a obtenu lors des élections. C’est tout ceci qui est mis dans cette loi. Quand on dit qu’on a caporalisé, ce n’est pas écrit. La loi est impersonnelle et il faut finir avec la cacophonie. Partout ailleurs, lorsqu’il y a ce genre de structure, nous passons par le biais des résultats obtenus lors des élections. C’est ce qui détermine le niveau d’implantation.
Mais cette CENI risque d’être trop politisée, 14 des 17 membres doivent venir des partis politique.
Cela va de soi. Nous sommes dans un contexte de manque de confiance entre les différents acteurs. L’idée originelle de la CENI c’est la CENI paritaire, politique. Mais le jour où l’administration montrera qu’elle est neutre et qu’elle agit au nom du citoyen et non au nom du parti au pouvoir, nous aurons franchi un grand pas. En ce moment, l’administration reprendra ses droits d’organiser les élections comme au Sénégal, où c’est le ministère de l’Intérieur qui organise les élections… Est-ce que la Guinée, l’administration, avec ce que vous avez vu aux élections locales, est-ce qu’on peut faire confiance à l’administration ou à des gens recrutés pour organiser des élections sans que les acteurs concernés ne soient présents ?
Il est dit dans la nouvelle loi que le matériel informatique et d’autres matériels sont fournis par l’administration. N’y a-t-il pas de risque de manipulation ?
Dans les conditions normales, je dis bien dans les conditions normales, il n’y a pas de risque. Toute activité humaine a un risque, il n’y a pas d’activité humaine qui n’a pas de risque. Mais comme c’est le matériel lourd, c’est qu’à chaque élection, on reprend l’achat des urnes, des isoloirs… La CENI, ils sont maintenant 17 personnes. Ils ne sont pas bien implantés sur le territoire national, ils n’ont pas de magasins à eux, ils n’ont rien à eux. Quand on finit une élection, qui va les conserver ? (Les matériels lourds Ndlr) Or c’est l’Etat qui existe partout. Donc il est mieux de confier ce matériel lourd, qui n’impacte pas sur le résultat lui-même, à l’Etat.
Le risque qui existe, il est là. C’est qu’on peut ne pas emmener des isoloirs dans certains bureaux de vote, à dessein. C’est pourquoi j’ai dit que le risque zéro n’existe pas mais ces tâches lourdes, liées à beaucoup de ressources financières, font que tout le monde s’intéresse à ça alors que le travail technique lui-même, les gens s’en dessaisissent.
Donc si vous enlevez ça à la CENI, pour qu’elle s’occupe uniquement du processus électoral, du fichier, de la cartographie, des bureaux de vote et des cartes d’électeur, nous pensons que c’est infiniment mieux.
Thierno Amadou M’Bonet Camara (Le Rescapé N04)