Le corps de M’Mah Sylla a été rapatrié à Conakry le mardi 23 novembre après sa mort dans une clinique de Tunis qui n’a pas réussi à la sauver à la septième intervention chirurgicale. La jeune femme, endormie, violée puis charcutée lors d’avortements sans succès, par des médecins, sera inhumée ce mercredi 24 novembre 2021. L’affaire qui a été judiciarisée a permis l’arrestation et l’inculpation de deux médecins et d’un guérisseur, un quatrième présumé auteur est en fuite. L’ordre des médecins s’est constitué partie civile dans le dossier. Son avocat brise le silence dans cet entretien qu’il a accordé à la rédaction de mosaiqueguinee.com. Me Mohamed Traoré répond aux questions du directeur de publication de votre quotidien en ligne, Mohamed Bangoura
Mosaiqueguinee.com : Me Mohamed Traoré, vous êtes l’avocat de l’Ordre des médecins dans l’affaire M’Mah Sylla, mais on ne vous entend pas. Pourquoi ?
Me Mohamed Traoré : Je voudrais tout d’abord présenter mes très sincères condoléances à la famille et aux proches de M’Mah Sylla ainsi qu’à tout le peuple de Guinée et prier pour le repos de son âme. Je précise d’entrée de jeu que je suis l’avocat de l’Ordre des médecins depuis quelque temps. Je l’assiste en terme de conseils et je suis à ses côtés en cas de besoin dans les juridictions. C’est donc à ce titre que le Président dudit Ordre, le Professeur Hassan Bah, m’a demandé de prendre en charge ce dossier. Cela précisé, et pour répondre à votre question, j’ai effectivement décidé de garder le silence car face à cette tragédie, le silence et le recueillement ne sont pas forcément une mauvaise chose. Cette affaire est si grave que je suis sans mots. Nous avons tous des filles, des sœurs, des cousines, des nièces et même de simples connaissances de sexe féminin, nous pouvons aisément imaginer l’ampleur de la douleur et du chagrin si cela arrivait à l’une d’elles. C’est le genre de tragédie qui vous déchire le cœur.
Mosaiqueguinee.com : Selon vous, pourquoi l’Ordre des médecins s’est constitué partie civile dans cette affaire ?
Me Mohamed Traoré : L’Ordre des médecins, comme son nom l’indique, est un Ordre et donc une personne morale qui peut ester en justice comme tout ordre professionnel. Depuis le début de cette affaire, la profession médicale est sous les projecteurs, pas de façon positive malheureusement. Ils sont nombreux ces citoyens qui, sans aucune nuance, incriminent les médecins. Or, comme l’a dit le Professeur Hassan Bah, tout le corps médical est consterné et sous le choc. Au-delà de la mort tragique de M’Mah Sylla, c’est l’honneur de ce corps qui est souillé par le comportement de personnes dont on n’est même pas sûr qu’elles appartiennent à la corporation des médecins. Dieu sait qu’il y a des médecins qui font honorablement leur travail et dans le strict respect de leur serment. C’est un coup dur pour la majorité des médecins de se voir stigmatisés indistinctement par la faute présumée de tiers. C’est pour toutes ces raisons que le corps médical, à travers l’Ordre des médecins, a décidé d’être partie à cette procédure afin de laver son honneur et de démontrer à l’opinion publique nationale et internationale qu’il ne peut pas accepter en son sein des individus dont les agissements sont aux antipodes du serment d’Hippocrate, au risque d’être taxé de laxisme ou de complicité.
Mosaiqueguinee.com : Comment évolue la procédure ?
Me Mohamed Traoré : Pour l’instant, l’instruction suit son cours normal. Malheureusement, je ne peux pas en dire davantage en raison du caractère secret de l’instruction. En tout cas, j’ai confiance au juge d’instruction qui a été saisi. Je suis convaincu qu’il conduira cette procédure jusqu’à son terme, sans céder ni à la pression ni à l’influence de qui que ce soit.
Mosaiqueguinee.com : Quel message avez-vous à lancer dans ce dossier ?
Me Mohamed Traoré : Je voudrais paraphraser la ministre de la Justice, en disant qu’il faut laisser la justice faire son travail. C’est la seule manière de favoriser la manifestation de la vérité et de rendre justice à M’Mah Sylla. Cette affaire a suscité une vive émotion à travers le pays. Mais il y a un temps pour l’émotion et un temps pour la sérénité nécessaire à l’œuvre de justice. Il ne faut jamais oublier que l’émotion et la recherche de la vérité ne vont pas de pair.
Interview réalisée par Mohamed Bangoura