Les femmes continuent d’être victimes des mutilations génitales féminines en République de Guinée. La forme la plus répandue reste l’excision. C’est une pratique qui a toujours existé dans les sociétés traditionnelles africaines en général. Elle se définit comme l’ablation partielle ou totale du clitoris. Autrefois, l’excision était faite à l’aide d’un instrument tranchant comme le couteau, la lame. Et c’étaient des adolescentes, des grandes filles et même des jeunes femmes qui subissaient cette mutilation génitale. En ce moment, toute
jeune fille devrait obligatoirement être excisée avant de se marier. C’était en fait une initiation à la vie conjugale.
Mais aujourd’hui, ce sont des petites filles, en général, de 3, 4,5 ou 6 ans qui sont excisées avec une paire de ciseaux. Il ya certaines même qui sont entrainées dans des centres de santé pour subir cette ablation. Malgré l’interdiction de cette pratique par certaines autorités en Afrique et de multiples sensibilisations d’ONG nationales et internationales pour éradiquer ce fléau, force est de constater que l’excision continue d’être pratiquée dans de nombreux pays dont la Guinée. Selon les dernières données statistiques de l’enquête démographique de la santé menée en 2005, le taux de pratique est estimé à 96% au niveau national, d’où la mise en place par le gouvernement depuis 2006, de programmes et de plans de communication, de sensibilisation et d’information sur les conséquences néfastes de la mutilation génitale chez les jeunes filles encore de 0 à 15 ans.
En Guinée, les grandes vacances sont des moments propices choisis par les exciseuses en complicité avec les parents pour passer à leur besogne habituelle. D’après nos informations, la Guinée dispose de la Loi L/2000/010/AN du 10 juillet 2000 adoptant et promulguant la Loi portant “Santé de la Reproduction”, il est indiqué en son article 13 que : « Sous réserve des dispositions du Code pénal, les actes attentatoires aux droits en matière de Santé sexuelle, seront incriminés et pénalement réprimés. » dont l’exision fait partie.
Aujourd’hui, la Législation guinéenne, à travers un texte précis sanctionne les mutilations génitales ainsi que la pédophilie. A l’instar de nombreux pays, les mutilations génitales féminines sont pratiquées en République de Guinée sur des fillettes, des adolescentes ou de femmes adultes comme énuméré plus haut. Elles sont considérées comme une violation des droits humains dès lors qu’elles affectent l’intégrité physique de la personne qui, dans de nombreux cas sont des personnes vulnérables à cause de leur âge.
C’est l’article 405 du Code de l’Enfant Guinéen qui donne cette définition : « Les mutilations génitales féminines s’entendent de toute ablation partielle ou totale des organes génitaux externes des fillettes, des jeunes filles ou des femmes et/ou toutes autres opérations concernant ces organes ». Pour le Législateur guinéen, « Toutes les formes de mutilations génitales féminines pratiquées par toute personne quelle que soit sa qualité, sont interdites en République de Guinée (Article 406 du Code de l’Enfant Guinéen).
Il ajoute à l’article 407 du même Code que : « Quiconque, par des méthodes traditionnelles ou modernes aura pratiqué ou favorisé les mutilations génitales féminines ou y aura participé, se rend coupable de violences volontaires sur la personne de l’excisée ».
Pour certains observateurs, l’excision doit être bannie de la société, car pour eux, l’excision n’a que des inconvénients chez la femme. D’après les recherches dans ce domaine, il s’avère que cette ablation du clitoris réduit ou supprime carrément la sensibilité, le plaisir chez la femme lors des intimités. Comme nous témoigne d’ailleurs, une jeune dame qui a voulu garder l’anonymat. « Moi je fais l’amour juste pour satisfaire mon mari sinon je ne ressens rien du tout. Je ne sais pas si cela a quelque chose à avoir qu’à même avec l’excision. Mais j’ai été excisée depuis mon enfance dans le village de ma maman ».
Il ya aussi des filles ou femmes excisées qui affirment qu’elles ressentent du plaisir en faisant l’amour malgré qu’elles aient subi ce sort et qu’il suffit juste de toucher à leurs parties sensibles.
« J’ai toujours ressenti du plaisir depuis que j’ai commencé à faire l’amour. Mais j’avoue qu’avant de ressentir du plaisir, cela prend énormément de temps. Mon partenaire s’épuise le plus souvent », signale une étudiante de 25 ans.
