L’expression gestion des finances publiques (GFP) sert depuis quelques années de cadre à un débat animé sur les capacités et la réforme des finances publiques dans les pays en développement.
L’importance de la GFP découle du rôle central que jouent les finances publiques dans un Etat démocratique désireux de se développer : une politique budgétaire axée sur des objectifs et une gestion budgétaire transparente sont à la base de prestations publiques visant à réduire la pauvreté et à atteindre les Objectifs du Développement Durable (ODD) dans les pays en développement.
Pour ce qui est du contrôle des finances publiques, il compte parmi les tâches clés des parlements. La transparence des finances publiques de même que la participation de la population et de groupements de la société civile à l’établissement du budget témoignent du bon fonctionnement d’un système fondé sur l’obligation des autorités de rendre compte de leur action. Le concept de bonne gouvernance qui met l’accent sur la transparence, la responsabilité, la participation et les réformes des institutions est l’alternative prônée par certaines institutions. Selon la définition proposée par la Banque Mondiale en 1992, elle la fait désigner comme la « manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays en vue de son développement ».On y ajoute que la « bonne gouvernance est symbolisée par une élaboration des politiques prévisibles et éclairées (à savoir des processus transparents), une bureaucratie d’une éthique professionnelle, un organe exécutif de l’État responsable de ses actions et une société civile dynamique qui participe aux affaires publiques et où tous se comportent dans le respect du droit ». A ce titre, des systèmes de GFP transparents et participatifs contribuent à faire respecter les droits humains, au sens d’autonomisation (empowerment). Ils permettent en effet aux citoyens d’influencer et d’adapter les milieux et les institutions politiques afin que ceux-ci servent leurs intérêts, de revendiquer leurs droits et de se faire entendre auprès des élites politiques et des pouvoirs publics. Puisque les divers éléments et sous-systèmes abordés dans le débat sur la gestion des finances publiques ont une portée considérable, on tend désormais à parler plus largement de bonne gouvernance financière. On applique alors les principes de la bonne gouvernance au secteur des finances publiques.
Rappelons ces principes cités par Deutsche G T Z dans Good Governance in Public Finance, Finance Studies, no 3, Escborn, 2006 :
- Légitimité. Désigne la légitimation démocratique des décisions de politique financière. Elle englobe également une participation appropriée, équilibrée et non discriminatoire de la population (égalité entre hommes et femmes).
- Obligation de rendre compte. Ce principe comprend la responsabilité et l’obligation des instances étatiques de rendre compte aux citoyens de leurs actes et passe par la transparence sur les activités de l’Etat. L’efficacité et l’efficience de l’administration des finances publiques dépendent en effet de la possibilité dont bénéficient et usent la société et ses citoyens de demander des comptes à l’Etat.
- Légalité. Ce principe oblige l’administration financière publique à respecter un cadre légal valable pour tous, équitable et impartial (obligation de l’administration de respecter le droit).
- Efficacité. Ce principe décrit la volonté et la capacité des organes et institutions publics d’accomplir leurs tâches. L’amélioration de l’efficacité dans le cadre de la bonne gouvernance financière passe avant tout par le renforcement des capacités des institutions publiques à gérer les ressources publiques.
- Action de l’Etat axée sur le développement. Ce principe se réfère aux valeurs fondamentales qui régissent l’activité étatique : justice sociale, durabilité écologique et économie de marché. Ces valeurs doivent transparaître non seulement dans les recettes mais aussi dans les dépenses de l’Etat.
La GFP fait partie du système des finances publiques et, dans la pratique actuelle de la coopération internationale, elle se réfère principalement aux dépenses budgétaires (public expenditure management). Ce faisant, elle se concentre sur les instances et les procédures qui doivent garantir la transparence, l’efficacité et l’efficience des dépenses publiques, y compris dans l’utilisation de l’argent des donateurs. Cette concentration s’explique par l’existence des risques fiduciaires, qui découlent, aux yeux des donateurs, de l’implication des systèmes budgétaires des pays en développement dans la gestion de l’aide extérieure. Plus la gestion des finances publiques d’un pays n’est transparente et efficace, moins les risques fiduciaires paraissent élevés.
Parfaitement compréhensible du point de vue des donateurs, cet accent mis sur les dépenses et sur la gouvernance en matière de dépenses empêche toutefois de considérer toute la dimension de la gouvernance et des droits humains qu’englobe la bonne gouvernance financière.
Au cours des années quatre-vingt-dix, de nombreux pays ont amorcé un mouvement de déploiement d’un système de gestion de la performance dans la sphère publique. Deux générations de réformes fiscales ont été alors engagées : il s’agissait d’abord de renforcer des fonctions exécutives du gouvernement ; ensuite asseoir une transparence budgétaire et la responsabilité mais aussi la reddition des comptes et le contrôle externe exercé par le Parlement et la société civile[1]. L’ensemble des pays impliqués dans ce mouvement sont guidés par des motivations communes :
- le souhait de maîtriser les dépenses et les déficits publics ;
- la volonté d’améliorer l’efficacité des politiques publiques pour les contribuables et la qualité du service rendu aux usagers ;
- le souci de renforcer l’information et la transparence de l’action publique pour les citoyens et leurs représentants au Parlement.
La plupart des pays, qui se sont lancés dans une réforme des procédures budgétaires, ont en parallèle réorganisé leur administration. Ces réformes sont le plus souvent associées à une diffusion de la culture de l’évaluation.
Daouda KEITA, gestionnaire
Gouvernance et management public
daoudakeitone@gmail.com
[1] Santiso C., « Combattre la corruption et améliorer la gouvernance financière : les institutions financières internationales et le renforcement du contrôle budgétaire dans les pays en développement » Revue française d’administration publique, ENA 119,2006, p.459-492