Raliatou Tamsir Niane est la Directrice fondatrice du ‘’Petit musée’’ situé à la Minière (haute banlieue de Conakry). Elle est artiste, metteur en scène. Niane est la fille de l’historien écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane (auteur du célèbre roman Soundiata). Avec elle, on a échangé essentiellement sur la création de son musée.
Mosaiqueguinee.com : Vous êtes la fille de Djibril Tamsir Niane, écrivain historien. Vous, vous n’avez pas des écrits à votre actif mais vous avez un petit musée. Pourquoi ce musée ?
Je rectifie. Je n’ai pas de livres à mon actif c’est vrai mais je me suis déjà essayée à l’écriture ça me fait plaisir de rappeler cela par ce que j’ai coécrit une pièce de théâtre qui s’appelle ‘’ Il était une fois un alphabet’’ et que j’ai monté lors de mon retour au pays il y a 20 ans. Donc, c’est une adaptation du livre d’un des romans de Williams Sassine que j’ai donc coécrit avec Kiridi Bangoura mon mari. On a monté la pièce du théâtre du même nom (il était une fois l’alphabet). Cette pièce de théâtre a pu être jouée en France. Elle a été montée ici, jouée au palais du peuple. En 1994, nous avons été jouer au festival de Limoges avec une compagnie de troupe de jeunes guinéens à peu près 30 personnes sur scène et des grands musiciens tels que Me Barry feu Morciré Camara.
Pour le petit musée, ce n’est pas véritablement un musée. C’est un concept que j’ai voulu coller à ce nom culturel. Un petit centre culturel appelé ‘’petit musée’’ pour dire que c’est un lieu commun du pays où nous asseyons de présenter des faits de culture. Qu’ils soient d’ordre matériel ou immatériel c’est-à-dire des créations d’esprits. Donc y a un espace scénique où on peut voir les pièces de théâtres ; des spectacles de danses ; ou même des projections de films ; il y a aussi une galerie d’arts. On essaie de présenter des objets. Donc ça c’est le côté purement matériel de l’art. Montrer des objets de créations contemporaines, soit des objets d’antiquités. Donc y a des expositions qui se passent là. Et puis accessoirement depuis 2008, j’ai ouvert un restaurant à l’intérieur du petit musée appelé ‘’la sublime barbare’’ en hommage à Katoucha. Ce restaurant histoire de connaitre l’art culinaire africain présenté aussi comme un art. L’art culinaire ou la gastronomie, mais le restaurant a été fermé quelques années, nous sommes entrain de procéder à sa réouverture j’espère pour ce mois de décembre là.
Depuis plus de deux décennies vous vous êtes lancée dans cette aventure. Il se trouve qu’on ne consomme pas trop culture surtout actuellement en Guinée. Comment vous faites pour subsister à la limite, aller de l’avant ?
Le bon mot c’est subsister c’est parvenir à subsister malheureusement c’est le lot de tout un chacun chez nous. Ce n’est vraiment pas le secteur le plus prisé du point de vue de la population. Mais j’estime et je considère, ce n’est pas la faute de la population qui souhaiterait bien consommer les œuvres des esprits et autres œuvres d’arts, mais le contexte et puis l’époque ; les difficultés ; le fait de manque de courant ; le manque d’eau ; les urgences ; les priorités font que les gens n’ont pas le temps pour cela. C’est à nous donc artistes ; artisans de faire encore plus d’efforts, on le fait déjà, je ne critique pas ma catégorie socioprofessionnelle, je ne la taxe pas d’avoir fait ce qu’il faut mais il faut encore qu’on persévère, qu’on s’arme de courage par ce que c’est à nous de faire en sorte que sa bouge de notre côté ! et que les gens s’intéressent à nous. C’est à nous de faire du pied comme on le dit. Taper sous la table en étant avec les autres, faire comprendre qu’on est là. En participant au maximum à toutes les occasions ; en présentant au tant que possible ce que nous sommes capables de faire. Et puis en demandant à l’Etat de donner les travaux par exemple, voyez ce qui a été fait avec l’OCI. Toute la grande rénovation qui a été faite pour présenter une capitale acceptable à nos illustres hôtes, ça aurait pu être plus avec la participation de nous autres artisans. Donc c’est à nous de rendre notre Capitale belle ! C’est à nous de l’habiller de ces plus beaux bijoux ; ses plus beaux atouts.
C’est vrai on dit que Conakry est l’une des Capitales les plus muettes.
Oui ! C’est notre devoir à nous, encore faut-il qu’on nous donne l’occasion. Je suis entre deux places la Belle vue d’un côté de l’autre la place Hamdallaye, je suis là chez mon père. Vous voyez bien là qu’il y a un besoin, en tout cas moi je vois qu’il y a un besoin ce n’est seulement de dépoussiérer l’éléphant, et lui changer de couleurs. Encore faut-il entre ses grandes places qu’on puisse avoir des monuments dans le vrai sens du terme. Nous, les artistes, les artisans nous avons décidé qu’on nous fasse concourir, qu’il ait des concours pour faire des places publiques. Et dans lesquels moi je me présente j’ai des trucs pleins dans mes tiroirs pour l’embellissement de la Capitale. Les jardins comme celui du 02 octobre. Y a la place pour des créations qui peuvent être placées là ! je suis invitée la semaine prochaine à Kamsar où il va y avoir l’inauguration d’un monument de la CBG. Je suis pressée de voir. Mais je sais que c’est une artiste guinéenne qui a présenté dans une place publique ce qu’on peut appeler un monument. On n’en a pas assez !
