Dans un entretien qu’il a accordé à la rédaction de Mosaiqueguinee.com, le leader du parti GECI n’est pas passé du dos de la cuillère pour dénoncer la routine dans la conduite de la transition guinéenne. Evoquant la mise en place d’un cadre de dialogue inclusif, Fodé Mohamed Soumah ne voit pas, dit-il, la volonté manifeste d’aller vers une entente entre les acteurs.
L’homme politique assure que » le dialogue ne se décrète pas mais il se vit « . A propos des dernières déclarations du président en exercice de la CEDEAO, Umaru Sissoco Embalo sur la durée de la transition ne devant excéder 24 mois, Fodé Soumah rappelle qu’il a toujours dit et opté pour une transition qui ne dépasse 18 mois. Le président Soumah a aussi évoqué plusieurs sujets qui défraient la chronique en Guinée.
Mosaiqueguinee.com : Dans un décret rendu public, le président de la transition a institué un cadre de dialogue inclusif, après l’échec des deux premiers, quel est votre lecture ?
Fodé Mohamed Soumah : C’est vous qui parlez d’échec alors que nous sommes dans la continuité de ce qui se fait et se dit depuis de longs mois. Je ne vois pas la volonté manifeste d’un cadre de dialogue politique réel et réaliste. Ce n’est pas demain la veille.
Le PM, Dr Bernard Goumou dans sa déclaration d’hier invite « Les Guinéens à compter sur lui pour matérialiser cette volonté ». Le PM peut-il faire bouger les lignes ?
D’autres l’ont dit avant lui et ils étaient de bonne foi. Le dialogue ne se décrète pas. Il se vit entre les acteurs attitrés autour de points précis qui appellent des efforts de part et d’autre. Pour ma part, je remarque que les actions dans ce sens ne se font sentir que par rapport aux rencontres programmées de la CEDEAO.
En marge de la 77ème AG de l’ONU, Umaro Cissoko Embalo, dans un entretien accordé à RFI/France 24 annoncé que la CEDEAO n’acceptera pas les 36 mois de transition ? Qu’en dites-vous ?
Ce n’est pas la CEDEAO seulement, mais de plus en plus de Guinéens en dehors du CNT qui n’était pas habilité à s’inviter pour fixer le terme de la transition. J’ai toujours déclaré qu’un délai raisonnable ne devrait pas dépasser 18 mois. Nous pourrions réviser la constitution existante en quelques jours comme au Burkina, ainsi que les listes électorales en un semestre maximum. Ensuite, il ne resterait que les 3 élections pour installer les institutions en un semestre également. Enfin, il y aurait une marge de 6 mois pour boucler la transition. Aujourd’hui, le recensement intégral qui impacte toute la population pour en ressortir le fichier électoral ne devrait pas être du ressort de la junte. S’il faut ramener la Guinée à une durée de 2 années comme partout ailleurs, elle partirait de quand puisque nous venons de boucler une année de gestion du CNRD ? Je ne souhaite pas des sanctions aux conséquences sociales, politiques, économiques, humanitaires qui seraient dévastatrices pour la cohésion nationale.
Après plus d’une décennie, le procès du massacre du 28 septembre est enfin programmé. Des avocats de Toumba assurent que le procès sera bâclé. Est-ce votre avis ?
La Guinée et le monde civilisé ont attendu longtemps ledit procès qui a entrainé un traumatisme profond dans la conscience collective. Mais au-delà de situer les responsabilités, ma préoccupation se résume en une seule phrase « plus jamais ça ! ». La violence et la mort ont été banalisées chez nous à cause de l’impunité. Il est temps que chaque citoyen sache qu’il a des droits, des devoirs, des obligations et des responsabilités. Si chaque Guinéen se dit qu’il est une partie de la solution, ce sera l’émergence d’une conscience citoyenne résumée par le slogan de la GéCi : un Guinéen nouveau dans une Guinée nouvelle.
Depuis, plusieurs mois les manifestations sont interdites en Guinée. Que faut-il faire ?
Manifester est un droit universel contenu dans la Charte. La junte a les moyens et les capacités d’encadrer toute manifestation, surtout en période transitoire où le discours rassurant est d’éviter les erreurs du passé pour changer l’ordre des choses. Aujourd’hui, la Guinée se retrouve sous le feu des projecteurs des organisations des droits de l’homme et de l’ONU. J’espère que les lignes vont bouger de part et d’autre pour le bonheur des populations qui croulent sous des difficultés multiples au quotidien. Ceux qui parlent d’une opposition qui ne pense qu’aux élections ou des partis en faveur de la junte se trompent. Il y a la classe politique dans son entièreté face aux autorités du moment. In fine, j’exhorte le gouvernement à préparer la rentrée scolaire imminente car rien ne bouge à ce niveau. C’est l’éternel rengaine de l’héritage lourd, du constat sans action et des vœux pieux.
Interview réalisée par Hadjiratou Bah