Le président de l’UDRG, s’est exprimé ce jeudi 4 août 2022, sur les violences enregistrées lors de la manifestation du FNDC à Conakry.
Durant cette interview, accordée à un de nos reporters, Bah Oury a livré son analyse sur les manifestations, arrestations et tueries sur la route le Prince.
Le leader politique s’est également prononcé sur les arrestations des acteurs politiques et de la société civile, sans oublier les démarches de la CEDEAO pour une transition réussie.
Manifestations politiques en Guinée
Dans la logique politique, la manifestation dans un environnement légal est le dernier recours qu’il faut utiliser pour faire prévaloir soit vos revendications soit vos droits. Mais en Guinée, la manifestation est devenue le premier recours, il suffit que quelqu’un ne soit pas d’accord pour dire que je descends dans la rue et cela est devenue une rituelle et ça a banalisé le fait de dire qu’on manifeste en Guinée. Parce que c’est ça qui est le plus courant durant ces 10 dernières années. Deuxièmement, la nature de la manifestation politique a changé depuis pratiquement ces 10 dernières années également. A chaque fois c’est l’occasion que les citoyens soient vandalisés et on enregistre des blessés, morts, des personnes handicapées à vie. Donc si l’environnement est marqué par cette violation extrême au détriment des populations, lorsque, en tant que responsable social ou politique vous prenez la décision de dire que vous manifestez, je pense que vous faites une appréciation légère de votre responsabilité à l’égard de la population civile, parce que la responsabilité première de tout responsable c’est d’œuvrer dans le sens de l’intérêt général. Et l’intérêt général, c’est de faire en sorte que tout ce que vous faites n’impacte pas négativement la collectivité globale. Mais si à chaque fois qu’il y a ce genre de manifestation ce sont les pauvres citoyens qui en pâtissent le plus. Ce ne sont pas les dirigeants, sachez que vous êtes en train d’engager des attitudes contre-productives par rapport même à la cause que vous prétendez défendre.
Militarisation de l’axe (Autoroute le Prince)
Pourquoi c’est toujours l’axe ? Pourquoi l’axe est devenu le lieu de conflits de toute nature ? Il faut se poser la question, chercher avec une approche sociologique et politique pour déceler les failles et les raisons qui font qu’à chaque fois l’axe est le lieu où il y a les confrontations de nature violente au détriment des riverains, des populations qui habitent le long de cet axe routier. Parce que vous savez, il y a des gens qui ont investi leur épargne en construisant des maisons en essayant de les louer, de faire du commerce mais si à chaque fois le lieu est présenté comme un axe où il y a des troubles, il y a beaucoup de gens qui ont fait faillite alors qu’ils ont un patrimoine immobilier conséquent. Parce que l’axe est présenté comme un lieu qui n’est pas sûr et ça c’est au détriment des riverains qui ne méritent pas ça. Donc, il faut mener des enquêtes sociologiques, avoir une approche systématique. Il y a des réponses que nous avons, mais il est bon qu’une étude soit poussée pour déceler les failles et apporter des éléments de solution. Il y a beaucoup d’aspects mais moi je peux dire que l’origine de tout ça c’est la destruction de Kaporo-rails, des familles ont été jetées dans la rue, les enfants ont grandi sans toit, les parents se sont retrouvés du jour au lendemain dans la misère. Donc, elles n’ont pas pu permettre à leurs enfants d’avoir un confort minimum et c’est cette révolte qui a évolué et qui a progressivement pris des formes parfois claniques, parfois des déviances en termes de délinquance et aussi, il y a des politiciens avec de l’argent, essayent d’instrumentaliser une jeunesse désœuvrée qui a perdu ses repères au détriment de l’intérêt collectif
Cas de morts et arrestations pendant et après les manifestations
Ce qui est plus grave, c’est le cas des morts. On ne peut pas ressusciter un mort et parfois ce sont des jeunes gens à la fleur de l’âge ou des pères de familles qui laissent des orphelins et des personnes qui se retrouvent aujourd’hui dans une situation sociale d’une extrême fragilité. Ça mérite qu’on s’appesantisse là-dessus. Maintenant par rapport aux arrestations, il y a beaucoup de mineurs qui ont été arrêtés et je crois savoir que la plupart ont été relâchés. Lorsque vous êtes un responsable politique, vous prenez la responsable d’organiser quelque chose, de par les principes réglementaires il y a des conditionnalités qui vous engagent et à partir de ce moment-là, si cela vous engage, je pense que les uns et les autres sont appelés à répondre de leurs responsabilités et d’assumer cela devant la justice qui est compétente de juger ce genre d’affaire.
Menace de sanctions de la CEDEAO
L’idée d’organiser une manifestation, c’était sous prétexte d’accélérer ou de peser sur la feuille de route de la transition qui est en cours de discussion entre les autorités (CNRD, gouvernement, la délégation et le médiateur de la CEDEAO). Donc, il fallait laisser le temps à ces deux composantes de travailler et de trouver un accord, c’est ce qui est souhaitable, avant d’engager quoi que ce soit. Bref, ce qui est déjà fait est déjà fait. A l’heure actuelle les discussions continuent, on souhaite que cela débouche sur un accord le plus rapidement possible afin de clarifier la feuille de route de la transition et de permettre d’entrer dans une phase opérationnelle plus active parce que nous avons besoin de l’accord de la CEDEAO pour pouvoir coopérer plus largement avec la communauté internationale.
Entretien réalisé par Al Hassan Djigué