En réaction aux révélations faites sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels par rapport aux différences très marquées entre le projet de constitution publié au Journal Officiel de janvier 2020 et la constitution résultant de la consultation référendaire du 22 mars 2020, un député du R.P.G Arc-en-ciel, en l’occurrence Monsieur Souleymane Doumbouya a fait un certain nombre de déclarations qui appellent des observations dans le but d’informer davantage les citoyens.
Il faut noter que ces déclarations sont à l’opposé de celles empreintes de prudence du Ministre de la Justice Garde des Sceaux qui s’est contenté de dire que «Le département est à pied d’œuvre pour vérifier d’où est venue cette erreur» et de promettre de «fournir à la presse toutes les informations sur ce qui s’est réellement passé à temps opportun».
Monsieur Doumbouya, quant à lui affirme, au sujet du texte constitutionnel «qu’il y a eu au moins deux ou trois moutures de cette constitution et qu’il y a eu une première mouture qui a été vulgarisée et a connu des amendements».
Il est superflu de rappeler que dans la rédaction d’un texte juridique, il peut y avoir une première, une deuxième voire une énième mouture. Tout le monde sait. Mais en fin de compte, il y a toujours une mouture finale qui est retenue après amendements et corrections.
En ce qui concerne l’élaboration de la constitution qui fait l’objet de cette discussion, il y a eu une première mouture qui a été rendue publique par le Bureau de Presse de la Présidence de la République avec les numéros de téléphone et adresses électroniques de personnes appartenant sans aucun doute à ce service.
Ce texte intitulé ‘’Projet de nouvelle constitution’’ et qui comporte 161 articles a été porté à la connaissance du public au lendemain de l’adresse à la nation du Chef de l’État à l’occasion de laquelle il a exprimé sa décision de soumettre un projet de constitution au peuple de Guinée suite à l’avis n° 002 du 19 décembre 2019 de la Cour Constitutionnelle.
Par la suite, le Ministère de la Justice a édité une petite brochure intitulée ‘’Projet de Constitution’’. Ce projet qui comporte 157 articles a dû tenir compte de plusieurs observations, critiques et suggestions concernant le document qui a été publié par le Bureau de Presse de la Présidence de la République. Celui-ci comportait en effet plusieurs incohérences et insuffisances.
Aux termes de l’article 8 de l’Ordonnance N° 001 du 29 janvier portant dispositions relatives au référendum ‘’le projet de loi référendaire’’ est publié au Journal Officiel de la République. Il doit faire l’objet d’une vulgarisation dans les organes de presse de l’État». C’est sans doute par application de cette disposition que le projet contenu dans le document édité par le ministère de la Justice a été publié dans le numéro spécial de janvier 2020 du Journal Officiel de la République. Tél est le document qu’il fallait donc considérer comme la mouture finale destinée à être soumise au référendum. L’insertion de ce texte dans un numéro spécial du Journal Officiel de la République est la preuve qu’il s’agit d’un document très officiel. Et pour renforcer le caractère dudit document, chacune de ses pages est paraphée et comporte le cachet du Ministre de la Justice Garde des sceaux. C’est la seule version du texte qui a d’ailleurs été présenté de cette manière.
Ce projet commence par la formule suivante:
«Projet de Constitution
Le Président de la République,
Conformément aux dispositions de la Constitution du 07 mai 2010, soumet au référendum le Projet de Constitution dont la teneur suit:»
Dès lors, qu’il y ait eu mille et une moutures du projet de Constitution, la seule mouture qui fait
foi est celle qui été publiée au «J.O Spécial Janvier 2020».
C’est ce projet qui a été soumis au référendum du 22 mars 2020 et adopté à une large majorité selon la CENI.
C’est malheureusement ce texte qui est différent de celui qui a été publié en tant que Constitution de la République de Guinée dans le numéro spécial du 14 avril 2020.
Aucune argutie juridique ne peut effacer cette réalité. Tout Guinéen, qu’il soit juriste, acteur politique ou de la société civile, citoyen tout court intéressé par la res publica, est à même de relever les contradictions parfaitement identifiables sur certaines dispositions entre le projet adopté et le texte publié au Journal Officiel de la République.
Certains juristes ont même dressé un tableau comparatif et très illustratif sur la question. Il n’y a aucune déclaration tendancieuse sur le sujet. Ce sont des faits rien que des faits.
Sur la question particulière de la candidature indépendante, le fait est que cette possibilité qui avait été ouverte par l’article 42 du projet de constitution a totalement disparu de l’article 42 de « la nouvelle constitution » telle que publiée au Journal Officiel de la République. Le nouvel article 42 est rédigé dans des termes presque identiques à ceux de l’article 29 de la Constitution du 07 mai 2010 en ce qui concerne le monopole des partis politiques en matière des candidature à l’élection présidentielle.
Ce sont là des éléments objectivement constatables. Ce ne sont pas seulement des déclarations émanant des « avocats tendancieux du FNDC».
Me Mohamed Traoré, avocat inscrit au barreau de Guinée