On a coutume de dire que la Guinée est le pays des rendez-vous manqués, le tombeau des bonnes initiatives, la poubelle de grosses illusions constamment vendues aux populations par ses élites ou plutôt par ses différents dirigeants successifs.
Les nouvelles autorités du pays, souhaitent agir à battre en brèche ce constat malheureux.
A sa prise de parole, le mardi 15 septembre, en présence de la classe politique, le Président du CNRD, le Colonel Mamamdy Doumbouya n’a pas manqué de reconnaitre cette triste réalité.
Le ton était dur, le discours tranchant. Il culpabilisera tout le monde en mettant le curseur sur la responsabilité de ses interlocuteurs. Un coup de sabot donné à ces derniers.
Selon lui, ils sont tous responsables de l’échec de toutes les politiques publiques menées jusque-là dans le pays en vue de son émergence.
Ce réquisitoire cinglant qui est du déjà entendu, sonne comme une énième justification du coup d’Etat dont les militaires ne se privent pas, chaque fois, que l’occasion leur est opportune. Ce discours d’autoflagellation n’est pas nouveau.
Avant eux, d’autres voix toutes aussi autorisées, avaient posé le même diagnostic, et ont toujours débité là-dessus sans pouvoir y apporter la solution.
Comme le disent les chinois, le nom chien ne mord pas.
C’est ainsi dire que les militaires doivent aller au-delà de la profession de foi qui revêt le plus souvent un caractère populiste.
Pour y parvenir, ils devront se battre pour changer des populations, qui ont le génie de transformer leurs dirigeants, en dévoyant leurs missions.
Les jours à venir s’avèreront déterminants pour une junte qui veut mériter l’optimisme des Guinéens à pouvoir réussir la rupture.
Déjà, les perspectives s’annoncent difficiles avec des acteurs qui ne cachent pas leur appétit pour la gestion de la transition.
Au-delà de l’envie que nourrissent certains partis de contrôler la transition, qui sera déterminante pour le choix du futur président de la République, d’autres, par contre, mis à l’écart par un pouvoir qui était imperméable à toute ouverture, trouvent l’occasion opportune pour aller eux aussi gouter à la sauce.
C’est donc tout naturellement un blanc-seing qu’ils donnent tous à la junte, plutôt que le bénéfice du doute.
Ce bénéfice du doute, sinon moins que ça, est celui de la CEDEAO. Celle-ci, avec ses dernières sanctions, vient de doucher l’enthousiasme des militaires, pourtant, forts d’une adhésion populaire.
Les dirigeants de l’organisation sous-régionale agissant chacun pour sa chapelle, loin d’un amour pour la Guinée et pour son Président déchu, veulent prévenir des militaires dans leurs pays, à se réserver d’une telle attitude, à défaut de subir le même sort.
En dépit de cet agissement, il est une évidence que l’agenda de la transition est dicté par les acteurs politiques du pays et encadré par la communauté internationale, mais pas le contraire.
La Guinée qui a toujours survécu aux sanctions internationales, en clair qui a appris à vivre en autarcie, en refusant de succomber aux menaces de son isolement, résistera-t-elle à ces pressions ?
A la junte de prouver sa capacité de résilience face aux multiples incursions qu’il y aura dans le processus de transition.
Mognouma Cissé