En 2016, l’opposition organise une campagne de sensibilisation en faveur des élections communales et communautaires et fait le tour des maisons de jeunesse de la capitale. Un jour, elle arrive à Hafia dans la commune de Dixinn. Non loin du lieu de rassemblement, je viens écouter son discours. Premier meeting politique de toute ma vie ! J’ai peu apprécié les discours et plus agréé l’idée que les élections communales et communautaires devaient être transparentes. L’idée était juste et la démarche noble. Je me reconnais dans tout ce qui est pacifique.
Ce jour-là, un jeune homme m’a intéressé, il recensait les noms de ceux qui s’intéressaient à leurs campagnes. Il se dévouait à sa mission. Je me suis dis : quel intérêt a-t-il à vouloir recenser ce grand monde ? Arrivé à mon niveau, moqueur et surtout d’humeur acariâtre, je lui ai dit : « Rien de cela ne m’intéresse et je ne veux pas qu’on m’inscrive sur votre liste. Je ne veux pas. » Je m’attendais à ce qu’il fût désagréable. Il ne l’a pas été. Il a fourni une bonne excuse et m’a dit : « Vous êtes si direct que je veux votre contact, pour moi-même. Acceptez de me le donner ! » Il se présenta à moi. « Je suis Mohamed Bakary Kéita, Secrétaire général du Conseil National des Jeunes de l’UFDG », me dit-il. Ayant tenu la promesse de ne pas m’inviter à leurs réunions politiques, nous avons échangé les contacts. Par la suite, il a été attachant et à chaque fois, il me disait : « Viens avec nous à l’UFDG. » Ma réponse était invariablement : non. Je n’ai pas le temps pour les réunions et encore moins l’énergie pour haranguer les foules. J’aime la liberté et je ne veux pas la perdre. La politique n’est pas un monde qui me convient.
Une fois, j’ai voulu le prendre en défaut dans ses propos lorsque, ayant décidé de distribuer nos tracts contre la réforme constitutionnelle, je lui ai dit de les faire lire par d’autres citoyens. Son parti est du FNDC et nous autres avions une approche opposée à celle de cette entité. J’ai été favorablement surpris quand il a fait photocopier plusieurs exemplaires et s’est employé lui-même à les distribuer aux gens. S’il n’avait pas agréé nos approches pacifiques, il ne l’aurait jamais fait. Cet homme que j’ai connu est humble, courtois, honnête, engagé, mais foncièrement pacifique.
Il se faisait toujours accompagner de son assistant qui admirait nos conversations. Ce dernier était pointilleux, attentif et taciturne. Il n’était pas un zélateur. Bien qu’il fût un immense gaillard noir et musclé, il était doux dans ses rapports avec autrui et est affable. Tel est Amadou Diogo Barry. Il est enseignant et un homme pondéré. Il m’a toujours parlé de ses élèves et aussi de sa passion pour l’enseignement. A chaque fois que j’ai eu l’occasion de rencontrer Diogo, nous avons parlé de nos passions communes : enseignement, mathématiques et lecture. Il m’a toujours dit qu’il ressentait une grande joie quand il était face à ses élèves.
Le 3 mars 2020, alors qu’il était en compagnie de l’honorable Mohamed Bakary Kéita, il a été arrêté et déféré deux jours après à la maison centrale de Conakry. Que lui a-t-on reproché ? Pourquoi a-t-il été interpellé seul ? Peut-être aurait-il été quitte s’il avait été député. Certaines langues disent qu’on lui aurait arrêté pour porter un coup dur à son parti et l’amener à dénoncer les agissements de ses responsables alors inatteignables parce qu’ils jouissaient de l’immunité parlementaire. Loin de moi l’idée d’accréditer une rumeur, je me pose des questions sur son cas. Je ne comprends toujours pas que cela soit arrivé à lui. Lui qui a toujours eu des idées justes et pacifiques !
Depuis son arrestation, je n’ai jamais rien dit. J’attendais de savoir ce qu’on lui reproche. Jusqu’à maintenant je n’en sais rien. Dans les médias, on ne l’évoque jamais. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’il ne s’est jamais fait connaître à travers les médias et surtout qu’il ne nous cassait pas les pareilles à travers ces expressions immatures prononcées par les jeunes à la quête de lumière dont les dires donnent l’air de preux. Tous les autres prisonniers dont on cite les noms à travers les médias, à longueur de journée, l’y ont trouvé. Amadou n’a jamais été jugé. Il a été présenté une seule fois devant le juge d’instruction. Pourtant depuis le 5 mars, il croupit en prison.
Cet homme a un état de santé fragile. Je ne peux pas préjuger de ses conditions de détentions n’ayant jamais été lui rendre visite. Seulement, la prison brise et casse le moral qui permet au corps de résister aux maladies. Pourtant, il est cacochyme. Une longue détention sans procès est affligeante. Je crains que son état de santé se dégrade et qu’il lui arrive un mal avant même que sa culpabilité ne soit établie. L’absence de nouvelles en faveur de sa libération affole sa femme, sa famille et, tout cela l’affecte. L’idée qu’il n’ait pas été capable de finir ses programmes alors qu’il tenait une classe d’examen, de terminale mathématiques au lycée Bonfi, devrait à l’affecter connaissant sa passion pour l’enseignement et son désir immodéré de contribuer à la réussite de ses élèves. Je plaide à ce que cet enseignant soit libéré au même titre que les autres prisonniers politiques. Cela réchauffera les cœurs de leurs familles à cette approche de la Tabaski. Et, aussi, sera un acte en faveur de la quiétude sociale et de la paix et par-dessus tout du dialogue politique auquel nous appelons de tous nos vœux.
Ibrahima SANOH,
Citoyen guinéen, Président du Mouvement Patriotes pour l’Alternance et le Salut.