Les commentateurs de la presse locale n’ont pas du tout été tendres envers le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, Bouréma Condé, au lendemain de sa déclaration relative aux événements du 14 octobre. Discours qui, à leurs yeux serait contraire du bon sens et de la vérité, par le fait que le ministre tente de maquiller les faits, en minimisant le nombre de victimes enregistrées lors de ces échauffourées qui ont émaillé cette folle journée.
Eh bien pour Bouréma Condé, il n’y aurait eu que deux morts, alors que des sources concordantes faisaient état de cinq tués par balles dans la seule capitale. A ce décompte macabre il fallait ajouter les deux victimes tombées du côté de Mamou, dont un corps habillé. Soit au total sept victimes.
Cette réaction des médias ne fait que traduire l’état d’âme d’une population estomaquée par ce déni d’une réalité qui saute aux yeux.
Pour nos confrères, cette manière de prendre des libertés avec la vérité ne serait pas digne d’un ministre de la République. Surtout quand il s’agit de vies humaines arrachées dans des conditions qu’on sait tous.
En Guinée, la vie humaine est banalisée. Depuis l’avènement du président Alpha Condé au pouvoir en 2010, une centaine de manifestants sont tombées sous des balles, sans qu’aucune lumière ne soit faite sur ces tueries. Plutôt on fait dans l’esquive, en pointant du doigt le fléau des « tirs amis » ou tirs fratricides.
C’est ainsi que dans leur défausse, les autorités ont toujours affirmé que ce sont les opposants qui s’entretuent. Mais pour une opinion publique avisée, comme la nôtre, la ficelle n’est que trop grosse.
D’ailleurs, l’universitaire feu Ansoumane Doré, aimait dire dans ses tribunes que la « Guinée est un pays de mensonge ». Ce grand homme n’avait pas tort, pour la simple raison que le mensonge a toujours été un vice rédhibitoire pour nos politiques. Cela ne date pas d’aujourd’hui.
Malheureusement que les vieux réflexes ont la peau dure dans ce pays.
Par ce bilan erroné, le ministre de l’Administration du territoire tente de cacher la poussière sous le tapis.
Une manière de ripoliner l’image d’un gouvernement, complètement écornée par la vague de répression exercée sur des populations civiles, sans défense. Dont le seul tort est de vouloir exercer un droit, celui de manifester.
Les condamnations et autres appels à la retenue se multiplient à l’endroit du pouvoir, afin que ce projet de tripatouillage constitutionnel soit rangé dans les tiroirs.
Le dernier appel en date est celui du professeur Abdoulaye Bathily, ancien conseiller spécial de l’ONU à Madagascar.
Qui, prenant fait et cause pour le peuple de Guinée, plaide pour l’abandon pur et simple de ce fameux projet de changement constitutionnel, dont la Guinée n’a nullement besoin, en ce moment.
Pour que cesse enfin cette tragédie shakespearienne.
Mamadou Dian Baldé
Journaliste et éditorialiste