Le décalage est saisissant. La colère et l’indignation suscitées par le carnage qu’il y eu au stade du 28 septembre, il y a 13 ans, cèdent le pas à l’émotion et à l’empathie pour l’ancien Président de la junte quand il partait en prison, lui, qui est pourtant indexé comme étant le principal accusé dans le dossier. Ainsi va la vie
C’est ainsi dire que la plaie béante laissée par les agissements des forces de défense et de sécurité se referme progressivement, sans toutefois éroder la soif des Guinéens de voir la justice rendue.
L’ancien tout puissant et bouillant Président de la junte au pouvoir en 2009, le capitaine Moussa Dadis Camara a bien passé sa première nuit à la maison centrale de Conakry. Il devrait y cohabiter, si non trotter dans la cour, avec son ancien aide de camp, son ennemi juré Toumba Diakité, ainsi qu’avec d’autres détenus de moindre statut. Du statut de juge populaire qu’il s’était forgé, avec ses fameux dadishow, il est aujourd’hui réduit en un accusé dans le box qui se bat pour démontrer son innocence. La roue de l’histoire a tourné pour lui, avec une inversion de rôle pour l’homme.
L’ancien chef d’Etat au tempérament volcanique n’est pas allé seul dans sa nouvelle demeure à l’antipode des palaces dans lesquelles il a habité toutes ces années. Ses co-accusés, notamment Moussa Tiégboro Camara et Claude Pivi, dont les noms sont bien connus des Guinéens pour leurs excès pendant qu’ils étaient encore forts, au début de 2010, et même un peu au-delà, n’ont pu eux-aussi échapper à la prison. Eux qui sont restés à l’abri sous les ailes protectrices de l’ancien Président Alpha Condé, dont la volonté d’organiser le procès a été régulièrement mise en cause.
Par-dessus tout, c’est un pas de géant de franchi. Un gage de crédibilité et d’espoir pour les victimes.
Cela n’empêche de douter quant à la suite du procès, eu égard au lourd héritage du pays lié au fonctionnement de la justice et aux interférences régulières et impertinentes de l’exécutif.
Mognouma