Dans un entretien qu’il a accordé à la rédaction de Mosaiqueguinee.com, Mohamed Tall, Directeur de Cabinet du Président de l’UFR évoque les sujets qui défraient l’actualité sociale et politique en Guinée. L’ancien ministre de l’élevage tance la junte militaire qui a fait chuter Alpha Condé et dénonce une gestion unilatérale de la transition par la force. S’agissant des sanctions contre les dirigeants du CNRD, Tall estime que la CEDEAO a une nouvelle fois accordé une chance aux militaires afin de rectifier le tir pour « des solutions consensuelles ». Et quant au bilan du CNRD, ce cadre du parti UFR est persuadé que « le pays est complètement plombé ».
Mosaiqueguinee.com : Comment expliquez-vous les sanctions prises contre la junte par la CEDEAO ? Quelle est votre réaction ?
Mohamed Tall: Depuis le coup d’Etat du 5 septembre 2021, la CEDEAO a fait preuve de beaucoup de retenue et de compréhension vis-à-vis du CNRD. N’oubliez pas que le premier délai annoncé par la CEDEAO relatif à la durée de la transition était de six mois. En dépit de nombreux efforts et rappels à l’ordre aussi bien en interne qu’à l’international, le CNRD s’est montré sourd et a, de manière constante, défié l’ensemble de la communauté internationale. C’est cette posture qui explique les propos injurieux tenus par le SG de la Présidence et le PM à l’encontre de la personne du Président en exercice de la conférence des chefs d’Etats. Ce faisant, ils oublient qu’ils insultent l’ensemble des chefs d’Etats de la CEDEAO. Je trouve très regrettable le comportement des autorités guinéennes dans la mesure où, en exigeant un retour rapide à l’ordre constitutionnel, la CEDEAO est totalement dans son rôle. Ai-je besoin de rappeler que l’une des principales missions de la CEDEAO est l’enracinement de la démocratie dans la sous-région afin d’en faire un espace de liberté et de prospérité économique. J’estime que le CNRD devrait abandonner l’idée de confiscation du pouvoir et arrêter de se cacher derrière des concepts aux contours mal maîtrisés et des chantiers qui prendraient plusieurs années voire plusieurs décennies. Le CNRD ne doit pas oublier qu’il n’a aucune légitimité pour parler au nom des guinéens et imposer de manière unilatérale leur vision. J’estime que la CEDEAO donne encore une chance au CNRD. Il appartient aux autorités guinéennes de se ressaisir et de proposer, d’ici un mois, un calendrier acceptable pour le retour à l’ordre constitutionnel.
Le quatuor ANAD-CORED-FNDC Politique et RPG AEC vient de rejeter la main tendue de la junte en dénonçant l’unilatéralisme du CNRD. Ne faut-il pas donner une chance au cadre de dialogue inclusif institué par le président de la transition et sous l’autorité du premier ministre ?
En réalité le décret fixant le cadre de dialogue ne répond pas du tout aux attentes des acteurs politiques et sociaux du pays. Une fois de plus, le CNRD, doit prendre conscience que n’ayant aucune légitimité, il est important pour la paix sociale mais également pour l’après transition que des solutions consensuelles soient recherchées pour conduire la transition et organiser des élections crédibles et apaisées. Malheureusement, le CNRD s’inscrit obstinément dans une logique de confrontation en voulant imposer ses points de vue par la force.
Plus d’une année après la prise du pouvoir par le CNRD, quel bilan dressez-vous de la conduite de la transition ?
Je crois que les faits parlent d’eux-mêmes. En un an, le pays a été complètement plombé. Le quotidien des guinéens est extrêmement difficile, leurs droits élémentaires sont bafoués, nous avons plusieurs détenus politiques, la liberté de la presse est menacée, les principaux leaders politiques sont en exil après avoir été dépossédés par la force de leurs résidences respectives… Je crois qu’avec tout ce que je viens d’énumérer, on ne peut malheureusement pas dire que le bilan est positif.
Interview réalisée par Hadjiratou Bah