Porté à la tête du parti UGN (Union pour la Guinée Nouvelle) en 2020 pour cinq ans, Dr Diao Baldé ne compte pas se laisser noyer dans le profond marigot politique guinéen. Après avoir passé deux décennies comme consultant et agent de développement, il assure qu’il n’y a qu’une petite passerelle entre le développement local et la politique. Dans un entretien qu’il a accordé à mosaiqueguinee.com, il décline sa vision, ses ambitions et ne manque pas de tacler le pouvoir dans ses programmes de développement à la base.
Mosaiqueguinee.com : Votre formation politique, l’UGN, l’Union pour la Guinée Nouvelle est méconnue par le grand public. En quoi se distingue-t-elle des autres partis politiques ?
Dr Diao Baldé : Notre parti, l’Union pour la Guinée Nouvelle, a démarré il y a moins de deux ans. Moi-même et la plupart des membres de ce parti sommes issus du monde rural. Quand on parle du développement local, ce n’est qu’une petite passerelle pour aller à la politique. Mais de l’autre côté, c’est aussi un constat qui est là. Beaucoup de personnes sont aujourd’hui découragées de la politique, parce que ça fait plus de 60 ans qu’on parle de politique et on a cru, mais malheureusement, on n’a pas la satisfaction. Nous ne prétendons pas être le grand guérisseur mais nous voulons mettre notre expérience à profit pour contribuer au développement de notre pays. C’est ce qui nous amène principalement en politique. (…). Nous avons l’ambition de contribuer au développement économique de notre pays.
Mosaiqueguinee.com : Pourquoi le spécialiste du monde rural s’est-il lancé en politique ?
Dr Diao Baldé : Vous savez, ça fait plus de 15, 20 ans que la Guinée est accompagnée dans le processus de développement local à travers les différents programmes. Que ce soit le PACV, le PDLG, le PDSD qui était aussi en Guinée-Forestière dont j’étais le coordinateur. Tous ces programmes ont accompagné la Guinée dans le développement local, ils ont laissé des acquis, il fallait les consolider. Le problème qui se pose aujourd’hui, c’est celui de la justice, de l’éthique. Parce que, nos responsables politiques doivent avoir des valeurs d’éthique. Ça ajouté à la justice, sont extrêmement importants pour un pays. On peut être animé de belles idées de développement, mais si on n’est pas accompagné dans la mise en œuvre de ces programmes, il est évident que les résultats seront peu perceptibles. Si je prends l’état des routes, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas eu d’investissements, mais on se demande ces investissements sont allés où ? Je laisse le soin à tout le monde d’apprécier. Mais nous, notre ambition, c’est de contribuer au développement.
Mosaiqueguinee.com : Vous qui êtes issus du monde rural, êtes-vous satisfaits des programmes locaux de développement mis en place sous le Pr Alpha Condé ? Par exemple l’ANIES ?
