Les éléments illustratifs de la tyrannie moderne ci-dessous mentionnés, empruntant l’apparence de la gouvernance démocratique doivent alerter les peuples du fait que la présence des institutions démocratiques (l’exécutif, le législatif et le judiciaire) n’exclut pas la gouvernance tyrannique !
« A retenir qu’on peut qualifier de tyran moderne, celui qui donne l’apparence de la démocratie moderne à sa gouvernance tyrannique ».
Des dizaines de prééminents penseurs ont longuement écrit sur la tyrannie et bien d’autres idéologies politiques. Mon but n’est ni de contredire leurs exposés ni d’arbitrer entre eux. Je n’ai pas non plus l’ambition démesurée de donner naissance à une toute nouvelle théorie. Au lieu de cela, ce qui suit est un bref survol de mes propres opinions et conclusions basées sur des observations personnelles, des explorations et des expériences relatives à la gouvernance démocratique et tyrannique.
Le tyran moderne croit, tout comme ses pairs des siècles passés, en la suprématie de l’État et de son premier représentant (le tyran lui-même) sur le peuple pourtant qualifié de souverain, rejetant ainsi les principes fondamentaux de la République qui érigent la liberté des citoyens et la séparation des pouvoirs au sommet de toute gouvernance démocratique. Pour le tyran moderne, les imperfections et les ambitions personnelles de l’individu entravent l’objectif de l’État qui a besoin de citoyens conformistes et soumis. En cela, le tyran moderne promeut ce que l’historien français Alexis de Tocqueville a décrit dans son ouvrage de 1835 intitulé Democracy in America, comme de la tyrannie douce, qui devient de plus en plus oppressante et peut conduire à une tyrannie dure (une forme de totalitarisme).
Les concepteurs de la démocratie et les rédacteurs de ses principes constitutifs ont compris que la plus grande menace pour la liberté est un gouvernement central tout-puissant, dirigé par un petit nombre de personnes. Ils ont compris également que le règne sans encadrement ni contrôle citoyen approprié conduirait à l’anarchie et finalement au despotisme. D’où le débat autour des verrous incorporés dans les constitutions pour sceller certaines de ses dispositions contre des velléités d’instauration d’une tyrannie moderne. Il en est ainsi des velléités de reformes constitutionnelles ou changement d’une constitution au profit d’une seule personne (le tyran) qu’on rencontre dans beaucoup de pays africains.
L’objectif de façade du tyran moderne est de gonfler la taille du gouvernement au nom de la justice sociale et d’égalité. Cependant, son objectif réel est de faire en sorte que le gouvernement devienne un conglomérat si massif qu’il finisse par devenir le plus grand créancier, débiteur, prêteur, employeur, consommateur, contractant, concédant, propriétaire, locataire, assureur, prestataire de soins de santé et garant de diverses pensions entre autres.
Pourtant, le tyran a un appétit insatiable pour le contrôle. Il est toujours concentré sur son prochain repas avant même qu’il ait complètement digéré son dernier. Il milite constamment pour que le gouvernement agisse et prenne position partout, afin de mettre à son actif, toutes les initiatives positivement remarquables, publiques ou privées, pour but de gonflement artificiel de son bilan positif. Et dans la poursuite de cet objectif, le tyran moderne emprunte le langage du démagogue, concoctant des prétextes et griefs les uns après les autres pour manipuler les perceptions publiques et créer un élan populiste pour priver les citoyens de leur liberté et de leurs propriétés publiques et privées. Les citoyens entreprenants et productifs sont diabolisés et accusés d’être contre le bien-être du peuple, ce qui justifie diverses formes négatives d’interventionnisme malsain du gouvernement tyrannique dans la vie économique de la Nation au nom d’un certain peuple pourtant victime du tyran lui-même. De cette manière, les citoyens éclairés et gênants (bouc émissaire) et la principale victime (la majorité du peuple) se retrouvent subordonnés à l’injustice du gouvernement, les premiers par leur privation de leurs droits et liberté d’entreprendre entre autres, les seconds par une existence totalement dépendante du tyran. En réalité, les deux sont victimes du véritable auteur, le tyran.
Le tyran dissimule ses ambitions derrière une indignation de façade, usant des intonations de propagande colérique contre ce qu’il qualifie d’injustice, d’inégalité, d’absence de liberté et de vie meilleure dont lui seul peut apporter la juste solution. Et quand la résolution des crises sociales engendrées par la gouvernance tyrannique s’avérera impossible, qu’il s’agisse de la promesse marxiste du « paradis des travailleurs » ou de la « guerre contre la pauvreté des démocraties libérales », le tyran demandera encore plus d’autorité et encore plus de temps pour corriger les imperfections de l’existence de son peuple. Il en est ainsi des dirigeants qui, après avoir échoué dans leur gouvernance, imposent leur maintien au pouvoir même en flagrante violation de leur constitution. Étant libre des interdictions constitutionnelles, que reste-t-il pour limiter les ambitions du tyran sinon sa propre boussole morale qui l’a déjà égaré ? Il n’est jamais circonspect quant à ses propres lacunes. Il ne perçoit jamais l’échec comme le produit de sa gouvernance, au contraire, il y voit une insuffisance de l’étendue de ses pouvoirs, insuffisance du temps passé au pouvoir et insuffisance des ressources à sa disposition. Ainsi naissent des rationalisations sans fin des droits et liberté du peuple au profit du tyran et les manœuvres justifiant son maintien au pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle quelque soit le prix à payer.
