L’élaboration d’une nouvelle constitution fait partie des questions essentielles de la transition guinéenne. C’est d’ailleurs une phase décisive dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel.
Dans un entretien accordé à notre rédaction ce lundi 27 février 2023 à ce propos Mamady Kaba a rappelé que la Guinée peine à s’inscrire résolument dans la dynamique de développement à la quelle aspirent ses populations et pour laquelle d’énormes sacrifices ont été consentis.
« Le pays a connu des transitions qui lui ont permis d’identifier des lacunes à combler, parmi lesquelles les voies et moyens durables par le biais d’une constitution écrite, ce qui n’est pas impossible », a rappelé en premier lieu, l’ancien président de l’institution nationale indépendante des droits humains qui pense qu’il est impérieux de « se référer à la charte de kouroukan fouga et d’autres textes fondamentaux comme ceux de l’Egypte ancienne ».
« Ainsi, il importe d’intégrer plusieurs éléments :
- La charte de kouroukan fouga qui, correctement exploitée peut enrichir la nouvelle constitution ;
- Les valeurs ancestrales africaines comme le cousinage à plaisanterie, les pactes de non-agression qui lient les groupes ethniques ;
- La pédagogie par les contes et les mythes », a-t-il proposé.
« Il faut noter la constitutionnalisation des mécanismes garantissant une interaction institutionnelle efficace et loyale ainsi que des procédures efficaces de désignation des ressources humaines devant meubler ces institutions », poursuit cette personne ressource au sein du conseil national de la transition qui ajoute qu’il faudrait nécessairement définir un modus operandi devant garantir une évaluation périodique du rendement et de la performance organisationnelle des institutions.
« La nouvelle constitution devra promouvoir des mécanismes qui garantissent l’égalité de tous devant la loi et les opportunités. Elle devra accorder une place prépondérante au respect des droits et des libertés fondamentales. Elle devra contenir des procédures rigides de sa propre révision ou changement et garantir que d’éventuelles modifications ne profitent point à leurs auteurs », souhaite-t-il.
Le président de la Ligue pour les droits et la démocratie en Afrique croit qu’en dépit du respect des libertés fondamentales, la nouvelle constitution doit pouvoir favoriser une répartition équitable des richesses créées par la nation et renforcer les mécanismes de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite.
« La nouvelle constitution devra faire de l’éducation civique et citoyenne des populations une condition essentielle de l’existence des partis politiques. La nouvelle constitution devra définir un mécanisme de répartition équitable des pouvoirs de sorte que les quatre régions naturelles du pays se retrouvent pleinement dans toutes les décisions nationales ainsi que les processus qui y mènent », estime-t-il.
Mamady Kaba trouve que le bicaméralisme semble être une bonne option pour élever le niveau de légitimité des décisions nationales.
« Le plafonnement du nombre des partis politiques pourrait réduire la polarisation ethnique et pousser les guinéens à travailler davantage ensemble. Un mécanisme de réduction considérable des pouvoirs du président de la république devra constituer une priorité de premier ordre dans la réflexion pour la nouvelle constitution », ajoute-t-il.
A travers la nouvelle charte fondamentale, le président de la LIDDA propose qu’on fasse en sorte que « l’institution nationale des droits humains puisse figurer en bonne place et avec un fondement qui lui garantit une indépendance et une efficacité renforcées et conforme aux principes de Paris »
De l’avis de Mamady Kaba, la nouvelle constitution doit également consacrer un organe de gestion des élections totalement à l’abri d’une quelconque influence.
Une protection efficace des défenseurs des droits de l’homme et des lanceurs d’alerte contribuera efficacement à la lutte contre la mal gouvernance et les travers sociaux, selon cet activiste.
« La nouvelle constitution devra promouvoir l’unité nationale en exigeant une langue et un alphabet locaux en moyens de communication et d’éducation nationale », a-t-il conclu.
Hadja Kadé Barry