Le N’ko est un système de transcription alphabétique phonétique et phonologique des langues africaines développé par Solomana KANTÈ en 1949.
De nos jours, les performances de ce système ont franchi nos frontières (sciences, éducation, santé, technique, technologie).
Dans ce présent article, je parlerai uniquement du volet éducatif basé sur l’expérience du N’ko et du contexte de cette proposition de loi, objet de tous les polémiques.
D’abord, d’après les statistiques pour 2017-2018, il y’a 501 centres d’alphabétisation n’ko reconnus par le Ministère de l’éducation nationale. Il y a depuis 1995, l’ouverture d’école primaire n’ko-français.
Aujourd’hui une trentaine d’écoles primaires n’ko-français sont encadrées par les directeurs préfectoraux de l’éducation. Ces écoles présentent des candidats aux différents examens nationaux.
Les autorités de la deuxième république ont autorisé ces expériences. Aujourd’hui, 24 ans après, des études ont été effectuées pour évaluer ces enseignements : des manuels scolaires existent, des enseignants existent, le programme scolaire et les livres du ministère de l’éducation nationale ont été traduits.
Tous les acquis et faiblesses de l’expérience ont été analysées…C’est en se basant sur ce processus satisfaisant que cette proposition de loi sur l’adoption du n’ko comme système de transcription des langues guinéennes dans l’éducation a été conçue.
Le N’ko n’est pas un grand inconnu devant les autorités publiques guinéennes de la première république à nos jours.
La proposition de loi sur le n’ko n’impose pas aussi son enseignement à toutes les écoles du pays. Elle dit que c’est à la demande des populations locales, par l’intermédiaire des élus locaux, qu’une école primaire publique ou privée intégrera le programme qui est basé sur la méthode de la pédagogie convergente que les éducateurs appellent le bilinguisme langue maternelle-français.
La Guinée s’est déjà engagée avec 12 pays francophones d’Afrique subsaharienne dans un programme similaire : ELAN = École et Langues Nationales en Afrique. ELAN est une initiative de la francophonie qui vise à rattraper le retard des systèmes éducatifs francophones par l’instauration du bilinguisme à l’élémentaire.
L’enfant apprend à lire, écrire et à calculer dans sa langue maternelle pendant les 3 premières années du primaire, ensuite on transfert progressivement les compétences de l’enfant par l’apprentissage du français.
Tous les spécialistes de l’éducation concordent vers un point de vue : l’enfant dont la langue maternelle est valorisée dans l’enseignement maîtrise mieux une langue étrangère par rapport à l’enfant dont la langue maternelle est ignorée.
Les DPE (Directions Préfectorales de l’Education) qui suivent des écoles expérimentales Maninka–français en Haute Guinée reconnaissent que la plupart des lauréats du Certificat d’Etude Primaire sont issus de ces écoles bilingues et des rapports en font foi.
Cela veut dire qu’avec ou sans le N’ko, le gouvernement guinéen a déjà lancé le processus ELAN avec la Francophonie en Guinée. L’expérience pilote Sosso- français a commencé dans certaines écoles primaires à Kindia.
Ironie du sort, les écoles N’ko ont la meilleure expérience en Afrique de l’Ouest et de nombreuses études étrangères citent cette expérience Guinéenne basée sur le n’ko en louant son efficacité (sources Georges Washington University, les écoles formelles n’ko en Guinée, 2003).
Le N’ko est déjà dans le système éducatif guinéen formel, c’est une situation de fait. Cette loi à l’assemblée nationale conférera à l’expérience un cadre normatif approprié. Ce n’est pas une imposition de la langue malinké à toute la Guinée, comme on peut voir les réactions passionnées sur les réseaux sociaux et sur certains médias, mais de faire bénéficier aux écoles guinéennes dont les localités le souhaitent, d’intégrer le processus dans un cadre normatif où le ministère de l’éducation nationale, les collectivités et les associations de parents d’élèves joueront leur partition. C’est une bonne proposition de loi.
Une expérience qui marche mérite d’être validée par l’Etat. La loi promeut également l’enseignement de six langues maternelles majeures au primaire concomitamment avec le Français (Sosso, Pular, Maninka, Kissi, Kpelle et Loma). Cela signifie que l’Etat a le devoir d’accompagner techniquement ces expériences. Cette loi ne s’oppose pas aux autres systèmes d’écriture comme le Koresebeli, l’adlam ou l’écriture Toma qui font également partie du patrimoine linguistique guinéen. Si tout le monde avait lu le contenu de cette proposition de loi, on aurait compris que c’est une tempête dans un verre d’eau et trop de bruits qui n’en valent pas la peine.
Enfin, la dynamique de la promotion des langues nationales et africaines est déjà entamée par la CEDEAO, l’Union Africaine.
Dans la plupart des pays africains, les langues maternelles sont déjà dans le système éducatif. Notre pays qui a été pionnier doit plutôt faire prévaloir l’expérience du n’ko à l’échelle continentale. Comprenne qui pourra.
Nafadji Sory CONDE,
Membre du Groupe de travail sur l’élaboration des matériels éducatifs dans les langues africaines, Membre du Réseau Central de l’alphabet N’ko,
Auteur de l’ouvrage Introduction au N’ko : une alternative linguistique pour l’Afrique. Éditions Harmattan Guinée. 2017