Au milieu, se trouve le citoyen dont le bien-être doit être l’élément prédominant de toute gouvernance. En vivant librement et en poursuivant ses propres intérêts légitimes, le citoyen finit par afficher des qualités qui sont contraires aux intérêts du tyran. Étant donné que le tyran ne cherche qu’à créer une culture de conformisme et de dépendance dans laquelle le citoyen idéal doit être vidé de son originalité et de sa valeur personnelle et dissuadé de toute pensée ou comportement indépendant, ceci est réalisé grâce à diverses méthodes de punitions économiques et de répressions politiques. Le tyran sait également que, malgré ses usurpations réussies, bon nombre de citoyens resteront immuables dans leur scepticisme et leur méfiance à l’égard de sa gouvernance et tenteront de l’empêcher d’imposer sa volonté sur tous. Ainsi, il avance pas à pas, ajustant son rythme en fonction des circonstances. Aujourd’hui, son rythme est plus rapide car il a l’impression que la résistance a ralenti et il ralentit son rythme en cas de résistance populaire mais, à aucun moment le tyran ne fait volte-face. Lui et ses acolytes revendiquent le manteau de républicain pendant qu’en réalité, ils sont des pseudo-républicains, qui voudraient que les défenseurs de la République abandonnent les principes fondateurs de la Nation au profit des sables mouvants d’une tyrannie moderne.
La menace que la tyrannie moderne pose à la liberté dans notre jeune République rend souvent ses nuisances imperceptibles à ceux qui sont nés dans la liberté. Cette liberté est souvent considérée comme acquise, rendant ainsi toute indication contraire négligeable. Par conséquent, dans ces circonstances, l’agenda du tyran peut séduire même les plus éclairés parmi nous. Il n’est pas perçu comme une menace de plus en plus corrosive pour la démocratie et la liberté, mais plutôt comme une dynamique coexistant avec elles.
Le républicain qui estime que le respect strict de la constitution est une question existentielle qui prime sur toutes autres questions sur le fonctionnement de la République, en aucun cas ne prône volontairement et sans raison valable, le mépris du gouvernement. Comment pourrait-il en être autrement ? Comment les citoyens peuvent-ils aimer leur pays s’ils détestent leur gouvernement ? Ce qu’exigent les citoyens est simplement que leur gouvernement réduise sa taille et son emprise sur tous les aspects de la vie du peuple et de rendre l’action publique plus efficace et plus proche des citoyens. Posons-nous la question de savoir combien d’entreprises et d’emplois auraient pu être créés, combien d’enfants pauvres auraient pu être nourris, combien de personnes démunies et malades auraient pu être soignées si le gouvernement pesait moins lourd sur l’économie nationale ? Dans le cas de la Guinée, les dépenses des ministères et des institutions étatiques qui étaient de 15 812 003 321 000 francs en 2017 ont connu une forte hausse pour être de 20 115 542 568 000 francs guinéens en 2018, soit une augmentation de 27,21% consacrée à la gestion de notre gouvernement. Combien de plus aurions-nous à investir si nous avions moins de corruption, moins de bouleversements des marchés, moins d’inefficacité dans la gestion de la chose publique qui fausse l’offre et la demande ou encore décourage l’investissement direct étranger et la recherche scientifique du fait du rôle du gouvernement ?
Le citoyen républicain ne méprise donc pas son gouvernement. Il méprise la tyrannie. C’est précisément pour cette raison que la majorité des citoyens de tous les pays tiennent au respect de leur constitution et récompensent ceux qui y adhèrent.
Le vrai républicain est alarmé par l’ascension de la tyrannie moderne et son acceptation joyeuse par les pseudo-républicains qui servent d’appuis pour le tyran et qui tentent de donner une apparence républicaine à la gouvernance tyrannique infligée au peuple. Le vrai républicain sait que la liberté une fois perdue est difficilement retrouvée. Il est conscient du sort des Républiques victimes de telles pratiques dans le passé. Et il sait que la meilleure solution pour remédier aux maux réels et perçus de la société n’est pas de renforcer le pouvoir d’un gouvernement déjà énorme au-delà des limites constitutionnelles.
Un peuple libre, travaillant dans le cadre d’une coopération intéressée, et un gouvernement agissant dans les limites de son autorité, favorisent plus de prospérité, de chances et de bonheurs pour plus de personnes que toute autre solution. Être républicain, c’est aussi servir d’antidote à la tyrannie, précisément parce que les principes républicains sont les principes fondateurs de notre Nation.
Attention à l’objectif de façade et le but réel du tyran moderne.
Abdoul Kader Makanera, Chef de Cabinet du Président de l’UFR