Il est bien de réclamer son droit, mais à un certain moment, il faut savoir lâcher du lest. Vous avez demandé à ce que Aboubacar Soumah soit reconnu, il l’a été officiellement puisque le Chef de l’État a accepté de le rencontrer. On a tous vu la gêne du Président face à l’homme. Pire que ça, il a mis en place un comité de négociation dans l’immédiat. Parmi les membres de ce comité, Aboubacar Soumah a dit faire confiance à Tibou Camara. Durant ces pourparlers, la suspension du salaire de Soumah a été levée, cela était l’une de vos revendications. Dans le paiement des premiers 10% les retraités ont été pris en compte et pour les 30 autres pour cent, le gouvernement a écourté l’échelonnement, au lieu de deux ans, il a été ramené à 8 mois, à savoir : 10% à la fin du mois de mai, 10% en fin novembre et 10 autres pour cent en janvier 2019. Si c’est une démonstration de force, vous l’avez fait, vous avez poussé le gouvernement jusque dans son dernier retranchement. Le Président est allé jusqu’à prononcer des discours dans lesquels on a senti son amertume et sa déception vis-à-vis de certains de ses cadres. Il a annoncé des réformes. Cet aveu d’impuissance devrait vous interpeler, on ne tire pas sur une ambulance.
La question que je veux vous poser est de savoir, quelle est la concession que vous avez faite depuis l’entame ? Rien du tout. On ne va pas à des négociations en étant catégorique. Je comprends vos souffrances, je comprends vos ressentiments, mais quand on lance un mouvement et qu’on constate qu’il prend d’autres tournures, le mieux que l’on puisse faire, c’est d’être responsable en prenant des décisions courageuses au nom de la paix.
Tous ceux qui vous encouragent à poursuivre la grève ne sont pas forcément pour votre bonheur, au contraire, vous faites leurs affaires.
Sinon parlant de votre assemblée générale, le samedi, à vrai dire je n’y ai rien compris. Vous êtes à l’étage et au rez-de-chaussée étaient arrêtées des centaines de personnes assez surexcitées que vous appelez la base. Mais dites-moi, comment savoir dans ce tohu-bohu qui est enseignant et qui ne l’est pas ? Qu’est-ce qui nous dit qu’il n’y avait pas d’infiltrés, des personnes mandatées juste pour vous encourager à continuer la grève. Avez-vous recensé tout le monde? J’ai senti que les leaders syndicaux ont envie d’arrêter cette grève, mais ils préfèrent se référer à une base dont la composition n’est pas saine, elle est assez douteuse.
Autre chose, c’est la comparaison que vous faites avec les ministres, un enseignant a certes droit à une vie descente, mais n’oublions pas que dans aucun pays du monde, un enseignant ne vit mieux qu’un ministre. Ses avantages et ses privilèges, sont des choses auxquelles il a droit. Même si Aboubacar Soumah devient ministre demain, son train de vie changera. Je peux donc comprendre qu’on dénonce les gabegies financière, les détournements de deniers publics par des hauts cadres, ou encore la diminution du train de vie de l’État, mais pardon, il ne faut pas les jalouser.
Et puis le contexte dans lequel intervient cette grève est très risqué. Nous sommes en pleine crise post- électorale avec son lot de victimes et son cortège de dégâts. Pour qui connaît la Guinée, on ne doit pas souffler sur une telle braise parce que si elle s’enflamme, on ne parlera plus d’école ou de suspension de grève.
Il est important que le SLECG évite que la situation actuelle n’échappe à son contrôle parce que si c’est le cas, tous vos acquis durant ces 5 semaines de grève seront vains.
Toute la Guinée est maintenant convaincue qu’il y a un syndicat fort, capable de défendre l’intérêt des travailleurs, vous l’avez suffisamment démontré.
Agissez, avant qu’il ne soit trop tard
Antoine Kourouma