La 3ème édition du forum d’Émergence magazine s’est ouverte ce jeudi 20 février 2025 à Conakry.
Organisée par le magazine Emergence, cette activité est l’occasion pour les organisateurs et les invités, d’évoquer des sujets économiques et de soumettre des recommandations au gouvernement et aux entreprises.
Cette 3ème édition se tient sur le thème « Programme Simandou 2040 : quels enjeux pour l’économie guinéenne ».
Justement, cette thématique a fait l’objet du panel inaugural, auquel ont pris part d’éminentes personnalités dont l’ancien Premier ministre Kabiné Komara. Celui-ci, dans son intervention, a abordé de façon détaillée, les enjeux du programme Simandou 2040 pour l’économie du pays.
« Si vous avez un programme, vous n’avez pas de projet, vous n’avez absolument rien. Si vous avez un projet, vous n’avez pas de programme, vous naviguez dans le vide. La chance, dans un pays comme la Guinée, c’est que nous avons des atouts. Nous avons environ 300 km de côtes. Nous sommes différents du Mali, donc on n’a pas la même façon de faire le programme. Nous avons ensuite des rivières. Nous avons de l’eau. Nous n’avons pas de grand problème d’accès à l’eau. Nous avons une verdure. Nous avons la capacité de faire de l’agriculture. Nous avons des ressources minières à ne pas confondre avec la richesse. Tant que c’est sous terre, ce n’est que des ressources. Quand c’est exploité, ça devient maintenant une richesse. Quelles sont nos faiblesses ? Eh bien, notre niveau de formation est faible, nous n’avons pas conçu des activités claires pour pouvoir transformer toutes ces possibilités en richesses. Et nous n’avons pas de financement. Et c’est à ce moment-là qu’on prépare maintenant une liste de projets, secteur par secteur, pour pouvoir supporter notre programme. Mais pour cela aussi, c’est très important, il faut que, pour chaque secteur, vous avez préparé ce qu’on appelle une stratégie sectorielle. Très souvent, les gens se mettent dans la préparation des projets sans préparer une stratégie sectorielle. Si vous voulez industrialiser un pays et faire de l’agriculture, alors que vous n’avez pas de stratégie pour mettre en place des pistes rurales, vous perdez votre temps. Puisque pour accéder aux zones de production, il faut des routes, il faut des pistes rurales. Si vous voulez absolument faire de l’agriculture, la transformation industrielle sans énergie, vous perdez votre temps. Puisque vous allez produire des choses que vous ne pouvez pas transformer. Dans chaque secteur, il faut des stratégies et il faut que les stratégies soient complémentaires. Très souvent, c’est ce qui arrive dans notre pays. Souvent, on ne met pas de bonne stratégie ou alors, quand les stratégies sont mises en place, il n’y a pas de collaboration entre les différents ministères », a-t-il dit.
Évoquant le programme Simandou et tous les projets prévus, Kabiné Komara a fait des recommandations. Pour lui, il s’agit d’un choix stratégique qu’il faut vraiment prendre en compte pour éviter ce qui arrive souvent dans ce pays, c’est-à-dire bâtir des projets ou des infrastructures sans prévoir les coûts d’entretien.
« En Guinée, j’ai vu beaucoup de choses démarrer en disant on va faire tel nombre de kilomètres d’autoroutes sans suite. On n’a pas valorisé tout ça pour savoir combien ça va coûter, quelle est la capacité de génération des revenus, et ensuite, quand ça va être créé, comment les entretenir. Je rappelle aux Guinéens qu’une infrastructure est une chose, l’entretien est une autre chose. Le vrai investissement commence d’abord par l’entretien de ce que vous avez. Si vous n’entretenez pas ce que vous avez, ce n’est pas la peine d’investir, parce qu’après, quand ce sera investi, vous ne pouvez pas entretenir. Pour votre information, chaque fois que vous investissez dans les routes, il faut tous les ans prévoir 3% du coût de l’investissement comme prêt d’entretien. On doit prévoir ça dans son budget de fonctionnement, à ne pas confondre avec l’investissement. Chaque fois que vous investissez dans une école ou dans un centre de santé, il faut prévoir tous les ans 25 à 30% du coût de fonctionnement dans le budget de fonctionnement. D’où la nécessité de refuser certains investissements quand vous savez que quand ce sera terminé, vous ne pouvez pas l’entretenir. C’est extrêmement important ce choix stratégique. C’est pourquoi on fait beaucoup de choses, après tout se détruit, on dit, voilà, vraiment, dans ce pays, on investit, mais on abandonne parce qu’on n’a pas intégré ce qu’on appelle les charges récurrentes. C’est extrêmement important en concevant le programme Simandou, que nous soyons rationnels en pensant aux projets, mais comment l’entretenir pour qu’ils puissent continuer à générer les raisons pour lesquelles vous l’avez mis en œuvre », a-t-il lancé.
MohamedNana BANGOURA