L’année 2025 s’annonce en Guinée dans un contexte extrêmement lancinant et inquiétant. Loin de moi l’intention de jouer les cassandre ou de faire les oiseaux de mauvais augure, mais le sentiment qui se dégage chez nombre de guinéens aujourd’hui est que notre patrimoine commun pénètre dans une zone de turbulences. Que Dieu nous en garde. Amine !
La tension monte d’un cran entre le pouvoir et les acteurs sociopolitiques concernant la fin de la transition prévue, au regard des accords entre la CEDEAO et la Guinée, le 31 décembre à venir. C’est en cette même période d’incertitude et d’inquiétude, que je décide, à nouveau, de rompre le silence. L’idée n’est nullement de raviver une situation qui est déjà suffisamment impétueuse pour alarmer, mais plutôt d’inviter les autorités à repenser les questions de droits de l’homme et des libertés publiques : le sentiment d’insécurité et d’inquiétude gagne de plus en plus l’opinion guinéenne.
En effet, en cette période de fin d’année marquée par l’insécurité, l’incertitude et l’effroi dans notre pays, je voudrais profiter pour inviter les autorités à restaurer la confiance des populations en leur justice et à tuer en elles le sentiment d’insécurité et d’anxiété qu’elles ressentent du fait entre autres des enlèvements ou kidnappings de citoyens, de la recrudescence du grand banditisme et de la criminalité. À propos justement des rapts, la récente sortie du ministre de la justice et des droits de l’homme, Monsieur Yaya Kaïraba Kaba, qui affirme, avec certitude, que ces enlèvements ou kidnappings ne sont pas le fait des hommes en uniforme, donne le sentiment d’une fuite en avant. « Ces kidnappings, ces enlèvements, même les citoyens, les malfrats qui n’ont aucune liaison avec les armes ou l’armée, se camouflent dans des tenues et viennent commettre leurs forfaits, et on dit que c’est les militaires qui l’ont fait parce que, tout simplement, on a vu des tenues », a affirmé le ministre de la justice et des droits de l’homme. Étonnamment, le même ministre, au cours de cette même sortie, soutient que « des enquêtes sont en cours » pour élucider cette situation. Où est la logique ? Qu’en dira-t-on de l’enlèvement, en plein jour, de l’ancien dignitaire, Monsieur Sadou Nimagan, dans la zone la plus verte et numérisée de la Guinée (à quelques mètres du Palais Mohamed 5, à Kaloum ) ?
Monsieur le Garde des sceaux, sans parti pris, le constat qui se dégage des différents rapts de nos concitoyens, est que les profils sautent aux yeux. Ils sont : activistes non alignés sur la ligne de la gouvernance actuelle (Môfa Sory, féticheur-charlatan ayant prédit le glas du régime, Foniké Menguè et Bilo Bah, tous membres du FNDC, anciens dignitaires du régime passé et Marouane Dinguiraye Camara, journaliste très critique et acerbe vis-à-vis du régime actuel), avec pour exception l’opérateur économique, Monsieur Alassane Diallo, le seul à être kidnappé et relâché par ses ravisseurs dans des conditions non encore élucidées, après la mort d’un motard. A qui profite réellement le forfait ? Sans intention de tenir Paul ou Pierre pour responsable de ces atteintes graves aux dispositions de la Charte de la Transition relatives aux questions de droit de l’homme et des questions publiques, je soulève juste des interrogations.
D’ailleurs, si la situation de ces kidnappings était telle que l’a décrite le ministre de la justice lors de sa sortie, pourquoi ne publierait-il pas alors les résultats des enquêtes ayant abouti à cette conclusion prématurée qu’il a tirée ? À vrai dire, la sortie du ministre de la justice à propos de ces enlèvements, plutôt que de convaincre ou de rassurer l’opinion, en rajoute à la peur de celle-ci. La psychose se généralise de plus en plus. Évidemment, cette sortie du Garde des Sceaux soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Les résultats des enquêtes auraient dû précéder sa sortie pour mieux éclairer la lanterne des citoyens. En clair, quand on est à certain niveau de responsabilité, il faut faire très attention aux mots, au risque de mettre de l’huile sur le feu.
Jamais dans l’histoire de la Guinée, le peuple ne s’est aussi senti en insécurité. L’État doit rassurer les citoyens, en faisant véritablement de la justice « la boussole de la transition » comme promis, le 5 septembre 2021, en garantissant aux citoyens, conformément aux dispositions de l’article 8 de la Charte qui consacre les valeurs et principes devant guider la transition, les libertés et droits fondamentaux ainsi que leur exercice. Aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits humains et des libertés publiques. Nul besoin de rappeler ici qu’aux termes des dispositions de l’article 12 de la Charte de la Transition, les arrestations et détentions arbitraires sont interdites.
Par ailleurs, sans faire le prophète de malheur, il serait important aujourd’hui pour le pouvoir de désamorcer l’atmosphère sociopolitique qui reste préoccupante, en mettant en place un gouvernement d’union nationale et en permettant le retour de tous les exilés politiques ; bref, en allant à un vrai compromis, fruit du dialogue politique interguinéen. Également, à défaut de libérer les anciens dignitaires incarcérés depuis plusieurs années, les placer en résidence surveillée. Il ne sert à rien pour le pouvoir de continuer à retrousser les manches face à une situation bouillante, car la force et la coercition ont leur limite.
Pour terminer, mes pensées vont à l’endroit des activistes et journaliste enlevés qui, à date, restent sans nouvelle. J’espère que l’État prendra toutes les dispositions pour qu’ils regagnent, très prochainement, leur famille. Je profite également de l’occasion pour souhaiter joyeuses fêtes de Noël à nos sœurs et frères chrétiens et formule mes vœux de nouvel an à toutes et à tous. Que l’année 2025 comble nos espoirs. Comme on le dit souvent, pain et paix pour tous. Amine !
Sayon MARA