L’argument du maintien d’ordre ou de la lutte contre le banditisme ne peut justifier la militarisation sous couvert de “patrouille mixte” d’une zone particulière de la capitale. Le régime déroule plutôt son agenda de persécution et d’intimidation afin de pouvoir instaurer une nouvelle dictature en Guinée. Bien que les manifestations soient une forme d’expression autorisées par la constitution, le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation a pris une décision interdisant l’exercice de ce droit fondamental que la norme supérieure accorde à tous les citoyens de la république.
L’État a failli dans sa mission régalienne d’assurer la sécurité et la protection des populations. Pire, il refuse de faire fonctionner la justice pour identifier les coupables et commanditaires des tueries dans les manifestations.
Le gouvernement est sélectif quand il exprime sa compassion et pose le problème sous forme d’antagonisme État – population (Comparer les victimes dans les rangs des policiers et gendarmes à celles des manifestants et acteurs politiques).
Ainsi nous cessons progressivement d’être une république, c’est à dire un seul peuple avec les mêmes lois. Au lieu de raisonner en termes de citoyens, l’Etat prend des positions politiques partisanes. Et les moralisateurs équilibristes et hypocrites jouent le jeu de la manipulation de ce pouvoir défaillant qui consiste à renvoyer dos à dos victimes et bourreaux au même niveau de responsabilité comme si la gestion de l’Etat était partagée et que la responsabilité du bilan global de la gouvernance sécuritaire incombe à l’opposition et la mouvance.
Dans le contexte actuel, le malheur de la Guinée viendrai du silence coupable et l’indifférence complice de ceux qui ont acquis une notoriété nationale et internationale, et à qui il revient en premier la responsabilité de prendre position en disant la vérité a la classe dirigeante, en rappelant au président son serment républicain et à ses collaborateurs leur responsabilité dans la gestion de l’État.
Tout pays peut avoir des égarés, des opportunistes et des propagandistes qui se recyclent avec tous les régimes; mais le rôle des hommes de valeur est de savoir les remettre à leur place pour que leur capacité de nuisance n’affecte pas les fondements de la république. Malheureusement dans notre pays, cette catégorie nuisible a toujours pris le dessus pour faire de la Guinée une société de contre-valeurs. Il faut rompre enfin avec ce cycle vicieux.
Il est aussi évident que dans les mouvements de lutte, toutes les portions du territoire ne peuvent être des symboles. Alors si la lutte contre l’apartheid est symbolisé par Soweto, celle des droits civiques aux États-Unis par Harlem, alors celle contre la dictature et la discrimination en Guinée est incontestablement l’axe Hamdallaye- Kagbelen.
Est-il nécessaire de rappeler que l’arrivée au pouvoir de l’opposant Alpha Condé est le résultat du combat de ces vaillants jeunes qui ont même aidé son parti à réinstaller son siège à Hamdallaye après avoir été chasser de la commune de Matam par le régime d’alors.
L’arrivée de Lansana Kouyate à la primature a l’issue de la douloureuse crise politico- sociale de 2006-2007 est aussi le résultat de cette persévérance de la jeunesse républicaine. Le retour des civils au pouvoir en 2009 a été la consécration des multiples sacrifices consentis par cette jeunesse consciente et ambitieuse de l’axe de la résistance. Les faits démontrent qu’ils ne sont ni en faveur, ni contre une quelconque communauté ethnique encore moins d’un leader politique (les archives d’éloges en leur faveur de la part des gouvernants actuels en font foi). Ils sont simplement porteurs d’un idéal démocratique, refusant la soumission aveugle et se sentant proches de tous ceux qui portent de grandes ambitions pour la Guinée.
Pour mesurer l’importance de l’axe de la résistance, il faut imaginer un seul instant, s’il n’avait pas existé face aux criminels d’État et les velléités dictatoriales. Où nous en serions étant donné que seul le pouvoir arrête le pouvoir ?
D’ailleurs le moment est venu pour les acteurs du changement (opposition et société civile) de passer à l’étape supérieure de la lutte en étant intransigeant sur les principes et valeurs de la république. Cela consiste à prendre ces trois mesures courageuses et responsables :
- Ne plus reconnaitre le gouvernement de Kassory Fofana qui a perdu toute légitimité par ses décisions et attitudes ( implication de l’armée dans la gestion de l’ordre public, refus de mener des enquêtes sur les tueries dans les manifestations, mépris des familles des victimes par la sélectivité de la compassion, garantie d’impunité aux auteurs du langage de la haine, manque de réaction face aux discours guerriers de membres de la mouvance présidentielle, usage de l’approche regionaliste dans la gestion de la crise politico-sociale…)
- Impliquer davantage la communauté internationale, les partenaires économiques de la Guinée et les organisations de défense des droits de l’homme car la situation qui prévaut dépasse la sphère des adversités politiques classiques. Il s’agit du scénario dramatique d’un État criminel qui terrorise une population sans moyens de défense. Donc des mesures d’assistance d’un peuple en danger s’imposent en urgence.
- Lancer un appel clair à la résistance démocratique contre l’oppression d’État conformément à l’article 21 de la constitution. Enfin, aux grands maux les grands remèdes. Le moment est venu de passer à la vitesse supérieure de la lutte démocratique en Guinée. Le combat continue !
Aliou BAH Président de l’organe provisoire de direction du MoDeL