BATANKA NOM DE LA MONNAIE À CONAKRY DE LA COLONISATION À 1972 AVÈNEMENT DU SYLI
Aujourd’hui dans le quotidien nous disons 1000 fgs mille francs, cinq mille francs, tout est dit en français, le FRANC. Nous rappelons que dire le mot FRANC accompagnant une somme d’argent est nouveau dans notre langage.
Cela a commencé avec l’avènement de l’actuel FRANC guinéen suite à l’arrivée des militaires au pouvoir en 1984, et qui a fait que, par snobisme, le parler français a pris de l’importance dans le langage courant.
Auparavant, la monnaie était appelée par son nom local ,BATANKA. Par exemple on disait BATANKA WOULKEREN ===== pour mille francs BATANKA FOU ======pour dix francs BATANKA KÈMÈ ou en plus court on disait généralement BATAAKÈMÈ ou TANKAKÈMÈ ===pour cent francs.
KÖBIRI veut dire argent monétaire mais BATANKA nommait la monnaie en circulation. comme le DOLLAR est pour les américains, le FRANC pour les français, la LIVRE ou POUND pour les anglais.
Le mot KÔBIRI est une altération locale du mot portugais COBRE qui veut dire cuivre, des pièces de monnaie en cuivre qui se voyaient avec eux dans leurs comptoirs sur les côtes. Vers le 17ème siècle, ils ont apporté dans les comptoirs du RIO PONGO, le centre commercial de l’”époque, des pièces de monnaie appelées TANGA qui est une sous unité de la Roupie, monnaie de l’Inde portugaise. Des pièces de 1/4,1/8 à 10 tangas de dénomination.
Avec le temps et leur usage TANGA s’est prononcé localement TANKA puis la syllabe BA s’est ajoutée, on ne sait comment.
Toujours est-il que que BATANKA a fini par être l’appellation de la monnaie en circulation sur les côtes de notre Guinée et est devenu plus tard pour les gens de cette région, le nom de la monnaie FRANC en Guinée.
Le mot a survécu à la longue période du SHILLING anglais qui a suivi, dans les transactions à partir du milieu du 18ème siècle. Une monnaie qui s’était durablement incrustée dans la vie sociale aussi.
La DOT du mariage se payait alors en SHILLING. Même que maintenant physiquement absent, le nom SHILLING reste présent de nos jours dans le paiement de la dot de mariage.
On dit encore et toujours ; le mariage a été conclu après la présentation de << CÔLA NAANI BATANKA NAANI SHILLING KEREN >> (quatre colas, quatre francs et un shilling). C’est dire à quel point la longue et continue présence anglaise a influencé la culture de la région côtière.
Le mot CADEAU ayant aujourd’hui en langue NAKHA pour équivalent SILINNA en appuyant en double sur le N A SILINNA MOUDOUN FIKH’IMA=====quel cadeau qu’il t’a offert
GNÈGNÔN SILINNA ====cadeau de fin d’année
FOUTOU SILINNA=======cadeau de mariage
BATANKA est réapparu avec la colonisation française en 1893 pour signifier << FRANC >>. De là jusqu’en 1972 année de l’avènement du SYLI, il resta le nom local de la monnaie, les gens ne comptaient qu’en BATANKA, on ne disait pas FRANC.
C’est là qu’intervient une autre version qui mérite fortement d’être retenue. Beaucoup de gens disent que TANKA était le tarif du trajet dans le train du chemin de fer juste construit sur l’île de TOMBO en 1902. Le tarif était de UN TANKA. Le TRAIN s’appelle TANKA en SOSOKHOUI.
On peut beaucoup croire à cette version pour le fait que des chansons de l’époque parlent de TANKA comme moyen de paiement de divers services.
En Guinée Maritime, on disait alors BATANKA WOULMÔKHÔYÈN Pour vingt mille (20.000 fgs) BATAAKEREN==============Pour un franc ( 1 fg ) Bataakérén. BATANKA KÈMÈ SAKHAN ou BATANKÈMÈ SAKHAN ===trois cent francs ( 300 fgs ). BATANKA WOULSOULI ========cinq mille francs ( 5000 fgs )
Le mot FRANC en français ne se disait pas, il restera absent du parler local jusqu’à son retour en janvier 1986, avec les militaires du CMRN du Général CONTE.
Si le FRANC devait continuer à rester l’unité monétaire guinéenne, héritage culturel oblige, par Atavisme son appellation locale de BATANKA devrait reprendre, c’est un vrai PATRIMOINE.
ll n’est pas facile pour des personnes âgées et les gens des campagnes de comprendre et prononcer des sommes en milliers en français. Dire huit cent soixante mille francs ( 860.000 fgs) en français pour quelqu’un de la campagne, n’est pas chose aisée. Ce qui leur était facile avec le BATANKA. On comprend mieux dans sa langue que dans une autre, surtout européenne.
LES SOUS UNITÉS DE CES MONNAIES
1/ — KÔBIRI ou KÔBRI qui est l’argent a donné PIKINI (PEQUENO en portugais) qui en était la plus petite pièce, et aussi KÔPÔRÔ. Quand quelqu’un dit Pikini ou Kôpôrô Mou N’yi, il veut dire par là qu’il n’a pas un centime ou qu’il a les poches vides, qu’il est fauché.
2/ — TANKA au départ unité principale est devenu par la force du rajout, une sous unité de BATANKA. Quand quelqu’un dit Tanka Mou N’yi, il veut dire je n’ai rien, pas un centime.
TANKA a été le titre d’une célèbre chanson mélodieuse de feu FODEBA KEITA dans les années 50-60 plusieurs fois reprise par d’autres artistes et qui faisait la Une des ondes de la radio Conakry des années 60.
[— Eh Madan NAANA fa m’ma Tankadi ra, na sarama Bonga nan na, Tina na Gninma pèpèsoupi ra. Yi Tèmèdi Tofan , Yi Tèmèdi sérié. Madan Fatou na Konkwé a khounya sana Codowari (Côte d’Ivoire ) —-la suite– ]
En traduction : << Madame Nana donne moi mon un TANKA demain j’achète du hareng pour préparer la soupe au piment —la suite — >>. Ceux de cette époque s’en souviennent.
3/ — Les anglais ont fait tenir le SHILLING pendant un siècle, il est devenu la monnaie de la DOT dans le mariage comme expliqué plus haut.
Les sous unités du SHILLING, étaient le Kôpô et Penny, ou Pènny. Dire Pènny ou WAN KÔPÔ mou n’yi, signifie, je n’ai rien pas un rond, fauché.
4 / —Le FRANC colonial avait des sous unités comme la pièce de 2 francs appelée localement DOUBALI , la pièce de un franc appelée FÈRÈ kérén et la pièce de centime qu’on appelait TANMA ,une pièce légère en aluminium .
Ces noms en langue NAKHA : PIKINI-KÔPÔRÔ-TANKA–KÔPÔ–PÈNNY–TANMA, expriment le plus petit nombre ou l’état de sans le sou , de Fauché ,ou les poches vides .ou n’avoir rien dans les mains, être désargenté ou être pauvre ou RIEN ou être RIEN.
Les noms des différentes monnaies que nous avons connues avec leurs sous unités, sont entrés dans le vocabulaire de la langue NAKHA et sont présents dans nos expressions populaires. Ces noms et expressions sont des traces, des témoignages des époques de l’histoire, traversées par la région côtière de Guinée.
Amara Touré