Quelques jours après l’assassinat du jeune candidat au BEPC à Hamdallaye, le parquet général a inculpé plusieurs agents notamment l’adjudant-chef Moriba Camara déjà placé sous mandat de dépôt, à la maison centrale de Conakry pour meurtre.
La Nouvelle réjouit bon nombre de leaders d’opinion qui estiment que c’est un bon départ, compte tenu des manquements constatés ces dix dernières années, dans le domaine des droits humains en Guinée.
Pour avoir la grille de lecture de Tierno Monénembo à ce propos mais aussi son point sur la manifestation annoncée du Front National pour la Défense de la Constitution, un de nos reporters a interrogé le célèbre écrivain romancier guinéen, ce mardi 14 juin 2022.
Lisez plutôt !
Mosaiqueguinee.com: Tierno Monénembo, plusieurs mois après le renversement d’Alpha Condé, les manifestations de rue refont surface. Le Front Anti 3ème mandat qui se montre insatisfait du déroulement de la transition annonce une marche le 23 juin prochain, dans le but de se faire entendre? dites-nous ce que vous pensez de cette démarche ?
Tierno Monénembo : Cette manifestation est nécessaire, elle est légitime. Le peuple a droit d’exprimer sa colère surtout en période de dictature. C’est avec un enthousiasme sans borne que j’y participerai. C’est avec ma fibre de patriote que j’y invite les guinéens à déferler dans les rues ce jour-là pour dire non à Mamadi Doumbouya et à sa junte d’arrivistes. La dictature militaire, nous devons l’écraser dans l’œuf. C’est maintenant, tout de suite que nous devons réagir. Demain, ce sera trop tard.
À votre avis la Guinée a encore besoin de telles stratégies qui ont endeuillé de nombreuses familles dans un passé récent ?
C’est le sang des martyrs qui irrigue le cours de l’histoire. Les peuples n’ont pas d’autre solution que de marcher pour défendre leurs droits ou alors de prendre les armes quand tous les recours pacifiques sont épuisés. C’est comme ça partout et de tout temps! Mourir pour la liberté n’a rien de honteux. Ce qui est ignoble, c’est de tirer sur la foule. En tout état de cause, le droit de marcher est un droit inscrit dans la Constitution (et c’est un droit naturel même quand la Constitution est suspendue). Le droit de tuer, lui, n’est inscrit nulle part. Mais c’est vrai qu’on est en Guinée où depuis toujours, l’État s’arroge le droit de tuer qui il veut. Si nos dirigeants avaient un minimum d’humanisme, ils auraient maintenu l’ordre avec des balles en caoutchouc, des grenades lacrymogènes et des lances à eau. Mais non, ils tirent à balles réelles : ils ont soif de sang, ils ont faim de chair humaine.
Autre chose, c’est la promptitude du parquet général au lendemain de la mort du jeune Thierno Mamadou Diallo candidat au BEPC à Hamdallaye. À seulement quelques jours du drame, le procureur Charles Wright et son équipe ont pu appréhender et inculper les présumés auteurs de ce crime. Une première depuis une dizaine d’années. Comment vous accueillez cette nouvelle ?
Quand les bonnes nouvelles sont rares, on fait la fête, à la première venue. Malheureusement, une seule hirondelle ne fait pas le droit. La justice guinéenne a un himalaya de péchés à se faire pardonner. Tout cela n’est qu’un début, un tout petit début, le reste viendra si le peuple crie, si le peuple tape, si le peuple marche, s’il exige qu’on respecte ses droits.
Est-ce que cette promptitude prouve que la justice guinéenne est bel et bien capable de traiter l’ensemble des dossiers liés aux crimes de sang commis sous le règne d’Alpha Condé ?
C’est tout le mal que l’on souhaite au pays. Hélas, les habitudes ont la vie dure. Les mauvaises habitudes du passé ne partiront pas du jour au lendemain d’autant que malgré ses beaux discours, le système m’a l’air violent et mal intentionné. C’est l’égo familial et le ressentiment personnel qui guident chacun de ses actes. On n’est pas sorti de l’auberge. Mamadi Doumbouya, c’est le pouvoir militaire parfait : impulsif, arrogant et brutal.
Entretien réalisé par Hadja Kadé Barry