La pratique de l’excision reste toujours ancrée dans les traditions en Guinée. Plusieurs milliers de femmes guinéennes ont subi la pratique, en dépit du fait qu’elle soit interdite par la loi et passible des peines d’emprisonnement grave.
La maison des jeunes de Forécariah a servi de cadre, le samedi 27 août 2022, à une session d’échanges et de partage d’expériences intitulée « Dialogue Intergénérationnel sur l’abandon des mutilations Génitales Féminines » entre les communautés notamment les jeunes filles et les sages de la localité. L’activité est placée sous le signe l’excision est un crime.
C’est une initiative du club des jeunes filles leaders de Guinée en collaboration avec Mafubo Guinée (Women Empowermen and Networking), financée par l’agence directrice des Nations Unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive, l’UNPA.
L’activité s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des engagements du gouvernement pris lors de conférence internationale sur la population et le développement de Nairobi (CIPD+25) en ce qui concerne la lutte contre les mutilations génitales féminines.
Dans son allocution de bienvenue, le secrétaire général chargé des collectivités décentralisées par intérim, Karamoko Oularé, a indiqué que malgré les sensibilisations, les mutilations génitales féminines persistent encore. D’où la main tendue des autorités administratives aux partenaires afin d’accroître le processus de sensibilisation des populations pour dit-il : « freiner cet état de fait. La venue de ces organisations nous va vraiment droit au cœur » a-t-il déclaré.
Il aussi exhorté les autres organisations à œuvrer dans ce sens et encouragé le partenaire financier l’UNFPA pour son appui constant à l’endroit des communautés.
De son côté, la responsable programme du club des jeunes filles leaders de Guinée, Oumou Khaïry Diallo a souligné qu’il s’agit d’une activité qui s’inscrit dans le cadre de l’accompagnement du gouvernement dans l’atteinte des engagements qu’il a pris lors de la conférence de Nairobi, au cours de laquelle la Guinée avait ratifié 13 engagements dont les mutilations génitales féminines.
« Nous avons pensé que la pratique de l’excision ne date pas d’aujourd’hui et pour que nous l’abandonnions, il faut que nous fassions appel à nos sages, nos autorités pour qu’ils nous partagent les expériences du passé. Il y a de bonnes pratiques dans le passé que nous pourrons reconduire avec les réalités du présent et frayer un avenir meilleur pour les jeunes filles mais il faut qu’ils nous disent ce qu’il faisait avant. Avec l’évolution des réalités, de la science, de la technique et de la technologie, l’excision n’est pas adaptée, ce n’est pas une bonne chose, elle n’est pas bonne c’est une atteinte aux droits de la jeune fille », a-t-elle déclaré.
Oumou Khaïry Diallo a ajouté qu’il est impératif de bannir l’excision tout en conservant les valeurs traditionnelles qui l’entouraient. « Il y avait une éducation qu’on enseignait aux enfants pendant la période de l’excision. Il faut arrêter l’excision, l’ablation, les mutilations. Mais conserver l’éducation pour que nous atteignions l’objectif d’émancipation de la jeune fille », a-t-elle lancé.
Face aux jeunes filles de la localité présentes à cette occasion, les sages (les anciens), constitués de religieux, de femmes leaders d’opinion, de médecins et notabilités, sont tour à tour revenus sur la genèse de l’excision qui selon eux concouraient à l’éducation et à l’émancipation de la jeune fille dans la société. Ils ont précisé que c’est après que la fille ait atteint l’âge d’aller en mariage qu’elle subissait la pratique suivant les règles de la tradition.
Les panelistes ont toutefois déploré les changements qui ont été opérés dans l’application de la pratique, le fait que ce sont les tout-petits qui la subissent.
Pour eux, c’est ce qui est aujourd’hui à l’origine des maladies sexuellement transmissibles, des grossesses non désirées, des complications à l’accouchement, du saignement de certaines après l’excision conduisant à la mort, des règles douloureuses. D’où la nécessité d’abandonner la pratique.
Le secrétaire administratif des affaires religieuses de Forécariah El hadj M’Bemba Soumah, estime qu’on accuse à tort l’excision. D’après lui le problème des filles se trouve ailleurs : « (…) on n’éduque plus nos enfants, ils sont à l’abandon. Les parents doivent éduquer et encadrer les enfants dans l’intérêt de la société », souligne-t-il.
Il a cependant condamné le fait d’exciser la fillette, 18 mois ou deux ans après sa naissance.
Après le dialogue Intergénérationnel, les deux structures vont partir sur le terrain pour une sensibilisation de masse de la communauté. Des boîtes à image avec des messages portant sur les mutilations génitales féminines seront utilisées par l’équipe. Les marchés, les points de rencontre seront les zones concernées par cette deuxième étape.
Alhassane Fofana