Deuxième partie de l’enquête sur le PAC
La convention de concession portuaire passée entre l’État guinéen et le groupe français Bolloré n’a toujours pas livré tous ses secrets. Quand on sait que l’État guinéen et le Port Autonome de Conakry seraient les perdants dans ce « deal », à cause des faibles revenus qu’ils perçoivent, comparés aux autres terminaux concédés par les ports d’Afrique de l’Ouest, ces dernières années. C’est du moins ce que révèle le département juridique Poincaré Finance, à travers une lecture avisée de cette convention de concession dont la signature en 2011, avait fait couler beaucoup d’encre et de salive. Le tout alimenté à l’époque par des suspicions d’une collusion d’intérêts entre le président Alpha Condé et son ami Vincent Bolloré, PDG du groupe éponyme. Avec le recul, sans vouloir nullement cracher sur la soupe, nous essayons plutôt à travers cette enquête, de voir qui a raison et qui a tort, entre les défenseurs et les pourfendeurs de cette convention portuaire. Enquête.
La convention de concession signée en mars 2011 avec le Français Bolloré comporterait des zones d’ombres. D’où cette préoccupation du cabinet Poincaré Finance, quant au respect des engagements du concessionnaire dans ce deal, qui ne profiterait en réalité qu’au groupe français ?
Une lecture économique par Poincaré Finance de la convention de concession signée en mars 2011, telle que modifiée par l’avenant n°1 du 26 avril 2011 paraît sur beaucoup de points, non conforme aux intérêts du port autonome de Conakry et de l’État guinéen. Les financements proposés ne sont garantis que par le seul engagement du concessionnaire dans des délais dont le dernier ‘’plan ultérieur’’ commence seulement 7 ans, avant la fin de la concession (2021-2035 : 260 millions euros).
Justement le cabinet révèle que le Port Autonome de Conakry et l’État guinéen percevraient de faibles revenus, comparés aux autres terminaux concédés dans la sous région. Qu’en est-il Akoumba ?
Pour le département juridique Poincaré Finance, les revenus du PAC et de l’État guinéen paraissent faibles en rapport aux autres terminaux concédés par les ports d’Afrique de l’Ouest ces dernières années (seule la redevance de stationnement paraît équilibrée pour le PAC).
En effet en 2008, la Direction Générale du Port Autonome de Conakry, dans la perspective de l’extension de ses installations et de la mise en concession du Terminal à conteneurs, avait mis en concurrence 14 sociétés qui avaient manifesté de leur intérêt, parmi lesquelles 9 avaient été présélectionnées par cette Direction Générale du PAC suivant lettre n0196/PAC du 7 avril 2008.
Pourtant, toute cette opération se serait passée dans les règles de l’art, c’est-à-dire conformément au code des marchés publics ?
Conformément au code des marchés publics, une commission interministérielle pour l’évaluation des offres a été constituée à cet effet et l’ouverture des plis a eu lieu le 31 juillet 2008, dans les locaux du Ministère des Transports. A la séance d’ouverture, étaient présentes, les candidates suivantes : Afrimarine, Groupe Bolloré, APM Terminals et Getma International.
C’est finalement Bolloré qui a été le gagnant dans cette partie âprement disputée. Pas que les autres manquaient d’arguments ?
Après moult renversements, contre les intérêts de Getma, c’est Bolloré qui a repris, après l’élection du Président Alpha Condé, la concession disputée. A travers une convention portant concession du Terminal à conteneurs, de son extension, du terminal conventionnel au PAC, d’une plateforme de stockage et un port sec à Kagbélen, signée entre les parties le 11 mars 2011 modifiée plus tard comme étant Convention de Concession du terminal à conteneurs, de son extension d’une plateforme de stockage d’un port sec à Kagbélen.
L’arrivée de Bolloré fut aussi synonyme d’un chamboulement au niveau de la main d’œuvre portuaire, sur fond de revendications syndicales. N’est-ce pas Akoumba ?
Tout à fait. Car la cohabitation n’était pas du tout facile. Et le syndicat des travailleurs de la société Conakry Terminals fait sa mue. En effet, le Bureau exécutif National de l’Union Syndicale des Travailleurs de Guinée (USTG) supervisera, le 10 octobre 2014, au Parc conteneurs, le déroulement de l’Assemblée Générale élective de la section syndicale.
Premières revendications syndicales, des départs au Bureau de la main-d’œuvre portuaire, l’accélération du processus d’élaboration du statut particulier des dockers, la distribution à temps des équipements de protection individuelle, l’accélération de l’application du protocole d’accord de négociation de 2015, l’accélération de l’installation de la délégation syndicale de BMOP, le paiement désormais à temps des salaires des dockers puisque la fin de chaque mois il faut partir en grève pour être payé et le libre exercice des droits syndicaux à l’enceinte parc conteneurs.
On a assisté à une synergie d’actions des centrales syndicales, en vue de se faire entendre auprès de Bolloré, qui était accusé de vouloir radier tous les travailleurs, surtout les dockers ?
Les centrales syndicales ONSLG, COSATREG et CGFOG réunies dans une unité d’action autour des questions relatives à la convention liant Bolloré au Gouvernement guinéen, après consultations et analyses, s’inquiètent des conséquences de la lettre n°0688 du 30 juillet 2014, à l’intention des opérateurs portuaires, suspendant les agréments techniques des sociétés de consignation maritime Getma, Transco et Afrimarine relatifs au traitement des navires RO/RO, qui selon le syndicat constituent 80% de leur raison d’être au sein du port autonome de Conakry. Pour en octroyer le monopole de cette activité au Groupe Bolloré.
