Guinéennes, Guinéens,
Mes chers compatriotes,
Cette première semaine de novembre 2018 sera marquée d’une pierre noire dans la lutte démocratique de notre pays. Semaine de deuil et d’affliction : le seuil des cent assassinats d’Alpha Condé a été franchi. Cent-trois guinéens arrachés à l’affection et à l’espoir de notre République. Cent-trois enfants de notre Guinée dont la flamme est atteinte, éteinte dans le silence et l’indifférence d’Alpha Condé.
Je voudrais, ici, exprimer toute ma compassion, toute ma solidarité à toutes les familles victimes de ces lâches assassinats. Victimes de la barbarie, victimes de la folie, victimes de la félonie de ceux dont la mission est de protéger. Je voudrais dire à chacune de ces familles que les crimes commis ne resteront pas impunis. Dans ce monde ou dans l’autre, le Seigneur n’a pas de mémoire qui oublie. Il n’a pas de devoir qui faillit. Un jour ou l’autre, il sévit. Et ceux qui auront été sur le chemin de l’injustice connaîtront son juste châtiment.
Mes chers compatriotes,
Nous avons tous vu ces images insoutenables. Ces images qui flattent la terreur et flirtent avec le sacrilège. Oui, la responsabilité de ces corps étendus sur l’asphalte de notre capitale incombe au Président de la République. C’est à lui et à lui d’abord que revient la responsabilité de sauvegarder l’intégrité du peuple. Cette douleur qui nous étreint, tous, est l’expression de son arrogance. Ne nous y trompons pas. Il s’agit d’un aveu de faiblesse et de son incapacité à trouver des réponses aux défis qui se posent quotidiennement aux Guinéens. L’incompétence qui caractérise Alpha Condé et son clan trouve dans la violence le seul moyen de répondre aux exigences du peuple. Les assassinats ciblés, les expéditions punitives, les pillages et les brimades sont les signes d’un pouvoir en échec.
Guinéennes, Guinéens,
Chers compatriotes,
J’entends votre colère et votre souffrance étreintes par le sang indûment versé de nos enfants. Croyez-moi, je partage vos tourments, vos peines, vos douleurs. C’est le lot des peuples qui combattent pour leurs droits et libertés. Face à un Etat réfractaire à toute contestation, nous n’avons pas d’autre choix que de résister. Nous devons rester mobilisés et déterminés, parce que nous devons honorer le sacrifice de toutes ces vies étouffées. A Zogota et Galapaye. A Mandiana et Siguiri. A Dinguiraye, Coza, Bambéto, Hamdallaye, Wanindara.
Chaque coup que nous porte le glaive de l’injustice est une nouvelle lumière qui éclaire le tunnel vers notre libération. Se libérer des injustices qui nous accablent. Se libérer des deuils qui nous étranglent. Se libérer de la pauvreté qui nous assaille. La liberté, la fraternité, la prospérité, nos valeurs cardinales qui nous portent par-delà ces sombres temps que nous imposent nos gouvernants. Résistance et résilience sont les chemins qui nous mèneront au salut. Nous ne devons céder à aucun fatalisme. Parce que c’est notre démission qui est le ferment du mépris d’Alpha Condé. Regardons-le en face, bien en face pour qu’il comprenne que le glas de notre combat ne peut pas sonner. Lui dire que chacune des injustices qu’il nous inflige est l’humus qui fertilisera une nouvelle détermination.
Mes chers compatriotes,
En ce qui me concerne, comme je l’ai dit récemment, s’il fallait donner ma vie pour mon pays, le sacrifice de mon âme ne sera pas trop grand. Ma vie ne représente pas grand-chose, pour ne pas dire rien, face au destin de notre pays. Ma vie n’est plus sacrée que celles de ceux qui sont tombés sur le champ de bataille. En tout lieu et en toute circonstance, vous me trouverez devant vous pour porter l’étendard qui fera la fierté de tous ces jeunes assassinés. Et le destin de notre pays, notre destin, peuple de Guinée, ne saurait être négocié. Surtout pas face à un pouvoir qui a montré son mépris pour les revendications légitimes du peuple. Pour tous nos morts, nous réclamons justice. L’identification et la condamnation des commanditaires et des assassins, l’indemnisation des victimes ne sauraient faire l’objet d’une quelconque compromission. L’impunité a assez duré.
Guinéennes, Guinéens,
Mes chers compatriotes,
Je voudrais, une fois encore, m’incliner pieusement devant l’âme des disparus et adresser mes plus sincères condoléances aux familles éplorées. Je m’engage, ici, solennellement, que toutes ces morts ne seront pas vaines. Mais elles ne seront pas non plus le prétexte de nouvelles violences, nourries par des désirs de vengeance qui en rajouteront à la fragilisation de notre tissu social. Notre pays ne basculera pas. Les affrontements souhaités par les prophètes de malheurs et des instigateurs de la haine n’auront pas raison de notre amour pour notre pays. Ma volonté de préserver l’unité de notre Guinée, ma détermination à semer et arroser les graines de la fraternité entre les filles et les fils de notre Guinée restent inébranlables. C’est le sens de ma lutte politique.
Que Dieu bénisse la Guinée et les Guinéens !
Conakry, le 10 novembre 2018
Cellou Dalein Diallo