Dans une interview accordée à la rédaction de Mosaiqueguinee.com, le président du parti MoDeL s’est prononcé sur les grands sujets qui dominent l’actualité en Guinée. Son regard sur la transition conduite par la junte militaire, la réduction drastique du nombre de partis politique proposée par l’archevêque de Conakry ou encore l’annonce de l’ouverture enfin du procès des événements douloureux du 28 septembre 2009, sont autant de questions que le jeune leader Aliou Bah a tenté de répondre dans cet entretien exclusif.
Sur la Conduite de la transition
Nous ne sommes pas satisfaits de la façon par laquelle les choses sont en train d’être conduites d’autant plus qu’il n’y a pas de réelle visibilité sur la conduite de la transition. Vous savez le MoDeL fait partie de cette dynamique le collectif du G58 qui est initiée par des coalitions des partis politiques pour exiger à ce qu’il y ait un véritable dialogue structuré pour que les uns et les autres confrontent leurs idées afin que la transition soit conduite de façon consensuelle, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Vous avez vu les résolutions de la CEDEAO qui remettent en cause le calendrier que le CNRD a adopté, soit disant proposé par des partis politiques qui se sont constitués en mouvance du CNRD donc en toute complicité avec eux, ce sont des vieilles pratiques que nous connaissons dans notre pays (…) , nous n’en avons pas besoin et il se trouve qu’un médiateur a été récemment nommé par la CEDEAO et il me semble que la Guinée l’a accepté et il y a un nouveau président en exercice de la CEDEAO qui est le président de la Guinée-Bissau. Je pense qu’au niveau international il y a des efforts de compréhension qui sont fournis, il y a aussi une sorte de main tendue qui est faite à la Guinée pour lui ramener à faire preuve de flexibilité afin de réorienter la trajectoire de la transition. Quand vous prenez le processus électoral, il n’est presque discuté nulle part, lorsqu’on parle du dialogue c’est une occasion pour nous de se pencher sur la question constitutionnelle, de l’organe de gestion des élections, la problématique du fichier électoral, le calendrier des élections, tous ces éléments doivent faire l’objet d’un consensus et on peut obtenir ce consensus à travers un dialogue structuré que nous avons souhaité entre le CNRD, le gouvernement, la classe politique, les acteurs sociaux représentatifs sous la facilitation du médiateur de la CEDEAO. Ce format là nous le réaffirmons, vous avez vu récemment le PM et son cabinet ont fait quelques efforts à travers le discours du 20 juin pour appeler les uns et les autres à une discussion le 27 à laquelle nous avons répondu, nous avons réaffirmé notre position sous la conduite de la transition et jusque-là on n’a pas l’impression que les lignes sont en train de bouger dans la bonne direction.
Eventuelle réduction du nombre de partis politiques
Je pense que cette question est très mal posée en Guinée et elle est très mal traitée parce que très souvent on entend des hauts commis de l’État tenir des propos irréfléchis qui sont contraires à la vérité. Penser que c’est le nombre de partis qui est un problème en Guinée n’est pas du tout vrai, c’est le manque de compétitions transparentes, justes qui constituent un problème. On ne se plaint d’avoir beaucoup de partis dans un pays s’il y a des compétitions électorales saines avec un arbitrage équitable et juste parce qu’à partir de la compétition les partis politiques vont s’éliminer progressivement, ceux qui vont se maintenir, ceux qui ont de la résistance à travers la qualité des projets, les moyens, la qualité de la vision vont rester et au fur et à mesure les partis dominants vont s’imposer sur le paysage politique. Très souvent nous entendons des comparaisons biaisées lorsqu’on parle des Etats-Unis ; on pense qu’il y a 2 partis là-bas, c’est faux, absolument faux, ceux qui le disent c’est soit ils sont de mauvaise foi ou bien ils sont très mal renseignés. Aux Etats-Unis, il y a 2 tendances dominantes et cela c’est le résultat de plus de 2 siècles de pratiques démocratiques donc ça ne s’impose pas par des lois. En Guinée, il y a plusieurs partis politiques c’est vrai mais ce qui favorise cela c’est le fait que les élections ne sont jamais transparentes, si on donne l’opportunité aux populations de décider par le vote à l’occasion des élections, elles vont faire des choix utiles et en fonction de cela on pourra décanter et au fur et à mesure les partis politiques résistants vont rester sur la scène et ceux qui ne sont pas choisis vont disparaître ou se fondre dans les grands partis
Combines pour écarter certains leaders politiques des futures échéances électorales :
Il y en a bien sûr, moi je n’ai jamais cessé de le dire en public. Ce qui est dommage c’est de penser qu’il faut mettre à l’écart les véritables compétiteurs afin de faire de la place à ceux qui ne représentent rien, nous nous connaissons heureusement dans ce pays, l’histoire nous a permis de nous connaitre et même l’histoire récente. On sait qui est légitime et qui ne l’est pas, qui s’est battu ici et qui ne l’a pas fait et avec tous les risques que les uns et les autres ont pris pour se débarrasser de l’ancienne dictature du défunt régime et toutes les qualités de nos projets de société. Les guinéens savent qui est qui et qui ils vont choisir. Au lieu de faire ces combines, il est plutôt recommandable de laisser les uns et les autres aller aux élections et, par les urnes on va déterminer qui va être prise, quels sont ceux qui vont être au parlement, les conseils communaux, régionaux, c’est ça la démocratie, c’est de permettre aux uns et aux autres de choisir, on ne choisit pas à la place des électeurs. Donc les combines-là qu’on vient souffler aux oreilles de X pour éliminer Y ou faire des accointances avec des acrobaties et maquiller tout ça par le fait d’une procédure judiciaire, je pense que ça ne passera pas, d’ailleurs c’est quelque chose de très risqué pour la quiétude sociale parce que derrière chaque leader politique représentatif, c’est une proportion très importante de la population donc il ne faut pas penser qu’on s’adresse à des individus mais à des guinéens, évaluer en pourcentage et en grand nombre parce qu’il y a eu des élections dans ce pays et on sait qui est qui et qui représente quoi ; donc cela doit être prise en compte. Je pense que des manœuvres de ce type doivent cesser, si c’est pour rendre justice on sait comment l’appareil judiciaire doit fonctionner mais s’il faut élaborer un agenda politique pour régler des comptes avec une couverture de l’appareil judiciaire, je crois que c’est une manœuvre que la Guinée n’a pas besoin.
Procès du massacre du 28 septembre 2009
Espérons que cette fois ci que ça marche, cet événement a heurté l’ensemble de l’humanité, je crois que la qualification a été faite d’ailleurs par le système des nations unies comme étant un crime contre l’humanité donc ça interpelle le monde entier. L’horreur du 28 septembre avec les viols collectifs, les tueries tout le monde a envie de savoir la vérité par rapport à ça. Heureux d’ailleurs que les personnes les plus citées n’ont jamais voulu se dérober de l’appareil judiciaire.
Interview réalisée par Al Hassan Djigué