Alors qu’aux yeux de beaucoup d’observateurs, le classement de la Guinée par le département d’État américain dans la zone de surveillance niveau 2 dans son rapport sur la traite des personnes et pratiques assimilées, est un des plus mauvais, le président du Comité de Lutte contre la Traite des Personnes et Pratiques Assimilées (CLCTPPA) pense que c’est plutôt le meilleur classement que la Guinée peut espérer avoir.
Dans un entretien qu’il nous a accordé ce mardi 6 juillet, Aboubacar Sidiki Camara dit ne pas comprendre pourquoi ce classement suscite autant d’agitations étant donné que la Guinée était au même niveau l’année dernière. Selon lui, les meilleures places sont occupées par des pays qui ont mis toutes les ressources à la disposition des structures de lutte contre la traite des personnes, en matière d’enquête, de justice, et autres.
Mosaiqueguinee.com : Bonjour Monsieur Camara ? Le département d’État américain a publié son rapport sur la traite des personnes cette semaine plaçant la Guinée dans la zone surveillance niveau 2. Quel commentaire vous avez sur ce classement ?
Aboubacar Sidiki Camara : Ceux qui sont, malheureusement en train de commenter le rapport n’ont pas pris connaissance du contenu du rapport. En tant que structure du gouvernement chargée de coordonner la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées, nous avons reçu le rapport. Et, bien naturellement nous ne sommes pas surpris de son contenu car c’est nous qui avons communiqué les informations contenus dans ce rapport, c’est ce que beaucoup ne savent pas. Les gens pensent que c’est des experts qui sont restés dans leurs bureaux à Washington pour faire un classement ou pour évaluer la Guinée.
Mosaiqueguinee.com : Comment ce rapport est-il établi ?
Aboubacar Sidiki Camara : Pendant le mois d’octobre de chaque année, nous recevons un questionnaire du département d’État des Etats-Unis pour évaluer un peu les efforts du gouvernement guinéen. La même chose est fait pour les gouvernements de tous les autres États, dans le cadre de la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées. C’est un rapport annuel que le département d’État américain sort depuis plus près de 20 ans maintenant. Il est publié sur la base de deux sources d’informations. La première source d’information, c’est le questionnaire qu’ils envoient chaque mois d’octobre. C’est un questionnaire d’une centaine de question et, nous avons quatre mois pour répondre à ces questions. La deuxième source d’information, c’est le département d’État lui-même à travers l’ambassade des Etats-Unis ici qui fait ses propres enquêtes pour compléter les informations que nous donnons. Même après avoir reçu les informations fournies par l’ambassade ici à Conakry, ils nous renvoient encore un questionnaire pour préciser des choses sur la traite des personnes. Quand vous prenez le rapport, il commence par une longue phrase. Et les gens ont pris juste quelques bouts de phrases de ce paragraphe, pour dire que le département d’État américain estime que la Guinée ne fait pas d’efforts dans la lutte contre la traite des personnes, mais ils n’ont pas lu ce qui a suivi. Parce que devant, le département d’Etat américain écrit que tout de même, ils apprécient les efforts de la Guinée pendant la période couverte par le rapport et cite les domaines dans lesquels la Guinée a fait des efforts. D’ailleurs, ce rapport ne devrait pas étonner les gens parce que nous sommes parvenus à maintenir les résultats. Le classement que nous avons maintenant était le même l’année dernière, je me demande pourquoi est-ce que ça crie aujourd’hui et pour cela, il y a des facteurs qui ont milité en notre faveur.
Mosaiqueguinee.com : Alors quel est le niveau des autres pays ?
Aboubacar Sidiki Camara : Le rapport comporte le tiers one, le tiers two et le tiers three. Nous sommes dans le tiers two. Dans le tiers one, vous ne retrouvez que les pays comme les Etats-Unis, l’Australie, le Canada, c’est-à-dire, les grandes puissances qui ont mis toutes les ressources à la disposition des structures de lutte contre la traite des personnes, en matière d’enquête, de justice, etc. C’est rare que vous trouviez un pays africain dans cette catégorie. Dans la deuxième catégorie, c’est des pays qui font moins d’efforts mais qui ont la volonté de combattre le fléau. Ces pays ne sont pas sanctionnés. C’est dans cette catégorie que notre pays se trouve, mais dans une sous catégorie de surveillance qui veut dire qu’ils ont un regard sur le pays. Le pire qui puisse arriver ç un pays, c’est d’être dans la catégorie tiers three. Ce qui nous est arrivé en 2017. Dans cette catégorie, il y a des pays qui ne font aucun effort pour lutter contre la traite des personnes, n’ont aucune politique, aucun engagement et même les procédures de prise en charge des victimes. Sinon, le niveau actuel de la Guinée est acceptable. Ce qui est important, c’est des recommandations formulées par le département d’État.
Mosaiqueguinee.com : La Guinée a une fois été sanctionnée par le département d’État américain à cause de la traite des personnes et pratiques assimilées ?
Aboubacar Sidiki Camara : La Guinée n’a jamais été sanctionnée par ce rapport. Le pire classement de notre pays est intervenu en 2017 et là aussi, le département d’Etat nous a élus comme bénéficiaire du fonds dédié à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées. Grâce à ce fonds, nous avons réalisé des activités et fait des efforts qui ont concouru à ce que la Guinée puisse bénéficier d’une mesure dérogatoire.
Mosaiqueguinee.com : A quel moment un pays est-il sanctionné pour ce fléau ?
Aboubacar Sidiki Camara : Les sanctions tombent pour des raisons suivantes : lorsqu’il est avéré dans un pays, que l’État fait systématiquement recours à l’enrôlement des enfants soldats dans les conflits armés ; lorsque l’État ne fait aucun effort pour faire face aux recommandations formulées par le rapport, c’est-à-dire quand il y a une volonté manifeste de ne pas lutter contre la traite des personnes, la Guinée n’a jamais eu cette attitude. Voilà les conditions dans lesquelles on rétrograde et sanctionne un État. La Guinée n’a jamais été sanctionnée pour la traite des personnes, même quand elle a été rétrogradée en 2017.
Interview réalisée par MohamedNana Bangoura