Monsieur le président,
En cet instant décisif pour notre pays, notre «nation», je me permets avec beaucoup de conviction de vous faire part d’une solution qui me semble être l’ultime remède aux multiples maux qui plongent notre chère patrie dans les ténèbres de l’ethnocentrisme, de l’ethno stratégie, de la corruption, du clientélisme, et du sous-développement.
Ni le régime parlementaire, ni le régime semi-parlementaire, ni le régime présidentiel encore moins celui semi-présidentiel, ne constitue la solution aux problèmes guinéens. Le parcours historique de l’Afrique francophone subsaharienne en général, et celui de la Guinée en particulier, témoigne de mon pessimisme, même si certains nous citerons l’exemple de quelques pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire. A ceux-ci jusqu’à preuve du contraire, la France me semble être l’artisan de la stabilité économique et démocratique desdits pays, en raison de l’existence d’une monnaie et d’une économie coloniales, mais aussi de l’implication profonde de cette dernière dans leurs constructions politiques de Senghor à Ouattara, en passant par Houphouët et Diouf.
Faut-il rappeler le rôle de la France dans la désignation de Senghor, au détriment de Mamadou Dia juridiquement prédestiné à conduire la destinée du Sénégal ? Le rôle de la France dans la dislocation de la Fédération du Mali ? Et récemment, son rôle dans les élections ivoiriennes de 2010 ?
Monsieur le président,
De nos jours, les constitutionnalistes dans leur majorité admettent conformément aux constitutions de 1990, 2010 et 2020, que la Guinée a constamment adopté des régimes politiques hybrides parce qu’ils comportaient juridiquement, les caractéristiques d’un régime parlementaire et présidentiel.
Dans les faits, nous savons tous, qu’ils n’ont été que de véritables « régimes présidentialistes ». Cette prééminence écrasante de l’institution présidentielle sur tous les autres organes étatiques n’est non seulement pas devenue possible par la seule volonté des présidents successifs, mais aussi, elle résulte de notre conception sociologique et religieuse du pouvoir favorable aux cultes de la personnalité.
C’est pourquoi, des faits et histoires surnaturels relatifs à la naissance et aux actes de bravoure de nos dirigeants sont souvent racontés. J’apprends déjà Monsieur le président, que votre prise de pouvoir a été annoncée depuis très longtemps dans les ouvrages tel que « Dramouss » de Camara Laye et prédilections de certains sages. En effet, le culte de la personnalité est lié à notre être sociologique bien qu’il soit de plus en dénoncé.
Monsieur le président,
A mon avis, juridiquement aucun régime politique consacré n’est mauvais en soi, s’il est adapté aux réalités socio-politico-géographiques et mis en œuvre dans les modalités prescrites. Cela n’est-il pas vérifiable à travers le monde ? Certaines monarchies ne sont –elles pas enviées par rapport à certaines démocraties ? Le présidentialisme turc n’a-t-il pas marqué l’histoire du monde ? Le système Kadhafi n’a-t-il pas été meilleur à certains parlementarismes ? Alors ne peut-on pas affirmer que la pertinence d’un régime politique réside dans sa capacité à transformer qualitativement et quantitativement les conditions de vie des populations ?
Au regard de toutes ces démonstrations, il me parait indispensable que nous mettions en place un système organisationnel adapté à nos réalités pour sortir notre chère Guinée de sa léthargie.
Dans les lignes qui suivent, nous avons essayé de proposer une solution aux maux qui nous semble être les plus grands handicaps au développement de notre pays.
Monsieur le président,
Pour avoir mené pratiquement toute mon enfance en Guinée, j’ai constaté et continue de constater avec regret, que les mécanismes et/ou facteurs sociologiques suivants: les mariages intercommunautaires ou inter-ethniques, les longues cohabitations, l’appartenance religieuse, l’appartenance géographique, les conditions de vie communes ( pauvreté, les grandes crises socio-politico-économique,…), … qui ont permis aux autres peuples de constituer des nations fortes, ce sont tous révélés inefficaces dans notre ambition de construction de la nation guinéenne depuis la première République.
Les guinéens n’étaient-ils pas plus proches d’une communauté nationale sous la première République que sous la deuxième République ? N’étaient-ils pas plus proches de l’unité nationale sous la deuxième que sous la troisième et la quatrième république ? C’est pour vous dire que le problème fondamental qui est la source des pandémies sociopolitiques de notre pays n’est rien d’autre que l’absence d’une nation gunéenne. A l’absence d’une nation, sévit la division. La division favorise l’ethnocentrisme, le régionalisme, le favoritisme, le trafic d’influence, la médiocrité pour verrouiller l’État dans l’impunité.
La Guinée n’est-elle pas dans cette situation déplorable ?
