La durée de la transition, voilà l’épineuse question qui oppose certains acteurs politiques et sociaux guinéens ainsi que les dirigeants Ouest-africains aux militaires en Guinée.
Depuis bientôt un an, les guinéens peinent à être situés sur le délai de la transition même si, les conseillers nationaux ont adopté un chronogramme de 36 mois rejeté par la CEDEAO.
Récemment, le président en exercice de cette institution sous-régionale a déclaré que dorénavant, la junte guinéenne a accepté de réduire le timing à seulement 24 mois.
Une déclaration qui a provoqué l’ire du gouvernement de transition. Le ministre de l’administration du territoire a réagi sur-le-champ pour démentir Umaro Sissoco Embaló.
Quelques temps après, c’est le Colonel, lui-même qui affirme en plein conseil des ministres que nul ne peut imposer quoi que ce soit à la Guinée concernant le déroulement de la transition.
Mamady Kaba, conseiller national, est du même avis que le porte-parole du gouvernement à ce sujet. Pour lui, le délai se détermine en fonction des actions à mener. D’où l’agacement du président du Comité National du Rassemblement pour le Développement.
« La durée de la transition est une question mal posée concernant la Guinée. La récente déclaration du Président Mamadi Doumbouya, relative à la question, en réponse aux affirmations de son homologue Bissau guinéen, traduit un certain agacement dû à une analyse incomplète du rapport activités/délai qui est faite de la transition guinéenne par certains partenaires. En effet, les activités retenues comme indispensables à la réussite de la transition ont fait l’objet d’un chronogramme avec des délais imprescriptibles. Le processus d’adoption dudit chronogramme a obéit à une rigueur et une transparence incontestables », a-t-il martelé dans un entretien accordé à notre rédaction, ce week-end.
Pour l’ancien responsable de l’institution nationale indépendante des droits humains, « il est évident que la méthodologie adoptée ne satisfait pas tout le monde, notamment au sein de la classe politique et de la société civile ». Une réaction qu’il trouve normale, mais qui peut porter préjudice au chronogramme établi à ses yeux.
« La pertinence des activités retenues n’étant pas contestée en soi, il va de soi que le délai est réaliste et doit, en principe aboutir à la déconstruction des préjugés constitutifs d’obstacles à l’élection d’un Président de la République sur la base des espoirs que suscitent le parcours des candidats. Autrement dit, les réformes à réussir doivent juguler les peurs qui affectent le vivre ensemble. En résumé, la transition doit se focaliser sur les activités devant garantir l’atteinte de certains objectifs qui permettront à la Guinée de ne plus jamais sombrer dans une nouvelle transition à moyen terme », ajoute-t-il.
Cet activiste des droits de l’homme pense que « la communauté internationale doit s’assurer que le chronogramme de la transition s’approprie effectivement ces préoccupations de première importance et favoriser l’implication de l’ensemble des acteurs de la vie nationale à la réalisation correcte des activités programmées dans les délais prévus ».
De son avis, la réussite de la transition doit permettre à la démocratie guinéenne de s’ancrer dans les mœurs et les pratiques du pouvoir.
« Puis de développer des capacités d’autodéfense et de résistance contre toutes velléités de manipulation de la constitution et des institutions aux fins de conservation du pouvoir au-delà de deux mandats ».
« Ignorer tous ces défis et se focaliser uniquement sur le délai de transition est synonyme d’échec pur et simple du processus de transition et la garantie d’une nouvelle transition dans quelques années, avec des risques très élevés de désagrégation poussée de l’état, l’ancrage des pratiques d’enrichissement illicite, la généralisation avancée de la corruption et de la mal gouvernance, la poussée de l’ethnocentrisme et la politisation de l’administration, l’affaissement des fondements du vivre ensemble, à défaut d’une guerre civile. La transition Guinéenne n’a donc pas droit à l’échec », a-t-il alerté.
Hadja Kadé Barry