Le kidnapping, nouvelle méthode d’interpellation des forces de défense et de sécurité.
Depuis plusieurs jours, des cas de kidnapping sont enregistrés à Conakry, mais aussi à l’intérieur du pays. Des citoyens, qui affirment ne rien se reprocher sont arrêtés et conduits vers des destinations souvent inconnues.
La semaine dernière d’ailleurs, un des avocats du FNDC affirmait avoir sous la main, plus d’une trentaine de dossiers.
À la faveur d’une conférence de presse tenue ce vendredi par le FNDC, des activistes du front qui ont été victimes de cette nouvelle forme d’arrestation, ont raconté leurs mésaventures.
Ci-dessous, témoignages croisés de quelques-uns
Abdourahamane Bella Bah, président de la jeunesse citoyenne
« J’ai été kidnappé de façon flagrante le 25 janvier 2020, suite aux commémorations des victimes du camp Boiro. Il y a deux pick-up qui sont venus boucler la zone où je me trouvais, comme si j’étais un terroriste ou que j’étais en train de créer une situation extraordinaire. Deux gaillards sont venus vers moi, un m’a attrapé sur le cou pour ne pas que je prononce un seul mot ou que je crie au secours. L’autre est venu me prendre sur les mains et les a mises derrière, pour me menotter avant de me mettre dans le pick-up. Dès qu’on m’a mis là, ils ont mis une cagoule sur ma tête avant de me conduire dans une destination inconnue. Jusque-là où je suis, je ne sais pas où est-ce qu’ils m’ont conduit. (…). Je suis resté à cet endroit, de 11h à 22h, les mains et les pieds attachés. C’est comme si j’étais un terroriste dans mon propre pays. C’est aux environs de 22h passées, qu’on m’a encore déplacé pour un autre endroit. C’est là qu’on a enlevé les menottes, mais toujours cagoulé. La torture psychologique était de taille. Le schéma était que je dise n’importe quoi, tout ce que je sais où même si je ne sais pas, pour qu’ils enregistrent pour en faire ce qu’ils veulent. Dans cet état, tout ce qui trame dans ta tête, c’est que tu vas mourir (…). Après, j’ai été conduit chez Fabou. C’est un vrai flic, parce qu’il te sourit comme s’il ne savait pas ce qui se passait alors qu’il est le père de tout ce qui se passe. Fabou connait tous les cas de kidnapping qui sont enregistrés », a-t-il raconté.
Mamadou Kalla Diallo, président d’une coalition d’étudiants
« J’ai été arrêté alors qu’on était en train de préparer un grand meeting à Conakry. Parce que, la majorité des étudiants avaient décidé d’organiser un meeting pour montrer à l’opinion nationale et internationale, qu’ils ne partagent pas l’idée d’adoption d’une nouvelle Constitution et celle de troisième mandat. D’abord le samedi, après mon passage au siège de l’UFDG pour passer des massages de sensibilisation, j’ai reçu un appel venant d’un numéro masqué pour m’intimider et avec à la clé, des injures et des menaces d’arrestation. Pour cela, j’ai changé de demeure, pour ne pas me faire arrêter. Le dimanche, en rentrant à la maison où j’avais un rendez-vous, dès que je suis descendu du taxi, un pick-up blanc m’a coincé. Croyant que c’était un taxi, j’ai reculé mais lui aussi, continuait à me pousser afin que je m’éloigne du terrain. C’est ainsi des personnes cagoulées sont descendues du pick-up pour venir m’arrêter tout en mettant une cagoule sur ma tête aussi. Dans le pick-up, il y avait trois jeunes. On a continué vers Bambeto jusqu’à la cité, avant qu’ils ne prennent la route de Sangoyah. Quand ils ont compris que nous sommes au courant de l’endroit où nous étions, ils ont commencé à nous frapper pour nous faire perdre conscience. Entre temps, on est arrivé dans une cour où un calme régnait. Après, ils ont amené chacun dans une chambre. Quelques temps plus tard, un commandant vient nous interroger tout en nous disant qu’on nous accuse de coup d’État en lien avec les partis politiques. (…). Ils ont dit de remplir des documents pour qu’on nous dépose à Soronkoni. Ils m’ont laissé arrêter toute la nuit, jusqu’au lendemain à 11h. J’ai été torturé, frappé et ils m’ont brûlé le corps. Le 3ème jour, comme je n’ai rien mangé jusque-là, je ne pouvais plus m’arrêter. Aux environs de18h du mardi, j’ai perdu connaissance. Ils me croyaient mort, je crois que c’est pour cela ils m’ont pris et jeté à Forécariah. Parce que c’est là-bas je me suis réveillé le mercredi, à 20 h. Les gens qui m’ont soigné, disaient qu’ils m’ont retrouvé sur la route et pensaient que j’étais déjà mort », a-t-il raconté.
MohamedNana BANGOURA