Son premier passage a agacé tout le monde. Avare en parole, donc se montrant moins bavard, Marcel s’était borné à tout nier. A tout rejeter en bloc. Pire, il s’était même évertué à ne pas se souvenir des détails qui allaient le confondre, en mettant à nu sa mauvaise foi quant à la manifestation de la vérité. A cet effet, on a soupçonné l’existence d’un pacte qui le confinait dans ce rôle exaspérant.
Au fil du temps, au gré de nouvelles données, Marcel s’est repris et a décider de briser le pacte, en sortant de son silence. La volteface est spectaculaire. Difficile de croire que cela relève de la seule bonne foi de l’accusé ou d’une quelconque volonté de sa part d’aider le tribunal à trouver le chemin de la vérité.
On peut être sûr de quelque chose , cette volteface spectaculaire doit être la conséquence de son divorce d’avec son ancien patron, capitaine Moussa Dadis Camara, qu’il dépeint dans les termes, on ne peut plus clairs, d’ingrat.
« Quand j’ai entendu le Président Dadis ici, dire qu’il ne se souvient pas de moi , ça m’a choqué », a regretté le capitaine Marcel qui a démontré tout le contraire en relatant le rôle central qu’il a joué dans le coup d’Etat qui a permis au capitaine Dadis de s’accaparer du pouvoir.
Ce qui est aussi sûr, et même certain, c’est qu’il y a un brin de frustration mêlée à de l’indignation qui a poussé Marcel à faire son come-back.
Quoi qu’on dise, il pourrait aider la cour à asseoir sa conviction. On peut le brocarder comme on veut, on peut aussi assimiler son retour à un règlement de compte contre quelqu’un de qui il attendait assez. Tout cela est une opinion qui peut prospérer, mais n’entame toutefois en rien l’importance des révélations qui pourraient faire évoluer les choses.
Dadis et ses avocats sont dans de mauvais draps. Ils sont sans doute confrontés à une nouvelle situation, absolument embarrassante, qui fait voler en éclats le pacte qui semblait bien consolidé pourtant. Cette sortie les amène aussi à réorganiser leur ligne de défense. Car ce n’est plus que Toumba contre Dadis. Le camp de l’adversaire commence à s’étoffer. Toumba et Marcel en sont déjà membres. Cécé Raphaël aussi. Et à l’allure où vont les choses, il n’est pas exclu qu’il y en ait un quatrième, un cinquième…Bref, il n’est plus exclu que Dadis se retrouve seul contre tous.
Marcel Guilavogui retrouve sa mémoire, sa lucidité, sa verve et même sa langue qui s’était « fracturée » ou « fracassée ». Handicap qui, arguait-il, expliquait qu’il soit taciturne.
Dadis est le concepteur , l’organisateur et l’exécutant des massacres du 28 septembre, et Tiègboro l’un des bouchers sur le terrain, a lancé Marcel qui révèle ce qui a fait rougir Dadis lors de son passage à la barre. A savoir dire qu’il était sorti le jour du massacre, peut-être pour aller superviser le crime , comme l’a dit Maître Paul Yomba, qui a été le premier à le révéler.
Il est prétentieux de donner tout le crédit aux propos du nouveau Marcel. Car on dit que quand on a menti une fois , on mentira tous les jours. Sauf que dans un procès, il est possible de commencer par tout nier, et finir par se repentir, sous quelque prétexte que ce soit, comme semble en apporter la preuve Marcel. Cela arrive et c’est au tribunal de tirer toutes les conséquences et de pouvoir distinguer le bon grain de l’ivraie.
Ce qui est évident, le retour de Marcel profite bien à Toumba Diakité, si ce dernier ne se cache pas du reste derrière ce retour comme l’insinuent d’ailleurs bien de gens rangés dans le camp de Dadis.
D’ailleurs, qu’il soit aux manœuvres ou pas, c’est un atout qui amène l’opinion à avoir davantage confiance en l’homme du fait de la confirmation des grandes lignes de sa version.
Mognouma Cissé