Après plusieurs mois de souffrance endurée dans le silence et la résilience espérant que leur situation allait revenir à la normale, les un millier de travailleurs des médias fermés ont finalement décidé de briser le silence. Ils prennent la parole avec des témoignages inédits des pères et mères de familles dont la dignité et même la survie sont menacées sous l’effet de leur incapacité à faire face aux charges familiales.
Le SPPG commence une série de publications de ces cris de détresse qui mettent en exergue les conséquences de cette décision de fermeture de médias sur la vie de nombreux innocents et celle des personnes qui dépendent de leurs revenus.
Vous avez ci-dessous, le témoignage de Djibril Kaback CAMARA du groupe HADAFO Médias.
Je suis en chômage forcé, sans jamais avoir compris pourquoi. Je n’ai pas volé dans mon entreprise, je n’ai pas abandonné mon poste, et je n’ai commis aucun acte compromettant qui justifierait une telle sanction. Je faisais simplement mon travail, comme chaque jour, assis dans la salle de rédaction, lorsque le directeur des ressources humaines est entré, grave, pour nous annoncer que l’entreprise était désormais interdite de fonctionner.
L’ordre vient de l’État, disait-il. Ce matin-là, mon cœur a chaviré, ma vie a basculé.
Depuis ce jour, mon corps n’a plus jamais retrouvé son état d’avant. Comme si on m’avait arraché quelque chose d’essentiel. Aucun motif ne m’a été donné, juste le silence, lourd, injuste.
Aujourd’hui, je lutte pour survivre. Chaque jour est une bataille silencieuse. Je peine à nourrir mes enfants, à payer leurs frais de scolarité. Lorsque la maladie frappe, je suis impuissant, incapable de faire face. Le loyer s’accumule, l’eau et l’électricité menacent d’être coupées. À chaque instant, je ressens la douleur de l’impuissance d’un père face aux besoins de sa famille.
Mes parents, eux, sont vieux et fragiles, usés par l’âge et les maladies qui l’accompagnent. Mais que puis-je faire pour eux, moi qui n’ai plus rien ? Parfois, je passe des journées entières sans rien manger, la gorge serrée, la tête pleine de questions sans réponses.
J’ai pris mes dossiers, parcouru les rues, frappé aux portes. Mais partout, le même regard, la même réponse : je suis perçu comme un ennemi, un membre d’une équipe marquée, bannie. Pourtant, je ne suis qu’un travailleur, un homme qui demande juste le droit de vivre dignement, de subvenir aux besoins de sa famille.
Ils disent que “tous les Guinéens sont égaux en droits”. C’est l’article 1 de notre constitution, la promesse de notre pays. Mais cette promesse ne concerne pas tout le monde. Elle ne concerne que ceux qui veulent accéder au pouvoir. Moi, je n’ai pas cherché le pouvoir. J’ai juste voulu faire mon travail, gagner ma vie honnêtement, et offrir un avenir à mes enfants.
Aujourd’hui, je me sens oublié, comme tant d’autres. Mais mon silence n’est pas un consentement. Ma douleur est celle de milliers d’autres voix qu’on refuse d’entendre. Car personne ne mérite que son droit au travail, sa dignité, et son espoir soient arrachés sans raison.
Le médecin est formé pour soigner.
La police et la gendarmerie sont formées pour sécuriser les personnes et les biens.
Le militaire est formé pour défendre la nation.
Les avocats sont formés pour maintenir la justice.
La presse, elle, est là pour informer, éclairer, et servir de pont entre le peuple et la vérité.
Chaque métier a sa mission, sa raison d’être. Lorsque chacun accomplit son rôle avec intégrité, la société avance, la confiance s’installe, et la nation prospère.
Djibril Kaback CAMARA du groupe HADAFO Médias