Vous avez relancé votre restaurant. Vous avez de la clientèle ?
On n’a pas encore relancé. On est entrain de s’installer. C’est les derniers moments avant l’ouverture. La restauration je pense, c’est le secteur qui se porte le mieux. Puisque les gens mangent tous les jours au mois deux fois. Donc y a possibilité peut être d’avoir une clientèle. Cela dit, le petit musée ce n’est pas que pour manger pour le ventre dirai-je. Mais c’est les nourritures de l’esprit.
Comme je le disais on consomme peu la culture. Pourtant cette culture est très prisée à l’extérieur et par les étrangers. Mais le hic ce que très peu d’étrangers viennent chez nous actuellement. Ça aurait augmenté la clientèle si le tourisme se portait bien non ?
Oui c’est un peu des vases communiquant. En fait de mon point de vue, il y aurait plus de restaurants ; plus des belles plages ; des endroits où les gens peuvent aller se divertir. C’est pas que les boites de nuits qui doivent être dans une Capitale comme Conakry. On a une pléthore de boites de nuits et on n’a pas assez de musées, pas assez de galeries d’arts ! pas assez de lieux de parcs où les gens peuvent aller se promener. Il n’y a que le jardin du 02 octobre en termes de parcs dans tout Conakry. C’est incroyable. Il faut qu’on ait des places publiques. Par exemple tous ces grands ronds-points ne sont pas si petits quand on les regarde. L’autre jour je regardais le rond-point de Hamdallaye, il est immense. Imaginez si s’était un peu de verdure au milieu et puis un grand monument aussi grand que la tour Effel, j’exagère (rire) mais bon des grands monuments ! c’est des endroits que les gens viendraient visiter. Le monument de la renaissance au Sénégal, a fait parler de lui, ça a posé des contre-vairs mais, au-delà de la contre vairs, c’est un lieu visité. Qu’on aime, qu’on aime pas, c’est un lieu qui attire des gens. Dès que tu viens à Dakar on te dit est ce que tu es allé visiter, en France c’est pareil vous voyez des milliers des places dans Paris, c’est une immense Capitale c’est vrai mais les parcs Monceau ; Mont souris le parc, les parcs il y en a beaucoup. Donc une ville comme Conakry avec trois millions d’habitants, un seul jardin de 02 octobre qui est le poumon de Conakry qu’il faut préserver absolument mais il faut l’ouvrir, qu’on puisse aller le visiter, qu’on puisse aller mettre des pièces artistiques il n’ ya pas que des arts, il y a des arbres extraordinaires là dedans je suis sûr que vous n’avez jamais été visiter les arbres du fond !
-Si !
Tant mieux mais est ce que vous êtes rentré ? Y a des endroits qui font peur dedans, y a des endroits qui sont impossibles d’accès hein !
-Non.
Donc on souhaiterait que ça soit ouvert ! Et qu’on puisse aller découvrir, c’est des arbres qui ont été plantés au temps colonial. Y a des petites étiquètes qui indiquent c’est quel arbre et ça vient d’où. C’est quelle essence, on met l’année à laquelle l’arbre est planté. On en a besoin des lieux comme ça à Conakry pour aller visiter. C’est pour cela que j’ai appelé le petit musée c’est un endroit où on vient découvrir des choses aussi banales et aussi insignifiantes soient-elles. Là, on essaie de les présenter de façon extraordinaire.
Le personnel du petit musée.
A l’intérieur du petit musée on est inférieur à une dizaine de personnes.
C’est vous qui les prenez en charge ?
Ben c’est une petite entreprise hein ! mais ce pas la prise en charge du personnel qui est difficile, c’est beaucoup plus l’organisation des choses à l’intérieur. Possibilité de mettre en place des programmes. C’est un véritable défi. C’est difficile dans un contexte comme le notre d’avoir un espace culturel qui ne bénéficie pas de subvention, mais qui n’est pas si connu malgré qu’il existe depuis 15 ans ! comme vous disiez tout à l’heure les gens ne viennent pas beaucoup comme ça. C’est à nous de faire beaucoup plus de communications dessus. Aux médias de nous relayer, de donner l’information comme une information culturelle. Ce n’est pas de la publicité que de faire savoir aux gens qu’il a actuellement une exposition qui s’appelle le trophée protecteur des arts et culture de Guinée. Une exposition qui a été fortement médiatisée. Y a eu un concours de huit semaines où il y a eu une centaine d’œuvres qui ont été produites par des artistes créateurs guinéens et qui sont exposées ici. Qui ont fait l’objet d’un grand vernissage à la BICIGUI par ce que c’est une co-organisation avec la BICIGUI dans le cadre du mécénat qu’ils font. Dans un programme que nous appelons la BICIGUI amis des arts. Si la banque accompagne les arts qu’attendent les médias pour le faire? On se dit ça y est madame Bangoura est riche, elle est avec les banques et on croit que c’est la publicité qu’on ferait au petit musée que de nous soutenir. Non ! c’est soutenir les artistes et les créateurs guinéens qui ont été eux soutenus par la banque pour pouvoir présenter leurs œuvres qui sont destinées à être vues mais aussi à être achetées par des institutions, par des personnes individuelles pour les amener chez elles. Regardez le premier prix de la sculpture qui s’appelle ‘’l’héroïne’’, vous voyez cette femme est sculptée de façon extraordinaire, c’est lui qui a gagné le prix de la sculpture. Il a fait une œuvre qui dépasse l’entendement, il a creusé dans le bois et sortir des formes ! ça mérite d’être vu. C’est de l’art tout azimute
Merci.