Monsieur le président,
Le moment est venu pour enfin accepter notre identité.
Au sens des propos de feu Bah Mamadou à la question de savoir si la Guinée est une famille (une nation) ? J’admets enfin que la Guinée n’a pas une nation, elle est un ensemble de communautés ethniques disposant chacune une région naturelle et s’acceptant ainsi.
C’est sur la base de cette réalité, que je voudrais proposer une refondation totale de la forme d’Etat unitaire en vigueur en un régionalisme d’Etat, pour permettre à notre pays de retrouver le salut. Il s’agit de coudre enfin, l’habit en harmonie avec notre « corpus ».
Oui ! Le régionalisme et non le fédéralisme d’Etat, permettrait d’atténuer l’appétit de conquête du pouvoir politique par les ethnies. Cet appétit fait que chacune des ethnies est devenue une menace pour l’autre. Cette situation risque de plonger notre pays dans une guerre civile que nul ne souhaiterait.
Il faut signaler que le grandissime intérêt des ethnies pour le pouvoir, réside dans ses prérogatives larges de gestion des toutes les ressources du pays, de nomination à tous les postes de gouvernance, de recrutement à la fonction publique, de maitrise de l’armée, de la détermination du sort de tous et de toutes. Ainsi, le pouvoir central est devenu le véritable enjeu pour la prospérité de nos communautés, d’où la détermination des partis ethniques à voir un membre de leur communauté à la tête de l’Etat.
En conséquence, je voudrais que l’on profite de cette transition, pour définir une organisation politico-administrative et géographique adaptée, qui réduirait de façon substantielle l’influence du pouvoir central sur le devenir de tout le peuple et de toutes les régions afin d’orienter les guinéens vers d’autres pôles d’enjeux et d’influences capables de permettre à chacune des ethnies et composantes territoriales d’y trouver leur compte. C’est à ce titre, que je pense que le régionalisme est la solution qui permettra aux guinéens de s’orienter vers les objectifs réels de développement. Par lui, la garantie de l’amélioration des conditions de vie des populations et de développement ne dépendra plus des politiques nationales et du pouvoir central.
Avec le régionalisme, chaque région naturelle disposera :
- D’un budget régional
- d’un organe régional aux membres élus librement par ses habitants
- d’une fonction publique régionale,
- d’infrastructures régionales…
Ce dispositif organisationnel indépendamment de la nature du régime politique, permettra :
- de réduire :
- de 80% le budget du pouvoir central en faveur des régions qui d’ailleurs ne sont que les contenus territoriaux de l’Etat (imaginez sur un budget de six mille milliards, que chaque région soit dotée de mille milliards pour son développement) ;
- de 70% les pouvoir de nomination du pouvoir central ;
- de 60% du pouvoir de recrutement ;
- De transférer l’essentiel des programmes et projets de développement dans les régions ;
- De créer de milliers d’emplois au niveau régional ;
- De créer plusieurs zones de développement ;
- De réduire l’exode rural et l’immigration clandestine ;
- De désengorger la capitale Conakry ;
- de promouvoir une compétition régionale en faveur du développement ;
En me limitant à ces quelques avantage, le régionalisme permettra de diluer l’enjeu prépondérant du pouvoir central dans la conduite de la destinée des guinéens et d’amener chacun et tous à ‘’retrouver sa part’’ dans le développement de notre pays.
Monsieur le président,
Le régionalisme est très proche du fédéralisme sans être identique. Ce système minimise les risques de sécession.
Sans être un spécialiste en la matière, toutes les garanties seront mises en place pour dissuader les tendances sécessionnistes. Il s’agira par exemples:
- De mettre en place des garanties juridiques ;
- De confier tout le système de sécurité et de défense ainsi que la justice au pouvoir central,…
Certes, cette refondation de notre pays sera très difficile, mais elle reste plus facile que le travail de « création » d’un nouveau guinéen.
Monsieur le Président,
En pensant à l’étendue des travaux liés à la mise en œuvre de telles reformes, vous et vos proches collaborateurs douteront. Je vous prie en cet instant d’hésitation et d’incertitude de vous poser les questions suivantes :
Pourquoi tous ces régimes ont échoué ? Tous ces présidents et chef d’États étaient-ils incompétents et sans vision pour notre pays? Pourquoi nous n’avons pas la même lecture de notre histoire ancienne et récente ? Sommes-nous prêts à accepter dans cette diversité idéologique figée à tourner nos pages douloureuses? Êtes-vous prêt à amener les guinéens à renoncer à l’éducation à la haine dans les familles, à l’école ? Êtes-vous prêt à dissuader les groupes ethniques à vivre dans des quartiers ethniques ? Êtes-vous prêt à éliminer les partis ethniques ?
Toumany Sangaré