Dr Diao Baldé : Je ne peux pas dire que je suis complètement satisfait de la manière dont ça évolue mais ça aurait dû être de mieux en responsabilisant davantage les élus à la base. Parce que le fondement de ces programmes, c’est cela. Mais il y a plus une appropriation de l’autorité de ces projets, notamment au niveau du PACV. Avant, c’était vraiment avec les élus et c’est ce qui est normal parce que la meilleure manière de développer un pays, c’est en renforçant la décentralisation, le pouvoir des élus, qu’ils soient entièrement responsables du développement à la base. Maintenant par rapport à l’ANIES, vous savez, c’est un programme qui a évolué, c’est une suite de projets. Il y a eu le projet filets sociaux productifs qui a de bons résultats. Il y a eu le deuxième volet de ce projet avec un programme qu’on a appelé programme NAFA, qui a maintenant changé de nom et est devenu ANIES. Il a plusieurs composantes à son intérieur dont l’employabilité à travers HIMO mais de l’autre côté, il y a la distribution des richesses. Mais la manière dont cette richesse est distribuée, pour moi, elle n’est pas durable. Parce que ce n’est pas en donnant à quelqu’un 250.000 GNF avec un bidon d’huile après un, deux ou trois mois qu’on peut les aider. On aurait dû investir sur les facteurs de production pour les amener à se prendre en charge notamment dans des secteurs de microfinance, en retravaillant ça comme fonds de crédit révolving qui leur permettrait de sortir de la pauvreté que de leur donner des bidons d’huile ou ce montant. Si les gens ne ramènent plus l’argent quand on leur donne ce fonds revolving, c’est que ça a été mal donné. L’État ne doit pas être trop présent. La présence de trop de l’État affecte le fonctionnement de ses structures. A un moment, les structures de crédits fonctionnaient avec les MUFFA et autres. Mais après on les a fait croire que c’est l’argent de l’État ou du président. Difficilement alors le montant donné sera retourné parce que on a mis la politique à côté. Il faut dépolitiser tout ce qui est système financier et mettre l’accent sur la formation et le renforcement des capacités de ces gens pour leur permettre de devenir des munis entrepreneurs, qui bénéficient d’un fonds de crédit qui est à rembourser. Même si c’est aussi naturel qu’un crédit n’est jamais rembourser à 100%, mais c’est de prendre toutes les garanties pour rembourser à 80 ou 90%.
Mosaiqueguinee.com : Le montant de 250 mille francs qu’on redistribue aux plus vulnérables est-il insignifiant?
Dr Diao Baldé : Ce n’est pas le montant qui est important à mon avis, mais la manière et tout le processus qu’il faut revoir. Est-ce qu’il faut donner des montants ? (…). Parce qu’avant, c’était un accompagnement conditionné à travers un objectif de scolarisation. C’est ça l’idée à la base. Parce qu’il avait une base de données gérée par l’INS en rapport avec l’UNICEF et même avec le PAM. De l’autre côté, le fonds qui était donné à la jeunesse était pour leur permettre d’avoir un minimum de revenu et que ce revenu obtenu à partir de ce salaire leur permette de s’occuper d’une préoccupation sociale. (…). Aujourd’hui, je ne vois pas les autres composantes de l’ANIES qui étaient actives avec le projet filets sociaux productifs. On ne voit que la distribution du vivre. Logiquement, on ne devrait pas être à ce niveau, parce que c’est pour la population et ça devrait être une question de durabilité. Mais on aujourd’hui qu’il y a une récupération et il y a la politique autour, cela fait que ça ne peut pas être durable alors que tout ce qui devrait être fait avec ce projet, devrait s’inscrire dans la durabilité. La manière dont c’est fait et tout le tintamarre qu’il y a autour, c’est toujours une récupération politique. Quelque soit l’origine des gens autour (militants du parti au pouvoir), mais il y a un caractère populiste qui l’accompagne qui ne devrait pas. C’est des projets sociaux.
Mosaiqueguinee.com : Quand le président Alpha Condé menace ses opposants à Boké, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Dr Diao Baldé : Lui (Alpha Condé) ne devrait pas parler de cela, car c’est un travail de la justice. Et, je pense que c’est une question de communication et les gens devraient rectifier cela. Parce que, en fait, c’est à la justice de décider qui devrait aller çà Coronthie ou pas, sur la base des faits. Il faut laisser la justice faire son travail, il faut que la justice elle-même joue son rôle et que nos responsables aient cette valeur d’éthique. C’est extrêmement important. On a vue ce qui s’est passé il y a 30 ou 20 ans en arrière. On ne souhaiterait pas qu’on retourne encore en arrière. Et c’est à nous tous de comprendre cela. On doit comprendre qu’on obéit à un individu, qu’il est question aujourd’hui de voir la Guinée dans sa globalité, dans son développement.
Merci à vous Dr Diao Baldé
Entretien réalisé par Mohamed Bangoura