Avec l’arrivée de Bolloré, c’est aussi le sort des sociétés dont Getma de Grenier, Transco et Afrimarine qui se jouaient, étant donné que leur marge de manœuvre allait être considérablement réduite. Qu’en a-t-il été finalement ?
Le syndicat exige le 27 octobre 2014, un cadre de concertation en vue de la restauration des agréments qui permettrait aux sociétés concernées d’éviter la suppression d’environ 450 postes d’emploi au sein de leur personnel.
Il a été démontré que supprimer la manutention RO/RO et le stationnement de leurs cargaisons à Getma, Transco et Afrimarine, reviendrait de facto, à leur supprimer la consignation, aussi. Car pour un armateur roulier, il vaut mieux avoir à faire avec un seul agent consignataire pour s’occuper à la fois de la manutention et du stationnement.
Et comme il fallait s’y attendre, les tarifs douaniers ont subitement augmenté d’un bond ?
Du coup, la Douane et les Impôts enregistreront également des pertes de recettes se chiffrant en plusieurs milliards de Francs mais aussi et surtout il y aurait le découragement de la clientèle de transit (Mali, Burkina Faso, Sierra Leone et Liberia).
Selon une source douanière, le 2 avril 2012, les tarifs de stationnement des conteneurs avaient subitement augmenté comme suit :
Pour un 20’pelein : 1ère tranche de 58 752 GNF à 140 000 GNF soit 138% d’augmentation. 2ème tranche : De 120 882 à 280 000 c’est-à-dire 132% de croissance. Pour un 40’plein : 1ère tranche de 117 764 GNF à 700 000 soit 494% d’augmentation. 2ème tranche de 241 764 à 1 400 000 c’est-à-dire 479%. Encore une fois, ceci semble une pratique qui se répercute directement et de manière néfaste sur le coût de la vie du citoyen guinéen.
Qu’est-ce qui était prévue au niveau des tarifications de la manutention, une fois que Bolloré a repris le port ?
Selon diverses sources consultées, à l’époque, les tarifications de manutention prévues par la convention de concession, la perspective était d’appliquer des tarifs par Conakry Terminal allant de 44,1 euros à 79,4euros par véhicule dont le poids varie entre 1,5 à 20 tonnes.
Parlons un peu de la genèse de Bolloré Africa Logistics Guinée. Puisqu’au départ c’était une autre dénomination ?
Bolloré Africa Logistics Guinée, anciennement dénommée Bolloré Africa Logistics a été créée suivant la déclaration modificative du 1er juillet 2016. A cette date son conseil d’administration présidé par M.Phillip Labonne comprenait en outre des administrateurs délégués par les sociétés Sofiprom, Socopao et la Shipping Service d’Afrique. Cette société semble être la holding de la société anonyme avec conseil d’administration, Conakry Terminal Guinée, l’opératrice du port conteneurs du PAC.
Apparemment le groupe Bolloré semblait être en bonne santé financière. Combien pesait-il au moment de la signature de la convention portuaire avec la Guinée ?
En 2015, les états financiers soutenus par son Directeur Général M. Bernard Buor, affichaient un chiffre d’affaires de GNF 59, 11 milliards contre 50,10 milliards au titre de l’exercice précèdent et un bénéfice net comptable de 1,42 milliards en 2015 contre un bénéfice de 2,14 milliards au titre des bénéfices en 2014.
Qu’en est-il des bénéfices dégagés sur l’année ?
Le conseil d’administration, après avoir pris connaissance des états financiers au 31 décembre 2015 et après en avoir délibéré, arrête définitivement les comptes annuels de cet exercice tels qu’ils sont établis et tels qu’ils sont lui ont été présentés, faisant apparaître un bénéfice de 1,45 milliards et décide de soumettre ces comptes à l’approbation de l’assemblée générale annuelle des actionnaires.
A l’occasion de ce conseil d’administration, le président Labonne a rappelé que depuis un an, le Groupe Bolloré a posé progressivement les jalons de Bolloré Transport &Logistics, nouvelle entité bâtie autour de quatre métiers historiques du Groupe Bolloré que sont la commission de transport, la manutention portuaire, le ferroviaire et la logistique pétrolière.
Afin de refléter cette nouvelle organisation et l’appartenance à cette nouvelle entité, le président Labonne a proposé le changement de dénomination sociale de la société et l’adoption comme nouvelle dénomination Bolloré Transpot&Logistics Guinée.
Aidez-nous à comprendre Akoumba le verdict de l’Assemblée Générale ordinaire annuelle des actionnaires qui s’est déroulée le 27 avril 2016. Surtout à propos des gros montants en milliards d’euros qui sont avancés ?
C’est ainsi que le conseil d’administration a convoqué l’Assemblée Générale ordinaire annuelle des actionnaires le 27 avril 2016 qui a délibéré sur la gestion de l’exercice clos. Qui a approuvé la proposition du conseil d’administration et décider d’affecter le résultat net comptable de l’exercice qui s’élève à 1,45 milliards en totalité en diminution du poste « report à nouveau » qui figure au passif du bilan pour un montant débiteur de 9,02 milliards. L’assemblée Générale prend acte qu’à la suite de cette affectation, le poste « report à nouveau » sera ramené à un montant débiteur de 7,56 milliards. L’Assemblée Générale a également pris acte des affectations au titre de la réserve légale de 23 29 millions et à celui des réserves libres de 4,93 millions.
Enquête-FIM