Le groupe de presse Lynx-Lance et Lynx.net en collaboration avec OSIWA (Open Society for West Africa) a rendu public ce mercredi 27 avril à la maison de la presse de Kipé, les résultats d’une série d’enquêtes menée sur la gouvernance économique en Guinée.
Cette série d’enquête dont l’objectif est de dénoncer la mal gouvernance tout en espérant que la donne change, a concerné essentiellement cinq (5) thématiques de la vie économique de la Guinée.
Il s’agit de : pourquoi le prix du tabac est-il moins cher en Guinée qu’ailleurs dans les pays de la sous-région ouest-africaines ; combien les élections ont couté à la Guinée ; les dépenses effectuées avaient-elles suivi les voies recommandées ; pourquoi subventionne-t-on le riz importé alors que la production locale est de meilleure qualité, le système carcérale guinéen et les impacts de l’exploitation minière sur l’environnement et les communautés.
« En 2020, le groupe de presse Lynx-Lance et Lynx.net a bénéficié d’un soutien pour la mise en place d’une cellule d’investigation spécialisée en crime économique dans notre pays. Nous étions donc une équipe de 7 journalistes qui avons travaillé sur des sujets aussi divers que variés mais tous rattachés à la gouvernance économique en Guinée. Ce sont entre autres problématiques traitées : pourquoi le prix du tabac est-il moyen cher en Guinée qu’ailleurs dans les autres pays de la sous-région ouest-africaines ? Combien les élections ont couté à la Guinée ? Les dépenses effectuées avaient-elles suivi les voies recommandées ? Pourquoi subventionne-t-on le riz importés alors que la production locale est de meilleure qualité ? et le système carcérale guinéen. L’objectif est de dénoncer la mal gouvernance dans notre pays. Notre rôle, c’est de dire ce que font les cadres de l’administration, de nos ressources parce que ces ressources appartiennent à tous les guinéens. Nous espérons avoir abouti à l’objectif visés. Pour chacun d’entre nous, nous sommes parvenus à des résultats auxquels on ne s’attendait pas », a expliqué d’entrée Mamadou Siré Diallo, rédacteur en chef du Lynx et de la Lance.
Pourquoi le prix du tabac est-il moyen cher en Guinée qu’ailleurs dans les autres pays de la sous-région ouest-africaines
« Malgré le fait, pour la Guinée d’avoir ratifié la convention de la CEDEAO la décision d’harmoniser la taxe sur le tabac et l’alcool, on a constaté que le prix du tabac était le plus bas dans notre pays. Quand on prend le Maroc, on remarque le taux d’imposition sur le tabac est aux alentours de 75%. C’est-à-dire que quand vous prenez le prix d’un paquet de cigarette, 75% représentent les taxes que l’Etat perçoit alors qu’en Guinée, il était aux alentours de 16% avant. Et, également, l’autre chose c’est que beaucoup remarquent estiment qu’il y a plus de toxicomane ou de fumeurs parce qu’il le tabac coute moyen cher. (…). Malgré les efforts du nouveau code des impôts, ils sont en deçà de ce que prévoit la CEDEAO car celle-ci prévoit un taux d’imposition supérieur ou égal à 50% pour ce qui est du tabac. Cependant, si les dispositions de ce code étaient appliquées, ça aurait été mieux. (…). Les entités qui travaillent sur la lutte contre le tabagisme sont toujours convaincues que l’Etat a un manque à gagner, qu’il peut renflouer ses caisses rien qu’en augmentant le prix de la taxe sur le tabac », a expliqué Mamadou Diawo Barry, rédacteur en chef adjoint du groupe de presse Lynx-Lance.
Le coût des élections de 2015 à 2020
« De 2015 à 2020, les élections ont couté, pas moins de 1 695 milliards de francs guinéens, soit près de 139 millions d’Euro. Si vous faites le calcul, vous constaterez que ce budget vaut plus du tiers du montant prévu pour la réalisation de la route Conakry-Mamou-Dabola qui est en chantier (…). Selon mon constat, la gestion des budgets électoraux de 2015 à 2020 n’a connu aucun audit, ni interne, ni externe au niveau de la CENI. Si nous prenons les élections législatives de 2013, elles ont coûté pas moins de 438 milliards de francs guinéens d’après les informations mises à notre disposition. Les élections communales de février 2018 ont, quant à elles, couté 350 milliards de francs guinéens pour 5 millions 865 milles électeurs. Les législatives couplées au référendum ont couté à la Guinée 440 milliards de francs guinéens. Jusqu’à notre passage à la CENI, le coût global de ce scrutin n’était pas encore estimé définitivement », a soutenu Mamadou Siré Diallo, rédacteur en chef du groupe.
Le système carcéral guinéen déliquescent
« De façon résumée, notre enquête a révélé que le système carcéral guinéen est déliquescent. Au lieu d’être des centres de réinsertion et de rééducation des personnes qui sont en conflit avec la loi, les prisons guinéennes sont plutôt des mouroirs. Dans d’autres cieux, quand on met quelqu’un en prison, on le rééduque afin de l’avoir sous une meilleure forme dans la société. Des anciens prisonniers, des familles de prisonniers qualifient les conditions de détention dans les prisons guinéennes, très difficile. Les infrastructures ne sont pas adaptées, la nourriture n’est pas non plus adaptée. Ceux qui y mangent développent souvent des maladies. Il ressort également que les cliniques ne sont pas dotées de médicaments suffisants ni d’équipements. Il y a plein d’autres choses qui ne se déroulent pas normalement dans ces maisons carcérales. On a comme l’impression que ce ne sont pas des humains qui y sont détenus. Il sont abandonnés à eux-mêmes », a révélé pour sa part, l’enquête menée par Mamadou Adama Diallo.
Pourquoi subventionne-t-on le riz importé alors que la production locale est de meilleure qualité
« Au cours de notre enquête, nous avons pu desceller que l’Etat à travers les acteurs déployés, ont investi plus d’argent dans l’importation du riz que dans la production locale. Cela s’est accentué d’année en année. On a aussi constaté que l’un des plus grands problèmes des producteurs de riz, c’est la dilapidation des intrants. A Koundara par exemple, en 2008, il ne recevait 2 000 tonnes d’intrant, en 2011, officiellement, ils ont pu aller à 20 000. Mais quand tu vas sur le terrain, on remarque que c’est les petits producteurs qui se débrouillent à avoir de quantités réduites d’engrais alors qu’à la chambre préfectorale, on ne cesse de marteler que des engrais arrivent là-bas. On a aussi remarqué que ces intrants sont alloués aux proches du parti au pouvoir », a révélé Yacine Diallo.
Les difficultés que ces journalistes ont rencontré dans l’accomplissement de ce travail est en gros, la non disponibilité des sources.
MohamedNana Bangoura