A ce niveau, il est important de signaler que la pratique de l’excision est souvent variée selon des facteurs tels que l’appartenance à un groupe ethnique et à une région géographique. D’après les recherches, il ressort trois autres formes d’excision qui sont, la Clitoridectomie qui consiste à faire l’Ablation du gland du clitoris, avec ou sans excision d’une partie ou de la totalité du clitoris,
l’Infibulation qui est l’ Ablation d’une partie ou de la totalité des organes génitaux externes et la suture ou le rétrécissement de l’ouverture vaginale,
et la dernière qui est non classée, est toute autre intervention qui entraîne l’ablation partielle ou totale des organes génitaux féminins externes et/ou des lésions des organes génitaux féminins pour des raisons culturelles ou toute raison autre que thérapeutique.
De leur coté, des sages-femmes signalent de nombreuses difficultés qu’elles rencontrent chez les femmes excisées au cours et après l’accouchement. Selon Madame Aissatou Djouldé Diallo, sage-femme au Centre Médical Communal (CMC) de Ratoma, et ancienne exciseuse, les femmes excisées souffrent beaucoup pendant le « Travail », c’est-à-dire la période qui précède l’accouchement.
« Nous remarquons des déchirures et de l’hémorragie au cours de l’accouchement chez la plupart des femmes excisées qui arrivent dans notre centre. J’ai reçu des femmes libanaises et sénégalaises qui accouchent sans problème. Celles-ci ne sont pas excisées du tout », souligne Mme Diallo avant de nous confier qu’elle a rencontré des femmes chez qui, les lèvres et le clitoris ont été complètement rasés. Et qu’il y a même des femmes chez qui les lèvres ont été cousues, et qu’à l’accouchement elle est obligée de déchirer pour pouvoir donner le passage à l’enfant. Elle fait remarquer également qu’il ya aussi des risques d’infection pendant l’excision et que si ces infections ne sont pas connues à temps pour être soignées, elles peuvent conduire à la stérilité.
« C’est une porte d’entrée à plusieurs maladies et une voie de contamination, car, les mêmes objets sont utilisés pour exciser plusieurs filles à la fois parfois même sans être stérilisés » ajoute-t-elle.
Les religieux, bien qu’ils ne soient pas tous unanimes sur l’arrêt total de l’excision, reconnaissent tout de même qu’elle n’est nulle part mentionnée dans le coran, encore moins dans la bible.
« Walahi, je n’ai jamais entendu que c’est écrit dans le coran. Nos grands parents le faisaient, c’est cette trace qu’on suit jusqu’aujourd’hui. Cette pratique, c’est nous même qui l’avons décidée, elle fait désormais partie de nos coutumes et mœurs. Ce ne sont pas les musulmans seulement qui font exciser leurs filles, même certains chrétiens le font aussi. Donc, on ne peut pas nous dire que cette pratique n’est pas bonne aujourd’hui », affirme Tanoudi Bangoura, 2ème Imam de la petite mosquée de Kaporo Centre « Sannou ».
D’autres, part contre, pensent que l’excision ne doit pas disparaitre, parce qu’elle a toujours existé dans les mœurs africaines en général et guinéennes en particulier. Cela, depuis le temps des ancêtres, soutiennent-ils. Les conservateurs, eux, affirment que l’excision était une façon de réduire la sensibilité chez la femme, afin de lui éviter d’être frivole. Il y a des hommes qui ne font pas la différence. Pour cette catégorie d’homme, l’essentiel, c’est se procurer du plaisir en fin de compte. « C’est vrai qu’il n’est pas facile de mettre à l’aise une fille ou une femme excisée mais à la fin moi je ne fais pas la différence car je réussis toujours à me satisfaire. Je n’ai pas de préférence… », confie Thierno, un jeune de Siguiri.
Un autre jeune de Kaporo, nommé X n’est pas du même avis que Thierno. Lui préfère plutôt les filles non excisées. Il dit se sentir plus à l’aise avec celles-ci.
Il y a un autre groupe d’hommes qui pense que la femme excisée peut être facilement maitrisée à la maison contrairement à celle qui ne l’est pas.
Pour certains parents, ne pas exciser sa fille, est une honte pour cette dernière lorsque la société l’apprendra que leur fille n’a pas subi le même sort que ses copines. Il y a des filles même qui réclament cette coutume, comme nous le témoigne Madame Diallo du CMC de Ratoma. Qui dit avoir connu une fille guinéenne qui a grandi au Sénégal. Lorsque celle-ci est revenue en Guinée pour se marier, elle a demandé à ses parents de la faire excisée, car d’après ses dires, elle était indexée partout par les gens de son quartier.
Ce qui est paradoxale dans cette histoire, c’est qu’il y a des personnes engagées, des personnes vraiment qui se font remarquer dans la lutte contre l’excision à travers des campagnes de sensibilisation alors qu’elles se livrent à cette pratique en cachette. Au regard donc de tout ce qui précède, l’on se demande réellement si cette pratique pourrait disparaitre un jour ?
C’est cette question qui se trouve sur les lèvres de nombreux observateurs.
Adama Hawa Diallo
(Mosaiqueguinee.com)