La semaine dernière, le président de la transition a procédé à la relance des travaux du projet Simandou, un des plus grands gisements de fer au monde.
Colonel Mamady Doumbouya avait d’ailleurs prévenu que si les travaux de ce gigantesque projet ne sont pas exécutés conformément au contrat, il le reprendrait.
Le directeur exécutif de l’ONG Actions Mine Guinée, a dans un entretien accordé à notre rédaction, abordé ce sujet. De la relance aux impacts, en passant par l’intérêt du projet chez les populations, Amadou Bah s’est voulu complet dans son intervention.
Lisez plutôt !
Relance du projet :
AB : La reprise des travaux de Simandou symbolise une sorte de dynamisme dans la mise en œuvre du projet et il y a eu des préalables qui ont été levés, notamment l’aspect accord-cadre entre les trois (3) parties Winning consortium Simandou et l’Etat guinéen et il y a la signature du pacte d’actionnaires. Le gros du boulot maintenant qui reste à faire c’est l’accord des différents plans de financement. Qui va s’engager ? A hauteur de combien pour financer le projet ? Comment ça va se faire ? Quelles sont les banques qui vont intervenir dans le financement du projet ? À quelle hauteur les sociétés mères vont financer le projet ? Est-ce qu’il y aura l’intervention de l’Etat guinéen dans les levés de fonds à travers la CTG ? Donc ce sont les questions-là qui restent posées sur la matérialisation du plan de financement pour que le pacte d’actionnaires entre en vigueur de façon pleine.
Son analyse sur ce projet :
C’est un projet important, en termes de flux financiers mais qui comporte des risques qui peuvent être jugulés à travers les pro activités de l’administration publique mais aussi de l’entreprise en termes de réparation des impacts à temps et de tenir compte des voix discordantes de la société civile, des communautés impactées pour que ces voix soient prises en compte dans la co-construction du projet. Ça ne doit pas être un projet coconstruit entre l’Etat et les entreprises mais entre l’Etat, les entreprises et les populations. Comme ça, on peut s’attendre à un projet responsable et si tel n’est pas le cas, il risque d’être un projet imposé aux communautés qui n’auront pas leur mot à dire. C’est pourquoi l’aspect consultation, information doit être au cœur de ce projet pour qu’il puisse être un projet responsable auprès des communautés.
Conséquences directes de ce projet sur les populations à la base :
Les impacts positifs du projet, c’est la génération de revenu pour l’Etat guinéen à travers le paiement des différentes dépenses et taxes par l’entreprise mais aussi au niveau local, en termes de construction pour le développement local et la création d’emplois, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’impact négatif. Les impacts négatifs seront aussi importants dans la mesure où c’est un projet qui traverse les 4 régions naturelles et s’approche d’une zone côtière, ça risque d’impacter les ressources halieutiques de la localité, impacter les pêcheurs qui vont avoir du mal à trouver du poisson et à accéder à une certaine partie où les installations portuaires seront mises en place et ça risque de créer une sorte de conflit entre les pêcheurs qui vivent de cette activité et les sociétés. Au-delà, il y a l’aspect compensation des terres et certainement beaucoup de personnes vont perdre leur moyen de subsistance et si des efforts ne sont faits pour rétablir ces moyens de subsistance en termes de compensation juste et de mesure d’accompagnement pour permettre aux populations qui perdent leurs terres de vivres mieux, ça risque de créer des impacts négatifs et d’accroître la pauvreté.
Impact environnemental :
A ce niveau, il y a l’aspect pollution, gestion de la faune, beaucoup d’animaux vont s’éloigner des villages parce qu’il y a le projet qui a un impact qui est un peu plus grand. Donc, ça risque aussi d’avoir des impacts sur l’écosystème global et surtout la biodiversité qui est très riche dans la localité parce que le projet traverse certaines parties qu’on peut appeler des aires protégées Donc avec toutes ces explications, le projet peut avoir des impacts environnementaux sérieux et qui doivent être surveillés de près pour que ces impacts ne soient pas plus importants que les impacts positifs en termes d’apport économique.
Regard des populations de zones traversées par ce projet :
Les populations sont enthousiastes, parce qu’on ne fait que les miroiter pour le moment les impacts positifs. Elles ne connaissent pas pour le moment tous les impacts négatifs parce qu’elles n’ont pas les études d’impact social et environnemental de l’ensemble des compartiments du projet. Elles n’ont pas les mesures contenues dans le projet pour comprendre que les impacts et les mesures apportés seront ceci ou cela pour mesurer réellement l’enjeu du projet. Donc ce travail doit être fait pour ne pas que les communautés soient surprises des impacts qui peuvent surgir pendant que le projet est en train d’être développé. Donc, il faut adopter cette approche proactive allant dans le sens d’informer, de consulter les populations sur les impacts sociaux, environnementaux et que ces impacts soient pris en charge par l’entreprise et contrôler par les instances en charge de l’application de la loi en la matière.
Mot de la fin :
Je voudrais demander aux autorités de renforcer les capacités des structures techniques en charge des travaux de la mise en œuvre de ce projet pour qu’elles soient performantes, afin de pouvoir répondre aux aspirations des populations.
Aux entreprises d’adopter les parties les plus responsables aussi pour informer suffisamment les populations, pour construire le projet avec elles, tenir compte de leurs aspirations légitimes et faire en sorte que leurs décisions impliquant les communautés soient suffisamment expliquées et que des impacts potentiels soient progressivement réparés en commun accord avec les populations.
Entretien réalisé par Al Hassan Djigué