Long de 194 Km, le tronçon Kankan-Kissidougou est actuellement dans un état fortement dégradé. L’état piteux dans lequel se trouve cette route dont les travaux de reconstruction avaient été confiés à la société EBOMAF de l’homme d’affaires burkinabé Mahamadou Bonkoungou, s’explique par la non-exécution de ce contrat sur le terrain, alors que la pose de la première pierre, a eu lieu, le 24 juin 2014, pour 24 mois de durée d’exécution.
Les usagers de cette route, ne sachant plus à quel saint se vouer, sont obligés de prendre leur mal en patience tout en espérant qu’un jour, la souffrance qu’ils endurent au quotidien sur cette route, s’estompera.
Pour parcourir ce tronçon, certains passent toute une journée et d’autres notamment les conducteurs de gros porteurs, passent deux à trois jours, alors qu’ils auraient pu faire un aller-retour en une seule journée si l’état de la route n’était pas si mauvais.
« Quand on sortait à 8h avant, on pouvait rentrer au moins à 10h ou 11h. Mais maintenant, quand nous sortons aux environs de 11h, on ne rentre qu’à 21h passées. La route n’est pas bonne. Il y a la boue à cause de la dégradation poussée de la chaussée, qui cause également des ennuis à nos engins. Le disc et même les pneus de nos engins ne tiennent plus longtemps. A cela s’ajoutent des nids de poules qu’il y a un peu partout sur ce tronçon. Quand je fais deux ou trois voyages à chaque fois, l’amortisseur de mon véhicule ne tiendra plus ; il me faut le changer. C’est dans ce métier de chauffeur que je gagne ma vie et fais vivre ma famille. Si les nouvelles autorités peuvent nous aider à ce que cette route puisse être reconstruite, ça va vraiment nous arranger. (…).Quand la route était en bon état, ça m’aidait beaucoup ; maintenant je ne travaille juste que pour survivre », s’est lamenté Kemo Dramé, chauffeur de profession exerçant sur la route Kankan-Kissidougou.
Rencontré également sur ce tronçon à bord d’un minibus qui luttait pour rejoindre Kissidougou, Tidiane Sow en provenance de Cotonou ne comprend pas qu’une route reliant deux grandes villes soit aussi dégradée.
« On a quitté Cotonou le mardi pour arriver à Bamako le mercredi nuit après avoir parcouru 2500 km en 24 heures. J’ai laissé la route là (Kankan-Kissidougou) en 1985, elle n’était pas dans cet état. Je me rappelle que quand je quittais Kissidougou à 8h, avant 10h j’étais déjà à Kankan et je pouvais retourner encore à Kissidougou le même jour après avoir réglé mes affaires. Mais aujourd’hui, on me dit qu’il faut toute une journée pour pouvoir rallier Kissidougou pour 194 km seulement. Je n’ai jamais vu une route d’emprunt comme ça dans un pays, on ne peut pas se développer sans les routes d’emprunt », a-t-il déploré.
Le terrassement qui semble être le seul travail effectué par EBOMAF sur ce tronçon, ne s’étend que sur 35 Km alors que le PDG d e cette société, dans une sortie sur un média de la place, affirmait avoir exécuté les travaux à plus de 80%.
Le reste du chemin n’a pas reçu même une touche des machines. Pourtant, dans la foulée de la signature dudit contrat, une enveloppe de 65 millions d’euros a été remise à la société adjudicataire pour démarrer l’exécution de ce contrat, sur une distance de 40 km notamment.
Visiblement exténué au volant de son camion, Balla Condé, transporteur de son état depuis un peu plus de 10 ans sur cette route, ne cache pas son amertume. Selon ses propres mots, quand c’est la saison des pluies, il peut passer deux à trois jours sur le chemin avant de rejoindre Kissidougou, au départ de Kankan.
« Ça fait plus de 10 ans que je pratique cette route, mais ça n’a été que des souffrances jusqu’à maintenant. La route est vraiment mauvaise, je fais cette activité aujourd’hui parce que je n’ai aucun autre métier, sans quoi je l’aurai abandonnée. Quand je quitte Kankan par exemple à 7h, je ne rentre à Kissidougou qu’aux environs de minuit pendant la saison sèche. Quand il y a la pluie, je peux passer parfois deux à trois jours avant d’arriver à Kissidougou. A partir du village nommé Samsabaya jusqu’à Kissidougou, c’est du vrai calvaire que nous vivons. A cause de cette partie, certains chauffeurs préfèrent passer par Macenta, Konsankörö pour rejoindre Kankan. Le président a confié la reconstruction de ce tronçon à EBOMAF, mais cette entreprise n’a fait que le terrassement sur 40 km. Elle n’a pratiquement rien fait. En termes d’ouvrages, il n’ont fait que deux ou trois ponts. Et même ces ponts sont, soit mal faits ou non finalisés. Même si le goudron ne peut être disponible maintenant, mais que l’Etat nous aide à faire le terrassement des 194km, cela va nous aider. (…). Depuis très très longtemps, on ne voit plus une machine sur cette route, c’est déplorable », a-t-il regretté.
Sur le tronçon Kankan-Kissidougou, plus on s’approche de Kissidougou, plus on s’enfonce dans le tréfonds des parties dégradées et le calvaire également s’intensifie pour les usagers.
C’est l’enfer sur terre !
MohamedNana Bangoura, Envoyé spécial