Les données scientifiques actuelles signalent une hausse de la température moyenne mondiale de 1,2°C depuis le début de l’ère industrielle, ce qui prouve que la limite du réchauffement à 1,5°C d’ici 2100 fixée par l’Accord de Paris signé en 2015 semble inatteignable. D’autre part, la crise énergétique actuelle liée à la guerre en Ukraine conduit certains pays comme la France, l’Allemagne et d’autres pays européens à recourir de plus en plus à des sources énergétiques émettrices de gaz à effet de serre (le charbon et les autres combustibles fossiles). À terme, ce renversement d’attitude pourrait provoquer une augmentation en flèche du réchauffement de la planète. Il est donc devenu urgent de réinventer la façon dont l’énergie électrique est produite, mais aussi consommée.
Les pays qui dépendent du charbon ou du gaz comme principales sources d’énergie sont tenus de changer de rythme de consommation pour se conformer à leurs engagements, et à leurs responsabilités vis-à-vis des impératifs climatiques. Mais cette transition énergétique ne peut que s’opérer de manière échelonnée.
Énergie contre écologie en 2022
La guerre contre l’Ukraine déclenchée par la Russie depuis février 2022 pousse de plus en plus les pays européens dans une véritable impasse énergétique. Depuis le début de cette crise, la relance des centrales à charbon ou au gaz de schistes dans certains pays européens comme la France, l’Allemagne et d’autres pays devenus vulnérables vis-à-vis de l’approvisionnement en énergie se heurte à des contraintes climatiques et écologiques inédites. Un dilemme énergétique face aux changements climatiques !
En 2022, le cas du nucléaire en France était assez particulier car un grand nombre de centrales avaient été mises à l’arrêt pour cause de maintenance. Le système électrique français est encore soumis à une forte tension du fait de la hausse de la consommation hivernale et d’une production inférieure à la normale. De nouveaux modes de consommation sont mis en place pour faire face à cette situation. C’est par exemple le nouveau contrat Tempo du producteur historique EDF, qui propose à ses souscripteurs de réduire leur consommation entre 6h et 22h (sous peine de payer un tarif augmenté de 30%), avec en contrepartie une réduction de 25% pendant la nuit. Le gouvernement a par ailleurs lancé une campagne d’économie d’électricité avec le slogan « J’éteins, je baisse, je décale » qui fait écho au slogan des années 70 « En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ».
Le futur énergétique
D’après le rapport du Réseau de transport d’électricité (RTE), intitulé « Futurs énergétiques 2050« , de nos jours, la consommation d’énergie en France s’élève à 1600 TWh. La Stratégie française pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (SNBC) fixe à 40% la réduction de la puissance électrique consommée, soit une valeur de 930 TWh en 2050. L’étude précise qu’en France, environ 60% de l’énergie utilisée est d’origine fossile, principalement des produits pétroliers (de l’ordre de 40%), du gaz naturel (de l’ordre de 20%) et du charbon (moins de 1%).
Dans le même sillage, l’étude révèle que «Les scénarios de sortie du nucléaire dès 2050 (MO) ou fondés majoritairement sur le solaire diffus (M1) sont significativement plus onéreux que les autres options. ». Cette période est le deadline pour les pays de migrer à 100% vers les énergies renouvelables.
Dans son discours tenu, le 8 décembre 2020 devant un parterre de fleurons industriels chez Framatome au Creusot, le président Macron a réaffirmé sa volonté de faire du nucléaire l’une des principales sources d’énergies pour son pays, même si cette ambition est décriée par une partie de l’opinion. Par la même occasion, il retorque aux anti-nucléaires la faible émission de CO2 par le nucléaire. Il appuie ses arguments sur une comparaison des sources émettrices de CO2. ‘’Dans la production énergétique de 1 KWH, une centrale à charbon émet 1000g de CO2, contre 6g pour la centrale nucléaire’’, a lancé le locataire de l’Élysée.
Le nucléaire qui génère 41% de l’énergie en France constitue selon le président Macron, un facteur d’autonomie pour le pays. Trois facteurs fleurissent sur l’expansion du nucléaire : il détermine à la fois l’avenir énergétique, écologique, économique et industriel, mais aussi stratégique pour la France, explique dans son allocution de circonstance.
Un projet de loi sur l’accélération du nucléaire présenté par le gouvernement est d’ailleurs en débat au Senat depuis le 17 janvier. Pour Chantal Jouanno, ancienne présidente de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), puis secrétaire d’état chargée de l’écologie sous le gouvernement de François Fillon, s’exprimant chez nos confrères de Reporterre récemment : « Ce projet de loi accélère les procédures, mais n’emporte en rien la décision de construire ou pas de nouveau réacteurs. Le débat public, lui, met en débat l’opportunité de faire ou pas de nouveaux EPR. », remarque la présidente de la Commission nationale du débat public.
Mais le rapport de RTE, évoque clairement que « Quelle que soit la décision sur la relance d’un programme nucléaire, le système électrique reposera en grande partie sur les énergies renouvelables variables. Il devra non seulement gérer des cycles réguliers jours/nuits pour le solaire, mais également des variations de productions éolienne très importante à l’échelle d’une semaine, d’un mois, voire d’une année. Il s’agit d’un défi technique majeur. », mentionne-t-il.
Même sonne de cloche au ministère de la Transition écologique. Dans un rapport de 164 pages que nous avons consulté, intitulé ‘’Plan de programmation des ressources minérales de la transition bas carbone’’, édité en décembre 2020 par le Commissariat du développement durable, les conclusions sont en ligne avec le rapport de RTE.
Les éditeurs martèlent dans leur synthèse, que « La montée en puissance dans le mix électrique des énergies renouvelables non pilotables (éoliennes et panneaux photovoltaïques) constitue un changement de paradigme pour l’architecture du réseau électrique comme pour sa gestion opérationnelle, occasionnant un fort impact « matières ». Cette dimension « matières », qui ajoute à la complexité de la transition énergétique, est à cerner de près, car elle en détermine la réussite. »
Ils reconnaissent que « Les énergies renouvelables non pilotables posent deux défis au réseau : d’une part, la gestion de leur variabilité, et d’autre part, le raccordement des nouvelles installations et le transport de leur production vers les lieux de consommation. »
La décarbonation du système de production électrique, avec un abandon du charbon, du pétrole, et du gaz, devient un impératif pour la sauvegarde du climat. Au demeurant, le recours du nucléaire et les énergies renouvelables constitue une alternative de compensation du gap écologique. Ces différentes données doivent interpeller les nations, dont la France au premier rang, pour qu’elles redoublent d’effort pour préserver le climat.
Mamadou DIALLO, Journaliste
Étudiant en Master 2, Climat & Médias
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (France)